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Août 2013
POUR LA LUTTE DE LA CLASSE OUVRIÈRE EN ÉGYPTE CONTRE L’ÉTAT BOURGEOIS ET SES ALLIÉS, QU’ILS SOIENT LAÏCS OU ISLAMISTES, TOUS ÉGALEMENT ENNEMIS DU PROLÉTARIAT
POUR QUE RESURGISSENT SES ORGANISMES DE LUTTE
ÉCONOMIQUE
ET LE PARTI COMMUNISTE RÉVOLUTIONNAIRE
Après les affrontements sanglants de ces derniers jours dans les rue
des grandes villes égyptiennes, les commentateurs, toujours prêts à
masquer les raisons profondes des mouvements sociaux, parlent de «
guerre
civile », mais sans nous expliquer les antagonismes de classe et les
intérêts
matériels en jeu. Tout se ramènerait pour eux à un antagonisme entre
les frères musulmans qui s’insurgent contre un coup d’État qui aurait
violé la « légalité » et une armée, appuyée par un large front laïc,
bien décidée à en découdre et à ramener l’ordre.
Pour expliquer les faits nous ne devons pas nous laisser leurrer par les symboles, les mots d’ordres et les objectifs que les manifestants des deux fronts ont inscrit sur leurs banderoles. Les raisons profondes qui ont poussé à cet affrontement, ne peuvent certainement pas se réduire à la lutte pour la démocratie, pour la défense de la légalité, ou à la volonté d’imposer la loi islamique dans une société bourgeoise fermement assise sur le mode de production capitaliste, même si les formes économiques passées sont encore très présentes, comme dans la plupart des sociétés bourgeoises.
Dans les conditions actuelles de l’Égypte, ce qui pousse les manifestants dans un affrontement tragique sont des motivations matérielles et des nécessités vitales qu’aucun des deux camps ne peut résoudre. Ni les chefs militaires, ni les « frères musulmans » ne pourront assurer un futur et une vie digne aux millions d’Egyptiens qui se sont mobilisés et sont descendus dans la rue.
La classe travailleuse, la seule qui aurait la force de s’opposer au régime bourgeois, est restée, avec raison, absente de ces luttes. Il n’en résulte pas qu’elle soit indifférente à la situation économique et sociale, loin de là, ni que quelques travailleurs ne se soient laissés fourvoyer par l’un des deux camps en présence. Cependant d’après les nouvelles qui nous parviennent il n’y a aucune grève, ni aucune déclaration de syndicats indépendants en faveur de l’un ou l’autre camp. Au contraire les seules déclarations, comme l’a dénoncé un tract des syndicats indépendants, ont été celles des syndicats officiels qui ont appelé à un soutien des putschistes du général Al Sisi.
D’après ce que nous savons, dans les rangs de l’armée il n’y a eu aucune désertion, en tout cas pas en masse, et l’appareil d’État a bien tenu malgré la dureté de la répression.
Les frères musulmans sont l’un des plus vieux parti bourgeois d’Égypte, avec une organisation capillaire diffuse dans tout le pays qui s’est constituée durant presque un siècle, tout en étant contraint d’agir bien souvent dans la clandestinité, bien que toléré par les militaires qui ont su bien souvent les utiliser contre le prolétariat.
Une organisation capillaire et un large réseau diffus d’assistance auprès des couches sociales les plus démunies, grâce aux énormes moyens financiers dont dispose l’organisation, sont les facteurs qui expliquent l’énorme mobilisation qu’ils ont réussi à susciter durant le mois d’Août. Une grande partie des manifestants semblait appartenir à cette couche de déshérités qui représente une grande partie de la population égyptienne, mais aussi aux couches moyennes des campagne – n’oublions pas que les manifestants étaient amenés par cars entiers des campagnes vers les centres des grandes villes – et des villes, la grande bourgeoisie qui se tient derrière les « frères musulmans » ne se risquant pas à descendre dans la rue. Par contre le prolétariat industriel et agricole était totalement absent.
La décision des frères musulmans de lancer contre l’armée ses propres sympathisants, alors que cette dernière avait clairement annoncé sa volonté de dissoudre par la force toute manifestation, a peut être été un choix cynique pour récupérer un peu de crédibilité et sûrement une surestimation des ses propres forces.
Une fois au gouvernement les « frères musulmans » se sont montrés incapables d’apporter une quelconque solution à la crise économique que traverse l’Égypte. Dans le passé ils s’étaient aliénés tout soutien de la part de l’Arabie Saoudite, du Koweït et des Émirats arabes unis à la suite de leur politique de soutien à Saddam Hussein lors de l’invasion du Koweït. Et leur politique de rapprochement avec l’Iran et leur soutien au Hamas n’ont rien arrangé. Ils ne pouvaient donc pas attendre d’aide de l’Arabie Saoudite et de ses alliés. A l’inverse le Qatar a généreusement financé les « frères » en versant à leur divers chefs 8 milliards de dollars d’après le « Financial Times », tout comme il soutient les divers partis salafistes et terroristes d’Afrique du Nord et du Sahel. Aucun de ces dollars n’a pour autant été réinjecté pour aider au redémarrage de l’économie égyptienne, alors que dans le même temps l’Égypte négociait avec le FMI pour essayer d’obtenir un prêt de 4,8 milliards de dollars.
La seule réponse qu’ils ont su donner aux revendications du prolétariat industriel égyptien, a été la mitraille, montrant par là ouvertement leur visage anti-prolétarien et fasciste. Dans le même temps l’activité touristique, qui rapporte des devises à l’Égypte, a été torpillée en nommant à des postes clefs d’ancien terroristes. L’aggravation de la crise économique, l’augmentation des affrontements sociaux et l’instabilité sociale croissante ont fini par aliéner une partie de leur soutien qui avait vu en eux la garanti d’un retour à la stabilité et à la paix sociale.
Dans cette situation économique catastrophique, leur haine des chrétiens qui les a conduis à brûler de nombreuses églises et à assassiner gratuitement, leur volonté affichée d’imposer une constitution basée sur la charia, alors qu’ils n’ont de fait pas la majorité dans le pays, ont fini par exaspérer et entraîner une forte opposition de la part de la majorité de la population égyptienne.
L’armée qui représente une puissance économique importante et dont les chefs se sentaient menacés et risquaient de perdre leurs privilèges ont saisi l’occasion pour porter un coup fatal à la fratrie et s’en débarrasser définitivement. Malgré les appels à la retenue venant des bourgeoisies européennes et nord-américaines, qui voient toujours dans la religion un bastion solide de la contre-révolution, les généraux ont mené rondement la répression en arrêtant ses chefs, mais en laissant en liberté les plus radicaux, dont Mahmoud Ezzat qui vient d’être nommé à la tête de la confrérie, dans l’espoir de les pousser à l’insurrection armée afin de mieux les écraser.
Il ne fait pas de doute que ce que la hiérarchie militaire est capable de faire contre les frères musulmans elle le fera sans hésitation contre le prolétariat son vrai ennemi. Le bras séculier de la bourgeoisie s’est montré dans toute sa brutalité. Cet état de fait n’a pas échappé à une partie du prolétariat égyptien. On peut le lire dans l’appel aux travailleurs proposé le 26 Juillet par une forte minorité du comité exécutif des syndicats indépendants : « Demandez vous dans l’intérêt de qui a lieu cet affrontement sans discontinuité et ce sang répandu ? C’est aussi bien dans l’intérêt des dirigeants des « frères musulmans » que des chefs militaires. Tout comme les pauvres sont la chair à canon dans les guerres entre États, de même les pauvres de l’Égypte sont la benzine dans les conflits et la guerre interne ». En dernière analyse tous ces conflits sont une guerre contre le prolétariat, car c’est lui qui en fait les frais.
Tous ces morts et ces blessés, tout ce sang répandu dans les rues et les places, sont un terrible signal envoyé au prolétariat et aux autres classes opprimés d’Égypte, que la crise économique mondiale, et égyptienne en particulier, menace de mettre en mouvement.
Au prolétariat d’Égypte, écrasé par des salaires de famine et l’exploitation capitaliste, contraint de mener une vie infâme et sans perspective, nous adressons ce message : Le prolétariat n’est pas le peuple, il n’est pas une masse indistincte qui se meut sans direction précise en proie à n’importe quelle démagogie. Il est une classe sociale qui a un programme bien déterminé avec des formes de luttes et d’organisations bien définies. Il peut devenir une armée non seulement capable de paralyser l’appareil productif capitaliste, mais aussi d’affronter la machine étatique de la bourgeoisie, jusqu’à sa destruction et l’instauration de la dictature du Prolétariat. Lorsque le prolétariat se mettra en mouvement, les institutions, qui aujourd’hui semblent invincibles et capables de mener une répression terrible, se révéleront impuissantes, menacées de l’intérieur par les contradictions même de la société capitaliste.
Pour arriver à ce résultat, pour devenir une armée puissante et disciplinée, le prolétariat de tous les pays devra lutter pour la renaissance de ses organisations de défense sur le plan économique – œuvre qui en Égypte a déjà accompli ses premiers pas importants, avec la naissance de la Fédération des Syndicats Indépendants (EFITU), en dehors et contre la fédération syndicale de régime – et se rattacher à son parti de classe, le Parti Communiste International.