Parti Communiste International |
Après l’Islande et l’Irlande qui ont joué aux paradis fiscaux, Chypre se trouve rattrapée par la crise financière. Comme l’Islande et l’Irlande avant elle, les actifs de ses banques – surtout des deux principales d’entre elles – est démesuré : 8 fois son produit intérieur brut. Ses deux principales banques dont les dépôts représentent plus de la moitié des dépôts bancaires chypriotes – 69 milliards d’euros pour l’ensemble des dépôts – se trouvent en faillite.
L’État lui-même, qui est endetté à hauteur de 85% PIB, ne trouve pas à se financer sur le marché obligataire. Il doit faire appel à l’aide de l’Eurogroupe. Il lui faudrait pour les 3 prochaines années 10 milliards d’euros au bas mot. Ce qui porte le taux d’endettement de l’île, pour un PIB de 17.5 milliard €, à 142% !
A cela il faut ajouter un apport minimum de 7 milliards pour renflouer les 2 banques en faillite, qui sont par ailleurs déjà endettées auprès de la BCE. Si l’État chypriote devait prendre en charge la dette de ses deux banques, le taux d’endettement serait porté à hauteur de 182%, soit un niveau totalement ingérable et insoutenable. Pour mémoire lorsque la Grèce a été déclarée en faillite son taux d’endettement publique était de 129%.
En effet, le remboursement de la dette impliquerait des mesures draconiennes bien pires que celles qui ont été prises en Grèce ou en Espagne ! En un mot, l’île est en faillite.
On peut toujours poser la question : mais pourquoi l’Europe ne donne pas l’argent à Chypre, qu’est-ce que 17 milliards au regard du PIB européen ? D’une part l’Eurogroupe n’est pas une œuvre de charité, mais surtout ce sont les États qui doivent avancer l’argent. Ainsi le prêt de 10 milliards coûtera à la France 1,8 milliard ! Alors que le gouvernement français racle les fonds de tiroirs et rabote tous les budgets pour arriver à faire descendre le déficit structurel. Cela va de la diminution des retraites à la diminution du budget de l’armée, qui voit le sien réduit d’année en année, jusqu’au point, aujourd’hui, de mettre en péril ses missions extérieures. Bientôt l’État français n’aura plus les moyens militaires de son impérialisme. Ce qui n’est pas pour nous déplaire !
En deux mots, après la crise financière de 2008-2009, qui a entraîné un accroissement prodigieux de la dette publique, plus aucun État n’est en mesure de prendre en charge la dette des banques.
Comme l’a dit très clairement le président de l’Eurogroupe, même si cette vérité n’a pas plus ou fait peur, dorénavant en cas de faillite bancaire – et avec l’approfondissement de la crise de surproduction il y en aura de plus en plus – les actionnaires, les détenteurs d’obligations bancaires, les créanciers et les déposants dont le montant est supérieur à 100 000 € devront passer à la caisse.
Cela correspond à une aggravation de la crise. Celle-ci continue son petit bonhomme de chemin.
C’est pourquoi, avec raison, lors du premier entretien, le FMI et l’Allemagne avaient conseillé au président chypriote de transférer tous les dépôts inférieurs à 100 000 € dans une banque saine et de mettre en liquidation les deux banques en faillite.
Devant le refus du gouvernement chypriote, qui voulait à tout prix sauvegarder le rôle de paradis fiscal de son île, ils ont proposé un prélèvement sur tous les dépôts bancaires supérieurs à 100 000 € de 15.6%, afin de sauver le système financier. Mais suite au refus, tout aussi obstiné du représentant chypriote et à sa demande, ils ont proposé une taxe de 9.9% pour les dépôts supérieurs à 100 000 et 6.75% pour les autres dépôts.
Finalement, après une semaine tragi-comique et de négociations tout azimut, on est revenu à la case départ : on transfère tous les dépôts de moins de 100 000 € de Laïki bank, plus les 9 milliards qu’elle doit à la BCE, dans la Cyprus Bank et tout le reste est mis en liquidation dans une bad bank. Et au final 60% des dépôts de plus de 100 000 € de la Cyprus Bank seront prélevés pour sa restructuration, afin qu’elle ait un ratio minimum en capital de 9%.
Quant au gouvernement russe, gardien des intérêts de sa bourgeoisie, il a protesté, menacé, mais n’a pas donné un seul rouble à ses « amis » chypriotes. Par contre d’intenses tractations ont eu lieu entre le représentant de Nycosie, le représentant européen – Manuel Barroso – et le Kremlin à Moscou.
