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Parti Communiste Internationaliste | |||
PLATE-FORME POLITIQUE DU PARTI (1945) |
Le postulat de la reconstruction en Italie du parti politique de la classe ouvrière, capable d’assurer la continuité de la politique révolutionnaire dans ses traditions nationales et internationales, ne pourra devenir un fait historique effectif que si les forces d’avant-garde du prolétariat s’orientent avec rapidité et décision autour d’un programme de propagande, d’organisation et de lutte, achevé et cohérent.
Dans son application spéciale à la présente lutte politique en Italie, les lignes générales et les points cardinaux de ce programme, correspondant parfaitement aux exigences internationales du mouvement, sont les suivants :
1. La théorie du parti, c’est-à-dire la conception du monde et de la société qui lui est propre, est celle du socialisme scientifique de Marx tel qu’il fut restauré contre les tendances révisionnistes par l’Internationale révolutionnaire, dont la reconstitution accompagna la victoire de la révolution bolchévique en Russie.
2. La conception historique du Parti est celle du Manifeste Communiste de Marx et Engels de 1848 et des applications classiques qu’ils en ont donné à l’histoire de la lutte des classes ; sa théorie économique est celle du “Capital” de Marx, complétée en ce qui concerne la plus récente phase du capitalisme par les appréciations essentielles de l’analyse de Lénine dans “L’Impérialisme” ; sa politique programmatique est celle qui a été développée d’après la doctrine fondamentale dans “L’Etat et la Révolution” de Lénine et dans les textes constitutifs de l’Internationale de Moscou.
3. L’appréciation historique que le
Parti donne des principaux événements de l’histoire
mondiale qui se sont vérifiés après la fin
de la première guerre impérialiste et la constitution
de la III Internationale repose sur les principes suivants :
a) Le fascisme est un phénomène
historique mondial, expression de la politique de la classe
bourgeoise dominante, dans la phase où l’économie
capitaliste prend des caractères monopolistes et
impérialistes. Une caractéristique essentielle du
mouvement fasciste est l’attaque et la destruction des
organisations autonomes et des formations de classe des travailleurs.
Dans cette attaque, le fascisme utilise, outre les forces du nouveau
parti bourgeois de classe qu’il constitue, celles de l’Etat
et de tous les autres partis bourgeois qui sont ses complices dans
cette tâche de contre-offensive et de contre-révolution
préventive pour le maintien des privilèges de classe.
La thèse que le fascisme consiste en une réaction
féodale ou absolutiste médiévale, tendant à
détruire les conquêtes sociales et politiques de la
bourgeoisie capitaliste industrielle, est repoussée comme
anti-historique.
b) Le régime révolutionnaire russe,
avec la victoire d’Octobre 1917, revêt un caractère
prolétarien très net qui a dépassé
historiquement le contenu bourgeois de la révolution
anti-tsariste de Février et rompu impitoyablement avec tous
les mensonges du libéralisme démocratique et de
l’opportunisme “socialiste”. Il
commença en même temps ces deux luttes inséparables :
l’une pour le renversement violent de l’Etat dans les
pays déjà complètement capitalistes ;
l’autre pour la transformation sociale de l’économie
russe dans un sens communiste. Ces deux objectifs ne pouvaient être
poursuivis que parallèlement : aucun des deux n’a
été atteint. En défendant et en renforçant
le pouvoir dans les grands pays évolués, les forces de
conservation du monde bourgeois ont saboté la construction du
socialisme en Russie. Le régime russe, après les
premières réalisations socialistes, a subi une
régression qui s’est réalisée peu à
peu, mais de manière décisive. L’économie
a repris des caractères de privilège et d’exploitation
des salariés ; dans le domaine social les couches aisées
ont repris de l’influence ; dans le domaine juridique, les
formes et les normes de type bourgeois sont réapparues ;
dans le domaine politique intérieur, le courant
révolutionnaire qui continuait les traditions bolchéviques
de la révolution d’Octobre et du Léninisme a été
battu et dispersé et a perdu le contrôle du parti et de
l’État ; dans le domaine international, l’Etat
russe a cessé d’être une force alliée de
toutes les classes exploitées combattant sur le terrain de la
guerre civile pour la révolution dans tous les pays. Il est
devenu une des plus colossales forces étatiques et militaires
du monde impérialiste moderne, et il participe avec les
différents blocs des Etats militaires bourgeois au jeu des
alliances et des guerres. Il n’est plus au service d’exigences
historiques de classe, mais d’exigences nationales et
impériales, c’est-à-dire qu’il ne suit pas
une politique extérieure dictée par les intérêts
du prolétariat mondial, mais par ceux de la couche dirigeante
et privilégiée en Russie.
c) La III Internationale n’a pas
établi la formulation révolutionnaire et définitive
des problèmes de l’organisation et de la tactique qui
correspondait à sa puissante base théorique et
programmatique.
Elle a admis dans son sein trop de groupements et de
couches opportunistes et a pratiqué une tactique trop encline
aux manœuvres improvisées et désorientantes ;
par suite son postulat, selon lequel il s’agissait d’arriver
plus vite au large contrôle des masses pour les guider vers la
révolution, a conduit à des résultats tout
opposés à ceux qu’il visait ; il a fait
retomber la III Internationale dans un processus
opportuniste plus grave que celui de la vieille Internationale.
Le développement dans un sens anti-prolétarien
de la situation mondiale et de la situation intérieure de la
Russie, a finalement porté la III Internationale
du terrain de cette formulation erronée de la manœuvre
tactique sur celui bien plus grave d’un abandon progressif des
principes, du programme et de la politique révolutionnaires.
Actuellement l’attitude des partis communistes qui malgré
la liquidation officielle de la III Internationale, se
réclament toujours de Moscou est celle d’une solidarité
ouverte et d’une collaboration effective avec les régimes
bourgeois, une attitude de conservation sociale qui fait d’eux
les instruments caractérisés de la mobilisation sociale
et politique des classes travailleuses au service de l’ordre
constitué de la propriété et du capital.
4. La position politique centrale du Parti Communiste
Internationaliste dans tous les pays ne sera pas d’attendre, de
pousser et de revendiquer par l’agitation, la reconstitution de
l’organisation libérale et démocratique de la
bourgeoisie, propre à la période dépassée
d’un équilibre social transitoire. Ceci avait déjà
été établi pour la période de guerre et
durant la lutte apparente des régimes bourgeois qui se
définissent comme démocratiques contre les formes
fascistes de gouvernement capitaliste. Cela s’applique
également à l’actuelle période
d’après-guerre, dans laquelle les Etats vainqueurs
hériteront et adopteront la même politique fasciste
après une conversion plus ou moins habile et plus ou moins
brusque de leur propagande.
Le Parti repousse donc toute collaboration avec des
partis bourgeois et pseudo‑prolétariens qui brandissent
le postulat faux et trompeur de la substitution de régimes de
“véritable” démocratie au
fascisme.
Cette politique est avant tout illusoire parce que
pour tout le temps de sa survivance le monde capitaliste ne pourra
plus s’organiser dans des formes libérales, mais
s’orientera toujours plus, dans les différents pays,
vers de monstrueuses unités étatiques, armées
d’une police de classe toujours plus forte et exprimant
impitoyablement la concentration économique du patronat ;
cette politique est en second lieu défaitiste, parce que (même
si des formes démocratiques pouvaient encore avoir dans
quelques secteurs secondaires du monde moderne une brève
survivance) elle sacrifie à la poursuite de ce postulat
démocratique les caractéristiques vitales de beaucoup
les plus importantes du mouvement, en ce qui concerne la doctrine,
l’autonomie organisationnelle de classe, et la tactique capable
de préparer et d’aplanir le chemin de la lutte
révolutionnaire finale, but essentiel du Parti ; en
troisième lieu, elle est contre-révolutionnaire, en ce
qu’elle accrédite aux yeux du prolétariat des
idéologies, des groupes sociaux et des partis, dont la
substance est le scepticisme et l’impuissance à
rejoindre les buts de cette démocratie qu’ils professent
dans l’abstrait ; dont la seule fonction et le seul but
(correspondant pleinement à ceux des mouvements fascistes) est
de conjurer à n’importe quel prix la marche indépendante
et l’assaut direct des masses exploitées aux fondements
économiques et juridiques du système bourgeois.
5. Dans la situation mondiale présente, la constitution d’un organisme politique international est une nécessité de premier ordre. Seront réunis dans cet organisme tous les mouvements locaux et nationaux qui n’hésitent aucunement à se placer en dehors des blocs de la liberté bourgeoise et de la lutte antifasciste spécifique ; qui sont en dehors de toutes les suggestions de la propagande que la bourgeoisie fait des deux côtés pour la guerre ; qui décident de reconstruire l’autonomie de pensée d’organisation et de lutte des masses prolétariennes internationales ; qui ne conçoivent pas l’unité du prolétariat comme le contact hybride de groupes de dirigeants exprimant des programmes absolument discordants ; qui comprennent que cette unité ne peut résulter que du dépassement ferme et organique de toutes les poussées particulières dictées par les intérêts d’ordre professionnel ou national pour arriver à la synthèse d’une force agissant pour la révolution mondiale.
6. La présente situation historique de
l’Italie ne signifie pas la clôture d’une période
de gouvernement fasciste bourgeois et l’ouverture d’une
période opposée de politique bourgeoise libérale
qui retournerait aux rapports d’avant 1922. Elle signifie
l’écroulement de l’appareil de gouvernement et de
pouvoir de la classe dominante en Italie, écroulement
déterminé non par des crises politiques et par des
divergences de méthode au sein de celle-ci, et encore moins
par des attaques sociales et politiques décisives de forces
extérieures à elle, mais par la défaite
militaire et par la prédominance du groupe d’Etats
contre lesquels l’Etat bourgeois italien se trouvait aligné
dans le conflit.
La situation qui s’est déterminée
ne nous montre pas la conquête même partielle du pouvoir
politique par des couches prolétariennes ou petites
bourgeoises. La reconstitution de l’appareil central de
contrôle. politique et de police au service des intérêts
économiques du capitalisme se fait sous la stricte direction
des Etats vainqueurs. Elle est réalisée sous la forme
d’un compromis par lequel la classe dominante du pays accepte
la réduction de ses privilèges de souveraineté
et d’autonomie dans le gouvernement, afin de pouvoir continuer
l’exploitation des classes travailleuses, comme bourgeoisie ou
Etat satellite dans la nouvelle organisation mondiale. Il se forme
ainsi un système de forces contre-révolutionnaires
encore plus efficace que celui du fascisme, lequel n’a été
que formellement remplacé.
7. La classe prolétarienne italienne n’a
aucun intérêt, ni particulier, ni général,
ni immédiat ni historique, à appuyer la politique des
groupes et des partis, qui, profitant non de leurs forces propres,
mais de la ruine militaire du gouvernement fasciste, exercent
aujourd’hui le simulacre de pouvoir que le vainqueur en armes a
cru devoir laisser à l’appareil étatique italien.
Le Parti, expression des intérêts prolétariens,
doit refuser à tous ces groupes, non seulement sa
collaboration au Gouvernement, mais tout consentement à leurs
proclamations doctrinales, historiques et politiques, parlant de
solidarité nationale des classes, de lutte unifiée
entre partis bourgeois et soi-disant prolétariens sur les mots
d’ordre de liberté, de démocratie et de guerre au
fascisme et au nazisme.
Le refus du Parti à toute collaboration
politique ne concerne pas seulement les organes de gouvernement, mais
aussi les Comités de Libération, et tout autre
organisme ou combinaison similaire sur la même base politique
ou sur une quelconque base différente.
Les Comités de Libération nationale se
réclament, historiquement et politiquement, d’une
finalité et de buts contraires à la politique et aux
intérêts prolétariens. En fait, ils ne peuvent
même pas se vanter d’avoir abattu le fascisme. Les
éléments effectifs de l’action clandestine qui a
été développée contre le régime
fasciste on été et sont les réactions spontanées
et informes de groupements prolétariens et de rares
intellectuels désintéressés, ainsi que l’action
et l’organisation que tout Etat et toute armée créent
et alimentent aux arrières de l’ennemi : les
chefaillons politiques qui sont apparus comme des mouches du coche
sitôt après l’arrivée du vainqueur afin de
s’accaparer rapidement les postes avantageux (vieux politiciens
vidés ou nouveaux aventuriers à la disposition de
n’importe quelle force pourvu qu’elle semble vouée
au succès) n’ayant eu qu’une influence minime dans
cette action. En réalité le réseau que les
partis bourgeois et pseudo-prolétariens ont constitué
dans la période clandestine, n’avait pas du tout comme
but l’insurrection partisane nationale et démocratique,
mais seulement la création d’un appareil destiné
à immobiliser tout mouvement révolutionnaire, qui
aurait pu se déterminer au moment de l’effondrement de
la défense fasciste et allemande.
On retrouve identiques et même aggravés
dans les Comités de Libération nationale cette
impuissance foncière et ce manque d’initiative du
gouvernement italien. Le mot d’ordre d’un transfert du
pouvoir à ceux-ci est illusoire dans la réalité
et défaitiste du point de vue prolétarien ; il
constitue un exemple magnifique de ce maximalisme grandiloquent qui,
impuissant et défaitiste dans l’action, n’a rien
appris de la tragique leçon donnée par la victoire
fasciste.
8. Le parti prolétarien révolutionnaire doit repousser toute coresponsabilité, même minime, dans la politique de ces groupes qui ont adopté l’idéologie de propagande du vainqueur et qui, au lieu de procéder au désarmement sans réserve d’une armée et d’un Etat italiens à jamais vaincus, ont fait cette mise en scène d’un retournement d’alliance sur le terrain de la guerre bourgeoise, sotte manœuvre qui n’a ni sérieusement nui à l’un des blocs en présence, ni avantagé ou seulement dupé l’autre ; il doit repousser toute responsabilité politique dans l’armistice qui a été signé par les couches dominantes traditionnelles du pays dans le seul but de continuer à exercer leurs privilèges et leur exploitation ; il doit abandonner celles-ci à leur sort dans le traitement que le vainqueur leur réservera dans le jeu de ces forces qui dicteront et organiseront la paix et qui représentent une minorité sociale très restreinte.
9. Le problème de la liquidation
du fascisme n’a aucun sens, du fait que le fascisme est le
contenu moderne du régime bourgeois. On ne peut le dépasser
historiquement et l’anéantir qu’en renversant le
pouvoir et les institutions de la classe capitaliste, tâche qui
ne peut être réalisée par des coalitions
politiques d’autant plus impuissantes qu’elles sont plus
hybrides (et qui n’ont nulle intention de détruire le
fascisme) mais seulement par l’action révolutionnaire du
prolétariat. Par conséquent, le Parti démasque
toute la mise en scène et l’attirail de répression
contre le fascisme que les gouvernants de l’Italie organisent
actuellement. Repérer et persécuter les militants, les
“cadres” et les dignitaires de la période
fasciste (qui en grand nombre sont déjà installés
dans les hiérarchies actuelles, sans aucun changement de
méthode ni de style), ce n’est pas lutter sérieusement
contre le fascisme. La seule lutte sérieuse contre lui
consiste à démasquer et à frapper les intérêts
de classe et les couches sociales qui l’ont mobilisé,
les mêmes qui tentent aujourd’hui de garder le contrôle
de l’Etat. Seules des forces de classe peuvent frapper ces
intérêts et ces couches sociales ; et quand elles
seront prêtes à le faire, les organismes les plus
divers, les hiérarchies les plus disparates (Eglise,
Monarchie, Bureaucratie civile et militaire, professionnels de la
politique et du journalisme, etc...), qui parlent aujourd’hui
de déraciner le fascisme, tous feront bloc du côté
contre-révolutionnaire de la barricade.
La prolétariat politiquement réorganisé
repousse donc le mot d’ordre de l’épuration de
l’Etat, mot d’ordre qui intéresse seulement la
conservation bourgeoise. Les communistes visent à la
désagrégation de l’Etat, à sa démolition
et à l’ensevelissement de ses infects résidus
(dans le sens de la phrase marxiste : “le
capitalisme crée ses propres fossoyeurs” [1]).
On abandonnera donc la prophylaxie hypocrite de
l’épuration aux réactionnaires. On repoussera
également et on tournera en ridicule la politique des
sanctions antifascistes, qui du point de vue juridique ne s’applique
qu’à la période ouverte le 3 janvier 1925
(puisqu’on a accepté comme historique cette date du
calendrier mussolinien dont on a tant abusé). En effet cette
politique exprime un fait précis ; c’est que le
fascisme fut béni et honoré tant qu’il se
contenta de frapper sur les organisations révolutionnaires et
les organes indépendants du prolétariat, mais qu’il
n’était plus à la hauteur dès lors que,
avec une évidente logique historique, il a été
en mesure d’asséner des coups aux complices dont il
avait eu besoin dans la première phase, c’est-à-dire
aux chefs et aux dignitaires d’un parlementarisme bourgeois
pourri.
10. La reconstitution de ses propres cadres, sur la base d’une sûre orientation de sa doctrine et de son programme, est une des premières tâches du parti prolétarien de classe, tourné vers le but historique de la prise du pouvoir dans les pays les plus évolués de l’Europe et du monde ; dans ce but doivent confluer les forces intactes des vieux militants révolutionnaires qui n’ont pas abandonné la tradition de classe ; les éléments les plus mûrs et les plus décidés des travailleurs des villes et des campagnes qui, par suite des dures expériences des dernières périodes, ont conscience de la contradiction qui oppose leur classe tant à la contre-offensive réactionnaire de la bourgeoisie qu’à l’énorme tromperie de sa mascarade antifasciste actuelle et qui éprouvent peu à peu un malaise insurmontable à rester sous l’influence des faux partis prolétariens d’aujourd’hui ; enfin (évitant l’étroite conception travailliste du parti, que les marxistes repoussent), de ces éléments appartenant à des couches non purement prolétariennes, dont on exigera pourtant d’une façon impitoyable qu’ils dépassent toute hésitation sur les postulats théoriques et politiques propres au mouvement.
11. Les normes d’organisation du parti son liées à la conception dialectique de sa fonction ; elles ne reposent pas sur des recettes juridiques ou réglementaires et dépassent le fétichisme des consultations majoritaires. La clarté théorique exigée et liée étroitement à une tactique de classe dans la droite ligne de l’action politique doivent garantir le parti contre l’effet pernicieux de cadres qui ne lui sont pas adaptés, et qui ont dégénéré dans les hiérarchies opportunistes du type de celles de la II e de la III Internationale dans leur phase de désagrégation.
12. Le travail au sein des organisations économiques
syndicales des travailleurs, en vue de leur développement et
de leur renforcement, est une des premières tâches
politiques du Parti. On doit combattre le caractère désormais
commun à la politique syndicale tant fasciste que
démocratique, qui consiste à attirer le syndicat
ouvrier parmi les organes de l’Etat, l’assujettissant de
différentes manières à ce dernier, au moyen de
tout un appareil juridique.
Le Parti aspire à la reconstruction d’une
Confédération syndicale unitaire, indépendante
des Commissions d’Etat et agissant avec les méthodes de
la lutte de classe et de l’action directe contre le patronat,
depuis les revendications locales et de catégorie, jusqu’aux
revendications générales de classe. Dans les syndicats
ouvriers, où entrent les travailleurs appartenant
individuellement à divers partis, ou n’appartenant à
aucun d’eux, les communistes ne proposent ni ne provoquent la
scission des syndicats du fait que les organismes de direction
seraient conquis ou détenus par d’autres partis ;
mais ils proclament de la façon la plus ouverte que la
fonction du syndicat ne se complète et ne s’épanouit
que lorsqu’à sa direction se trouve le parti politique
de classe du prolétariat. Toute autre influence sur les
organisations syndicales prolétariennes, non seulement leur
enlève leur caractère fondamental d’organismes
révolutionnaires (qui a été démontré
par toute l’histoire de la lutte des classes) mais les rend
stériles même pour la simple poursuite des améliorations
économiques immédiates et en fait un instrument passif
des intérêts patronaux.
La solution qui a été donnée en
Italie à la formation de la centrale syndicale a été
un compromis, réalisé non pas entre trois partis
prolétariens de masse – qui n’existent pas – mais entre
trois groupes de hiérarchies et de cliques extra-prolétariennes, prétendant à la succession du
régime fasciste ; cette solution doit être
combattue en incitant les travailleurs à renverser cet
échafaudage de contre-révolutionnaires de profession.
Le mouvement syndical italien doit retourner à
ses traditionnels liens étroits et déclarés au
parti prolétarien de classe, en s’appuyant sur la
renaissance de ses organismes locaux, les glorieuses Bourses du
Travail, qui aussi bien dans les grands centres industriels que dans
les zones rurales ont été les protagonistes de grandes
luttes ouvertement politiques et révolutionnaires.
13. La politique du Parti dans la question agraire, pour répondre à la conception marxiste, doit tendre à créer des alliés du prolétariat industriel dans les campagnes, sans oublier que ces alliés existent déjà et sont représentés par les travailleurs directs de la terre, salariés et journaliers. Par ailleurs, on doit inciter et pousser les travailleurs directs non salariés à prendre conscience de l’opposition de leurs intérêts sociaux à ceux de la bourgeoisie des villes et de la campagne. Mais on ne doit pas pour cela élever à la hauteur d’une tâche historique l’abolition d’une soi-disant survivance féodale dans certaines régions d’Italie, ni arriver à une apologie de la fragmentation des entreprises agricoles qui, dans d’autres régions, a été déterminée par des conditions matérielles et techniques et que l’on ne peut pas ne pas considérer comme un élément contre-révolutionnaire. La conquête de la terre par les paysans, n’est pas un postulat que le régime bourgeois, fasciste ou libéral, puisse proposer et réaliser; mais il n’est pas non plus la juste expression des tâches économiques d’un régime prolétarien dans les campagnes : car tout en brisant les privilèges fonciers de nature strictement parasitaire qui grèvent les petites entreprises, ce régime y orientera ses mesures économiques et sociales et sa politique de manière à ôter le plus rapidement possible au travailleur des champs ce caractère bourgeois de propriétaire de la terre et de ses produits.
14. Dans la période de reconstruction de
l’appareil productif dévasté, le Parti
prolétarien s’oppose à la prétendue
nécessité d’une collaboration même
temporaire entre patrons et travailleurs ; il dénonce
l’aggravation certaine des contrastes de classe et le
redoublement de l’exploitation des salariés pour une
ré-accumulation des richesses entre les mains des
entrepreneurs et des bureaucraties d’Etat, qui ont leurs
intérêts liés à ces derniers.
La politique économique de l’Etat,
reprenant et développant les directives sociales du fascisme,
présentera comme une concession aux classes travailleuses la
formation d’un capitalisme d’État : en
réalité, celle-ci représente le renforcement de
la forteresse de la classe patronale et de la police bourgeoise ;
les mots d’ordre ineptes de socialisations des monopoles ne
servent qu’à travestir ce renforcement et s’en
font les complices. Par la formation de ce capitalisme d’Etat,
les puissants monopoles industriels et bancaires feront payer à
la collectivité, c’est-à-dire à ceux qui
dépendent d’eux, le passif de la reconstruction de leurs
entreprises et de leurs patrimoines. La revendication des partis
officiels : communiste, socialiste et catholique, pour la
socialisation des latifundia, des monopoles industriels et
financiers, signifie tout le contraire d’une confiscation des
profits en vue de leur restitution et de leur distribution aux
exploités (conquête qui n’est d’ailleurs
qu’une petite partie du socialisme). Elle représente
pratiquement la socialisation du passif de l’économie
patronale italienne qui a été terrassée par la
défaite, du fait que tous les travailleurs devront payer le
déficit de cette économie comme toujours par le biais
de leurs conditions de rétribution, vraiment défavorables.
Le Parti prolétarien s’élève
avec décision contre les mots d’ordre de l’Etat
patron, qui n’ont rien de commun avec la revendication du
socialisme que le pouvoir révolutionnaire ne réalisera
qu’en sapant l’économie privée mercantile
et monétaire, sur laquelle se base l’exploitation
capitaliste.
15. Toutes les forces centrifuges, qui comme les tendances séparatistes, autonomistes et régionalistes, ont une influence dissolvante sur l’unité compacte de l’Etat bourgeois, peuvent faciliter cette sape révolutionnaire. Mais le Parti prolétarien n’accepte pas les concepts abstraits de décentralisation et d’autonomies locales. En effet et en premier lieu, il connaît la tendance moderne à la centralisation totalitaire de la gestion administrative, non seulement nationale mais internationale. En second lieu, il prévoit que dans le régime bourgeois les organes locaux présenteraient une faiblesse et des bilans déficitaires encore plus désastreux que ceux de l’organe central et qu’ils ne réserveraient aux travailleurs aucun allégement, même contingent, de leurs conditions de vie ; enfin il déclare que la nouvelle économie prolétarienne, supérieure à l’économie bourgeoise, se basera sur des plans rationnels, emboîtant et reliant de manière unitaire toutes les activités productives ; cette oeuvre ne peut être confiée à la bourgeoisie monopoliste ni à d’illusoires gouvernements de compromis, mais au régime de la dictature du prolétariat qui s’instaurera au travers d’une offensive ouverte de classe et sera garanti de la dégénérescence bureaucratique et de la restauration des privilèges par l’irruption mondiale de la Révolution.
16. La soi-disant question constitutionnelle,
c’est-à-dire celle du remplacement de la Monarchie par
la République, ne représente pas en elle-même un
apport pour de nouvelles solutions sociales ; pas plus qu’elle
ne l’a représenté dans le régime italien
du Nord. Le prolétariat révolutionnaire a intérêt
à clouer la dynastie des Savoie à sa responsabilité
historique dans la contre-offensive bourgeoise du fascisme,
exactement comme il a intérêt à clouer à
la même responsabilité tous les groupes sociaux des
classes privilégiées italiennes et toutes les
hiérarchies des partis qui, pour servir la classe dominante,
se placent aujourd’hui sur le terrain de la collaboration et de
l’unité nationale.
Le prolétariat révolutionnaire,
lorsqu’il sera en mesure de mettre en pièces l’appareil
de l’Etat bourgeois, réservera le même sort à
son chef juridique conventionnel, qu’il soit roi ou président.
Les caractères réactionnaires et défaitistes de
la dynastie en Italie, précisément parce qu’ils
sont évidents pour tous les prolétaires conscients,
rendent inadéquate toute tactique de bloc politique qui
voudrait créer une rupture entre les partis qui entendent
sauver la Monarchie et ceux qui demandent son abolition. En fait, on
ne peut exactement définir aujourd’hui ce que serait la
ligne d’une telle rupture ; l’évolution
militaire de la guerre a fait osciller celle qui existait entre
fascistes et antifascistes ; de la même manière les
décisions des Etats vainqueurs feront osciller de la façon
la plus imprévue la séparation existant aujourd’hui,
parmi les politiciens opportunistes italiens, entre royalistes et
républicains et entre les adversaires de la Monarchie par
principe, de celle des Savoie en particulier, et ceux qui se limitent
à un choix jésuitique entre le grand-père, le
père et le fils.
Le Parti prolétarien mettra en garde les
masses contre la politique conservatrice avisée des courants
royalistes italiens, qui, poursuivant l’interminable série
des conversions entre la droite et la gauche, non seulement savent se
présenter comme parfaitement indépendants des
institutions fascistes, mais opposent d’une manière
réaliste à la fausse rhétorique des démocrates,
l’antithèse existant entre la monarchie de régimes
prétendus libres comme l’Angleterre et la république
de régimes fascistes comme l’Allemagne.
17. La substitution de la République à
la Monarchie ne représente pas une solution au brûlant
problème social qui se pose en Italie ; de la même
manière, on ne peut pas non plus considérer comme telle
la convocation d’une Assemblée représentative
élue à pouvoirs constituants. Tout d’abord,
l’influence d’une telle Assemblée aurait des
limites très restreintes : car après les forces
militaires d’occupation, les forces armées (définies
et disposées à l’avance par l’organisation
de paix qui suivra le conflit actuel et entrera en vigueur dans
tous Etats satellites) resteront en permanence sur le territoire où
cette Assemblée devrait exercer une pleine souveraineté.
De toute façon, quelle que puisse être la tactique du
Parti, la future constitution de l’Etat Italien sera dictée
par les vainqueurs et ne résultera aucunement de la
consultation des citoyens. La liste des membres de l’Assemblée
sera établie dans les coulisses par l’intrigue et des
compromis politiques ; elle devra non seulement s’inspirer
des principes programmatiques de celui-ci, mais encore proclamer
ouvertement qu’en aucun cas la consultation électorale
ne peut offrir aux classes exploitées la possibilité
d’exprimer réellement leurs besoins et leurs intérêts
et encore moins de consister en la gestion du pouvoir politique.
Le Parti se distinguera de tous les autres partis
italiens du moment, tout d’abord parce qu’il ne se
portera pas sur le marché des combines et des coalitions
électorales ; ensuite, parce qu’il repoussera par
principe et a priori, cette position d’abdication (que les
autres partis soutiendront) selon laquelle le programme politique à
réaliser et à accepter sans résistance
ultérieure serait celui qui prévaudra au sein de la
majorité numérique de l’Assemblée et qui
est encore inconnu ; enfin parce que, à l’encontre
de ces partis, dans l’hypothèse abstraite (mais
pratiquement certaine) où la victoire électorale
laisserait survivre les institutions fondamentales du capitalisme,
sous la forme constitutionnelle actuelle, le Parti – tout en
n’étant qu’une minorité du point de vue
démocratique – continuera sa lutte pour abattre du
dehors ces institutions. Seuls la conjoncture historique et le
rapport de forces (et non l’autorité des majorités
constitutionnelles) détermineront la portée de cette
lutte qui, suivant les possibilités de la dynamique de classe,
va de la critique théorique à la propagande
d’opposition politique, à l’agitation
anti-capitaliste incessante et jusqu’à l’assaut
révolutionnaire armé.
Le Parti dénoncera surtout comme
contre-révolutionnaire tout mouvement qui, en vue d’une
agitation plus facile et de succès électoraux, déclare
utile de simuler à l’avance une obéissance à
la souveraine validité de la consultation parlementaire, et
prétend être capable de passer de cette politique
équivoque (que l’on a bien souvent expérimentée
dans l’histoire et qui chaque fois a entraîné la
corruption et le désarmement des énergies
révolutionnaires) à une attaque contre le régime
établi. Dans les élections locales, le Parti ne doit
pas, pour des intérêts contingents, s’écarter
de l’objectif général qui consiste à se
distinguer de toutes les autres et à assumer la responsabilité
et la position des forces prolétariennes et à
poursuivre d’une manière conséquente l’agitation
de ses revendications historiques générales. Dans des
phases plus mûres de la situation, qui ne peuvent visiblement
se développer qu’en étroite connexion avec la
situation des différents pays d’Europe, le Parti se
prépare et prépare les masses à la constitution
des Soviets, à la fois organes représentatifs sur une
base de classe et organes de lutte, et à l’élimination
de tout droit de représentation pour les classes
économiquement exploiteuses.
En ce qui concerne la construction des organismes
prolétariens de toute nature, d’avant et d’après
la Révolution, le Parti ne fait aucune distinction entre les
travailleurs des deux sexes. Le problème du vote de la femme
dans le régime représentatif actuel est pour le Parti
un problème secondaire ; il ne peut en effet être
posé en dehors du terrain critique où l’exercice
du droit de vote apparaît comme une pure fiction juridique dans
un milieu où l’inégalité économique
crée des assujettissements insurmontables : un de ceux-ci
est l’assujettissement du sexe féminin, dont
l’émancipation n’est concevable que dans une
économie qui ne sera pas de type personnel et familial.
18. Le Parti repousse tout mot d’ordre
d’armement national et de guerre ; il considère
l’autonomie de l’Etat bourgeois italien et son armée
comme détruites sans appel par la défaite. Le
prolétariat, soustrait à la saignée dans
laquelle la politique fasciste de guerre l’a conduit, refuse
les nouveaux sacrifices que les classes privilégiées et
les politiciens, cherchant servilement à se procurer les
bonnes grâces du vainqueur, lui demandent.
Le Parti prolétarien doit s’opposer à
la participation à la guerre, proche ou lointaine, à
l’appel aux armes et à la conscription.
En ce qui concerne la lutte partisane et patriotique
contre les Allemands et les fascistes, le Parti dénonce la
manœuvre de la bourgeoisie internationale et nationale qui,
avec sa propagande pour la renaissance d’un militarisme d’Etat
officiel (propagande qu’elle sait vide de sens) parvient à
dissoudre et à liquider les organisations volontaires de cette
lutte, qui dans beaucoup de pays ont déjà été
attaquées par la répression armée.
Ces mouvements, qui n’ont pas une orientation
politique suffisante, exprimaient tout au plus la tendance de groupes
prolétariens locaux à s’organiser et à
s’armer pour conquérir et conserver le contrôle
des situations locales et donc du pouvoir. Cette tendance est
emprisonnée par une double illusion : tout d’abord
que, dans leurs promesses, les Etats en guerre avec l’Axe
entendaient par liberté un régime dans lequel les
masses populaires auraient conservé le droit, non seulement au
bulletin de vote, mais aussi à l’armement direct ;
ensuite qu’il soit possible, après avoir profité
de l’aide technique des organisations militaires officielles
pour cet armement, de leur forcer la main et de ne pas rendre les
armes de la Libération escomptée aux nouvelles
autorités et polices.
La tâche du Parti révolutionnaire est de
poser clairement les postulats sociaux de classe, face à ces
tendances qui constituent un fait historique de premier ordre, même
si on tient compte des exagérations d’une propagande
facile. Le Parti met donc en évidence que la tactique
prolétarienne exige en premier lieu que les éléments
les plus combatifs et les plus résolus trouvent finalement la
position politique et l’organisation qui leur permettra –
après avoir longtemps donné leur sang pour la cause des
autres – de se battre enfin et seulement pour leur propre cause
et de mettre ainsi un terme à la terrible épreuve
qu’ils ont subie au service d’ennemis de classe plus ou
moins déclarés.
19. Le prolétariat et son parti n’ont à
donner leur appui, ni aux revendications que pourrait créer,
après la paix, la question de l’établissement des
frontières territoriales de l’Italie par les vainqueurs,
ni aux nouvelles manifestations d’irrédentisme, qui
pourraient surgir de la menace d’une perte de provinces
limitrophes à l’Est. Dans la phase où la
bourgeoisie tentera pour la première fois d’établir,
sur un plan international, des solutions ne visant qu’à
la conservation de son régime, la classe prolétarienne
– avec encore plus de vigueur qu’en 1914‑15 –
se refusera à considérer les solutions territoriales
établies sur la base de la nation, de l’ethnographie ou
de la langue, comme des étapes à atteindre avant de
pouvoir poser, pour l’Europe et le monde, la revendication
maxima de l’internationalisme.
Le mouvement communiste européen
dénoncera l’irrédentisme italien : mais en
même temps, il devra combattre l’irrédentisme
yougoslave, qui est, au même titre que le premier, une forme de
propagande du brigandage impérialiste. La dynastie et le
régime bourgeois italiens sont bien dignes d’être
déjà passés à l’état de
souvenir, parmi les rebuts de l’histoire ; mais la
dynastie et le régime du royaume S.H.S. [2]
ne le sont pas moins. Si en Italie la Monarchie et l’Etat se
sont appuyés sur une des régions socialement les plus
évoluées du pays (n’aboutissant pourtant qu’à
un échec complet dans leur mission d’unification), en
Yougoslavie le régime repose en fait sur la partie la moins
évoluée et la moins civilisée : la Serbie.
Si la Maison des Savoie a grandi au travers de la tromperie et de
l’intrigue politique, celle des Karageorgevitch [3]
s’est affirmée au travers de l’assassinat
politique. Dans leurs “éditions”
actuelles ces deux militarismes adoptent les balivernes de la
démocratie, mais dans la période qui a suivi la
première guerre mondiale, ils ont tous deux compté
parmi les Etats les plus féroces et les plus oppresseurs.
Aussi, une éventuelle république de Tito ne serait ni
meilleure ni pire que la république bourgeoise conservatrice
qui pourrait s’instaurer en Italie.
Dans ce problème, les prolétaires
révolutionnaires d’Italie collaboreront, non avec leur
bourgeoisie, mais avec leurs camarades serbes, croates et Slovènes,
pour le renversement de tous les nationalismes et pour l’action
internationale de la Révolution.
20. Le Parti communiste prolétarien ne peut
commettre l’erreur colossale de considérer la puissante
organisation de l’Eglise comme neutre dans les conflits
de classe. Il ne peut pas se laisser induire en cette erreur, car
c’est un fait historique que l’Eglise, après avoir
été le creuset politique et social des régimes
pré-bourgeois, est actuellement passée à une
position de solidarité totale avec les institutions
capitalistes issues de la révolution démocratique.
C’est justement à cause de ce fait que l’Eglise
doit être considérée comme un facteur de premier
ordre lorsque, comme en Italie, elle s’est réconciliée
avec l’Etat et inspire des partis qui n’ont abandonné
leur position antidémocratique et socialement arriérée
qu’en échange de l’abandon correspondant de
l’anticléricalisme maçonnique par les partis
bourgeois.
Certes, devant la collaboration sans réserve
entre catholiques et gauche démocratique, le Parti prolétarien
de classe ne préconise pas le retour à
l’anticléricalisme bourgeois de type maçonnique,
que ses meilleures traditions ont fièrement combattu. Il
n’opposera pas à la religion cet athéisme du
vieux type bourgeois, qui s’inspire de la formule anti-marxiste
selon laquelle il faudrait d’abord libérer les
consciences de l’obscurantisme religieux pour pouvoir ensuite
prétendre libérer les classes inférieures de
l’exploitation sociale. Mais dans sa propagande, le Parti doit
mettre en évidence l’opposition fondamentale existant
entre sa théorie du monde et de l’histoire et toutes les
conceptions transcendantes, mystiques et religieuses. