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(Mai 2002)
La guerre déchaînée par l’Etat d’Israël contre les villes et les villages palestiniens se révèle toujours plus ouvertement comme anti-prolétarienne. En cela elle diffère sensiblement des guerres précédentes dirigées contre les Etats arabes et ressemble plus à la guerre civile libanaise qui a vu au prise différentes factions bourgeoises, mais aussi des massacres de grandes ampleurs de prolétaires ; massacres qui ont culminé dans celui de Sabra et Chatila.
Avec la destruction systématique des infrastructures civiles et l’élimination physique des militants des organisations politiques, et surtout, avec le ratissage et les arrestations sans discrimination des civils et la démolition ou la dévastation systématique des habitations à coups de bulldozers, l’armée israélienne ne lutte pas tant contre le « terrorisme », mais cherche à soumettre par la répression et la terreur les masses prolétariennes de la région.
Tout comme à Chabra et Chatila, il y a vingt ans, l’on a assisté à Jénine, à Ramallah, à Naplouse, et à Hébron non pas à une guerre entre Etats, mais à une véritable guerre civile dirigée contre le prolétariat palestinien. Du reste seul les prolétaires, à la différence des troupes pusillanimes et corrompues de l’autorité palestinienne « autonome », ont su retarder l’avancée des chars israéliens [i] et même infliger des pertes à l’ennemi.
Que le but de cette répression féroce ne soit pas la « lutte contre le terrorisme », sa faillite devant les attentats suicides d’hommes et de femmes poussés au désespoir, le montre amplement.
Les accords d’Oslo, très avantageux pour la bourgeoisie israélienne, rendait totalement inutile tout recourt à la force de la part des israéliens pour un nouveau partage territorial ; que ce soit pour des motifs militaires, économiques ou sociaux. En effet ces accords, acceptés par la bourgeoisie palestinienne, corrompue et pleutre, prévoyaient la création d’un Etat fantoche, véritable bantoustan, dans lequel on se promettait de confiner les masses prolétariennes à employer sur place, ou en Israël comme main d’très bon marché.
L’autorité Nationale Palestinienne, dotée d’un fort appareil répressif fourni et entraîné par les Israéliens et les Américains, s’engageait à assumer le maintien de l’ordre, en échange pour la bourgeoisie palestinienne de pouvoir vaquer à ses affaires à l’ombre de l’Etat israélien. Et tout ceci avec la bénédiction de l’Europe et des Etats arabes, chacun voulant maintenir son influence dans cette région si importante du point de vue stratégique. Avec la paix on espérait ainsi tenir en otage la population palestinienne (ainsi que le prolétariat israélien), comme l’avait fait pendant cinquante ans l’état de guerre.
Ces accords ont été défendus jusqu’à l’absurde, pendant des années, par le groupe dirigeant palestinien, dont la soumission à la bourgeoisie israélienne et à l’Etat d’Israël a été totale. La police et les services secrets palestiniens ont collaboré pleinement avec ceux d’Israël et des Etat Unis ; ils ont fourni des informations, non seulement pour atteindre leur opposants du moment, mais aussi et surtout les groupes de prolétaires les plus combatifs, quand ils ne pouvait pas avec leurs propres moyens les assassiner ou les faire disparaître. Et les chefs syndicaux ont rapidement connu les prisons de « leur police autonome ».
De même sur le plan économique, la collaboration entre l’autorité palestinienne et l’Etat patron israélien a été complète : « Au-delà même des liens formalisés dans les accords d’autonomie – écrit N. Pacadou dans « Le Monde diplomatique » de mars 2001 - la réalité de la dépendance économique des territoires palestiniens à l’égard de l’Etat hébreu entretient des réseaux d’intérêt qui unissent le « complexe militaro marchand » proche de l’Autorité nationale aux responsables israéliens, sans lesquels le monopole des importations de produits de première nécessité, dont bénéficient les sociétés publiques palestiniennes, ne pourrait s’exercer. L’ambiguïté fondatrice du statut d’autonomie condamne ainsi l’Autorité palestinienne à l’impossible gageure de conduire le combat national en collaborant avec l’occupant ».
Ces accords ont failli parce que l’appareil répressif palestinien n’a pas été à la hauteur de la tâche que l’impérialisme mondial lui avait assignée, et il ne pouvait en être autrement.
Au-delà de ses propres intérêts, l’Etat israélien, conscient de ce fait, a pour cette raison continué sa politique expansionniste, encourageant l’implantation de nouvelles colonies, s’appropriant les meilleurs terre et l’eau, s’opposant à toute hypothèse de retour des réfugiés palestiniens, qui par millions s’entassent dans les camps éparpillés dans tout le Moyen Orient.
A la suite de la tragédie de cette semaine, Arafat a été accusé, pour avoir refusé « l’accord de paix » qui lui avait été offert par le gouvernement Barak en 1999, d’être responsable de la ruine du peuple palestinien et de la faillite des accords d’Oslo. En fait le « vieux renard », symbole de l’irrédentisme décrépi, était disposé à signer ces accords. Mais il n’a pu le faire à la suite de la mobilisation des masses palestiniennes, contre ce qui aurait été une vraie capitulation, qu’ils auraient par la suite payé de leur sueur et de leur sang.
Ami Ayalon, chef des services secrets de la sécurité interne israélienne, de 1996 à 2001, dans une interview au journal « Le Monde » du 23 décembre, en bon connaisseur de ses ennemis, a affirmé sur cette question deux concepts intéressants :
« Les Palestiniens se comportent comme des "fous", dit-on ici. Ce n’est pas de la folie, mais un désespoir sans fond. Tant qu’il y avait un processus de paix, donc la perspective d’une fin de l’occupation, même avec Netannyahou, Arafat pouvait manoeuvrer, susciter la violence, ou la réprimer pour mieux négocier. Quand il n’y a plus de processus, plus on tue de terroristes et plus leur camp se renforce. Yasser Arafat, contrairement à ce qu’on nous martèle, n’a ni préparé ni déclenché l’Intifada. L’explosion a été spontanée, contre Israël, par absence d’espoir d’une fin de l’occupation et contre l’Autorité palestinienne, sa corruption, son impotence. Arafat ne pouvait la réprimer. Ce qui fait la différence entre apparaître comme un collaborateur des Israéliens, ou comme le chef de la libération nationale, c’est l’existence du processus politique. Sans lui, Arafat ne peut lutter contre ses islamistes ni sa propre base. Les Palestiniens finiraient pas le pendre en place publique ».
Ce sont ceux qui vivent avec des salaires de famine, dans des baraques ou des taudis dans les camps de réfugiés, sans aucun espoir d’amélioration, qui sont spontanément descendus dans la rue s’affronter, non seulement aux chars et à l’aviation israéliens avec des pierres et le peu de fusils qu’ils possèdent, mais aussi aux balles de la police palestinienne. Cette seconde Intifada se distingue par son caractère de classe, qui s’exprime par la lutte contre le gouvernement palestinien corrompu, la police, les syndicats vendus, les patrons toujours plus exigeants, par la lutte contre une oppression de classe qui fait un avec l’oppression militaire de l’Etat d’Israël, rendant ainsi la vie encore plus difficile, plus dure, insoutenable. De ce fait l’Intifada se poursuit, malgré les arrestations en masse, les exécutions ciblées des militants les plus actifs, sur la base des listes fournies par les autorités palestiniennes, et mêmes des massacres comme à Jénine.
Les partis extrémistes islamistes, qui bénéficient de fonds en provenance d’Etats bourgeois de l’est et du sud, et même probablement d’Etats occidentaux, ont su profiter de ce climat d’extrême tension pour s’insérer au sein du prolétariat. Il n’est pas difficile de pousser à des attentats suicides des adolescents qui ont vécu dans une constante humiliation et qui sont sans avenir. Mais le terrorisme contre la population civile d’Israël est une politique suicidaire et contreproductive pour la cause palestinienne. Selon notre vision de lutte des classes, ce terrorisme remplie une fonction complémentaire et même nécessaire à la politique des Etats bourgeois et en particulier à celui d’Israël : maintenir séparé les deux peuples en créant l’union sacrée du prolétariat juif autour de l’Etat d’Israël. Ce terrorisme est si utile et intervient tellement à point pour l’Etat d’Israël, que l’on peut se demander dans quelle mesure il n’est pas sinon suscité, du moins pas entravé par les services secrets de l’Etat israélien, voir même des deux partis ? Ces attentats sanglants contre la population civile israélienne ont permis de justifier les interventions militaires toujours plus brutales et sanguinaires contre la population palestinienne. Alors que commençait à se faire jour un mouvement de désobéissance au sein de l’armée israélienne, ces attentats on rétablit l’union sacrée. Ceux qui sont à blâmer dans ces attentats, ce ne sont pas les jeunes désespérés qui vont au suicide, mais les organisations islamistes, agents des bourgeoisies arabes, quand elles ne sont pas aussi manipulées par les bourgeoisies des grands Etats impérialistes, et qui entraînent le prolétariat dans une impasse.
Aux causes sociales d’une guerre de classe qui ne dit pas son nom, s’ajoute une récession économique mondiale qui a entraîné dans sa tourmente Israël. Depuis des mois la crise de l’économie capitaliste frappe singulièrement l’industrie israélienne, faisant s’évanouir le « miracle économique » basé surtout sur l’industrie high tech de l’électronique, de l’informatique, des télécommunications, etc. La récession capitaliste, constatée l’année dernière, a continuée à s’aggraver.