En fait dans la nuit du 24 mars, alors que les négociations entre l’Eurogroupe et les représentants chypriotes battaient leur plein, la fuite d’une partie des capitaux russes était organisée à travers les filiales de Cyprus Bank à Londres et à Moscou :
« Au lieu de cela, le plan réalisé dans l’urgence par la "troïka" semble avoir été conçu pour laisser l’argent sale s’échapper des mailles du filet. Des banquiers et des conseillers fiscaux ont organisé sur place la fuite des capitaux pendant que la "troïka" débattait à Bruxelles, le week-end du 24 mars.
«Malgré la fermeture officielle des banques, certains clients VIP des banques locales auraient bénéficié d’un traitement de faveur. La Bank of Cyprus à Londres et sa filiale en Russie, Uniastrum Bank, n’ont pas gelé les transferts de capitaux, d’où une évasion massive vers la Lettonie. Le président de la Bank of Cyprus n’a démissionné qu’après ces transferts massifs. » (Le Monde de l’economie du 15/04/2013).
Après les accords de la nuit du dimanche à lundi, on comprend mieux les propos de Poutine : « Compte tenu des décisions qui ont été prises par l’Eurogroupe, M. Poutine estime possible de soutenir les efforts du président de Chypre et de la Commission européenne pour résoudre la crise ». En outre il a chargé le gouvernement et le ministère des Finances « d’élaborer avec nos partenaires les conditions d’une restructuration du crédit déjà accordé à Chypre ».
Dans la phrase le mot partenaire se réfère à l’Eurogroupe. Tous nos bourgeois sont des marchands, toujours prêt à marchander ; tout a un prix. Comme ils disent, il faut savoir être réaliste.
Cette fuite des capitaux a forcément un coût pour l’économie chypriote. Ce qui n’a pas pu être prélevé sur les capitaux russes devra être prélevé ailleurs, d’où une décote nettement plus forte pour les capitaux restants, 60 % au lieu des 30 à 40 % initialement prévue et un risque de faillite accru pour les entreprises chypriotes qui ont déposé leurs avoirs dans ces deux banques. Ce qui se traduira par une récession plus forte et un chômage plus élevé.
Le responsable de la banque centrale chypriote a beau dire que l’effort porte essentiellement sur les fonds étranger – russes, libanais, etc... – on a du mal à le croire.
Le FMI prévoit une chute du PIB de 8,7 % cette année et de 3,9 % l’an prochain. Cependant les prévisions des économistes bourgeois sont toujours en dessous de la réalité. Mais ils reconnaissent eux-mêmes que l’île est partie pour une décennie d’austérité.
D’après les médias cette façon de trancher serait inédite, en fait pas vraiment. La dévaluation de 14 %, qu’a subi la livre sterling à la suite de l’injection massive de liquidité par la banque centrale pour sauver les banques anglaises, s’est traduite par une dévalorisation d’autant de l’épargne de la petite bourgeoisie anglaise. L’inflation joue le même rôle qu’une taxe pour le petit épargnant. Toute-fois ce qui change cette fois-ci, c’est que ce sont les gros déposants, les créanciers, les détenteurs d’obligations et les actionnaires des 2 banques qui sont mis à contribution. Et cela indique une aggravation de la crise. Les bourgeoisies et leurs États n’ont plus les moyens d’intervenir directement pour sauver les banques. Les États sont aujourd’hui trop endettés et ne peuvent plus garantir les prêts nécessaires à la recapitalisation des banques en faillite.
Avec émoi de nombreux économistes et journalistes se sont demandés si cela pouvait advenir de nouveau, ou pire si cela pouvait devenir la règle. Lors de la restructuration de la dette grecque, la troïka avait juré que cela resterait une exception. Mais la crise est toujours là et a tendance à s’aggraver. Déjà l’on parle de la Slovénie, un autre petit État, comme le prochain candidat.
La Slovénie en pleine récession connaît une crise immobilière, toutes proportions gardées, comparable par son ampleur à celle de l’Espagne : les créances douteuses, qui ont une forte probabilité de faire défaut, s’élèvent à 7 milliards d’euros, soit 20 % du PIB. L’Eurogroupe va là aussi être obligé de jouer aux pompiers.
Mais un autre État, et par des moindres, se trouve sur la liste : il s’agit des Pays-Bas, qui connaissent une forte récession et où la spéculation immobilière ces dernières années a connue des jours heureux, au point que les créances immobilières représentent 128 % du PIB. Que la récession s’aggrave et alors c’est tout une partie de ces créances qui ne pourra plus être payée, comme lors de la crise des subprimes, ou comme en Espagne aujourd’hui !
Chypre n’est pas le seul paradis fiscal en Europe et où la taille du système bancaire est démesurée par rapport au PIB. A Malte, un autre paradis fiscal, les actifs bancaires correspondent eux-aussi à 8 fois le PIB. Mais le Luxembourg, en plein cœur de l’Europe, bat tous les records avec un poids des banques qui vaut, suivant les sources de 19 à 24 fois le PIB du pays. En moyenne la taille des actifs bancaires en Europe fait 3 à 3,5 fois le PIB, c’est le cas pour la France et l’Allemagne. Mais le cas de l’Angleterre est unique et se rapproche de celui d’un paradis fiscal avec un poids du système bancaire qui équivaut à plus de 5 fois le PIB !
Que le système bancaire du Luxembourg ou de la City se trouve en faillite et c’est tout le capitalisme mondial qui saute. Cela suppose une crise financière due à une crise de surproduction comparable à celle de 1929. C’est justement ce qui se prépare, et pas seulement en Europe, mais aux antipodes, en Chine. Une crise que l’on peut prédire au plus tard pour 2018-2019.
Cette crise poussera à un affrontement titanesque entre la bourgeoisie et le prolétariat européen et le ramènera vers ses traditions de classe et sur le chemin de la révolution.
Cependant Chypre n’est pas qu’un paradis fiscal, c’est aussi une tête de pont entre l’Europe et le Moyen Orient. Elle a de ce fait une grande importance stratégique, d’où la présence de deux grandes bases militaires britanniques sur l’île.
Alors que la tension était à son maximum entre les représentant de l’Eurogroupe et le gouvernement chypriote sur la façon de résoudre la crise financière qui secouait l’île, des rumeurs de tractations entre la Russie et Chypre pour obtenir des facilités portuaires pour ses navires de guerre se sont répandues. Il ne fait pas de doute que si les Russes pouvaient faire main basse dessus, ils le feraient. Le problème est que là, il faut la prendre de force, ce qui suppose une troisième guerre mondiale, qui n’est pas encore pour tout de suite, malgré les nombreux bruits de bottes.
Avant on aura une crise mondiale de type 1929, puis une reprise et alors se posera l’alternative 3ème guerre mondiale ou Révolution Communiste Internationale.
La Russie qui s’est trouvée extrêmement affaiblie à la suite de la grave crise de surproduction des années 90 et de l’effondrement de l’URRS qui s’en est suivi, a perdu beaucoup de terrain. Elle essaye de réoccuper une partie de l’espace perdu.
De nouveau elle envoie une escadre en mer méditerranée, ce qui se comprend après la guerre en Libye et le risque d’effondrement du régime syrien.
Mais avec 6 frégates on est loin de l’ère soviétique qui pouvait aligner 30 à 50 bâtiments dans les mêmes eaux. La Russie est loin d’avoir retrouvé la puissance industrielle qu’elle avait du temps de l’ère soviétique.
Si l’on s’appuie sur les indice de la production industrielle, la Russie aurait retrouvé 74% du niveau qu’elle avait atteint en 1989, dans le bloc soviétique. Si l’on prend la production d’acier, la Russie aujourd’hui en produit 68 millions de tonnes et l’URSS avant son effondrement 160. Et pour l’électricité on a respectivement 1104 TWh et 1712 Twh. En se basant sur la production d’électricité, la mesure physique la plus fiable, en tenant compte de la crise mondiale de l’acier, la puissance industrielle de la Russie actuelle correspond à 64 % de ce qu’elle était sous l’ère soviétique. La Russie n’est plus aujourd’hui une très grande puissance, surtout face aux États-Unis qui ont dans leur giron l’Europe de l’Ouest.
En conclusion, la vieille taupe de Marx continue sont travail et bien d’autres crises financières sont en préparation. La résolution de la crise financière chypriote servira de modèle pour la liquidation des banques jusqu’à ce que le prolétariat international sorte de son état d’abrutissement et de sa torpeur pour retrouver le chemin de la révolution et renverser par la force des armes la bourgeoisie et mette un terme à ce monstre incontrôlable qu’est le capital.