La même nécessité qui a poussé le puissant Etat impérialiste américain à se trouver un ennemi, en déclenchant la guerre en Afghanistan et en voulant l’étendre depuis au Moyen Orient, en portant de nouveau la guerre en Irak, a poussé le complexe militaro-industriel d’Israël à déclencher « la guerre totale » contre les populations des territoires occupées, bien qu’il n’y est aucune nécessité d’ordre stratégique ou nationale.
Dans cette guerre, l’Etat d’Israël n’est pas isolé, comme la propagande veut nous le faire croire. Les Etats-Unis se tiennent à ses côtés, tout comme la Russie et l’Europe qui ne veulent pas laisser seule les Etats-Unis et espèrent avoir leur mot à dire, afin de défendre leurs intérêts commerciaux, et si possible étendre leur influence dans cette région stratégique, au détriment du plus gros des loups, l’impérialisme américains. Dans la région, Israël est le premier partenaire commercial pour l’Europe. Tous au-delà des belles paroles sont d’accord avec Sharon (ou charogne) : avant toute nouvelle tractation il est nécessaire que « le travail soit fini », que des centaines de prolétaires finissent dans les fosses communes des cités ghetto, que leur quartier soient dévastés et leurs organisations détruites.
Seul est le prolétariat palestinien, seul aussi celui d’Israël, même si pour le moment sa situation diffère notablement, tous les deux victimes sacrifiées à l’autel des intérêts capitalistes, dont la chaîne colossale des intérêts enserre le monde. Les différentes bourgeoisies, dont les Bush, les Poutine, les Sharon, les Arafat, les Mubarak et autre Ben Laden ne sont que les représentants, sont en guerre continuelle entre elles, mais toujours unies face au prolétariat, leur seul vrai ennemi.
Une partie de tout ceci a été intuitionné par les réservistes israéliens qui ont publiquement refusé d’aller humilier et massacrer leurs frères de classe. C’est un signe de la désagrégation de l’union de toutes les classes qui en Israël aussi est la base de la paix sociale et de la dictature bourgeoise. Pour faible que soit cette réaction et bien que manquante de vision générale de classe, il est significatif que le seul acte de solidarité concret qu’est reçu le prolétariat palestinien soit venu de ce côté là. Le prolétariat d’Israël ne pourra s’émanciper qu’avec l’aide du prolétariat palestinien et en luttant au coude à coude avec le prolétariat et les paysans pauvres des pays arabe avoisinants.
Les manifestations, qui se sont déroulées dans les différentes capitales médio orientales en solidarité avec le prolétariat palestinien, montrent certes la gravité de la situation sociale, mais il manque au prolétariat du Moyen Orient une direction politique de classe. L’indignation est facilement canalisée dans un sens nationaliste, conservateur, irrédentiste, religieux, si ce n’est dans un appui ouvertement pro gouvernemental. On agite aux masses exploitées l’épouvantail israélien, alors que leur ennemi se trouve dans leur pays, dans les classes dominantes. Ces dernières pour des raisons évidentes de classe et historiques sont liées à l’impérialisme mondial. Depuis des décennies elles utilisent la rhétorique philo palestinienne et l’antagonisme avec l’Etat d’Israël pour se maintenir au pouvoir. Tout comme le sionisme se nourrit depuis des décennies de l’antisémitisme. Chaque attentat contre les synagogues est du pain béni pour la bourgeoisie israélienne. Toutes ces bourgeoisies, tant arabes qu’israélienne, sans parler de l’impérialisme mondial, sont coresponsables de la situation du prolétariat palestinien. Toutes unies face à leur ennemi commun le prolétariat et les paysans pauvres du Moyen Orient.
Sur le terrain national les masses palestiniennes n’ont pas
d’avenir,
même la misérable perspective d’Oslo a échoué.
Mais le prolétariat palestinien peut trouver dans sa tragique situation
une force énorme et un immense espoir en abandonnant définitivement
le terrain nationaliste pour celui de la lutte de classe, en devenant
le
fédérateur des luttes du prolétariat et des paysans
pauvres du Moyen Orient. Alors il ne sera plus seul. En fédérant
les masses prolétarienne sous la bannière du communisme,
celui du manifeste de 1948, de Lénine, celui défendu par
la Gauche Italienne qui fonda le parti communiste en 1921, dans une
lutte
implacable pour renverser les différentes bourgeoisies et leur Etat
au Moyen Orient, il trouvera un immense écho et un puissant appui
en Europe, en Amérique du Nord et en Asie dans des Etats comme la
Chine et l’Inde.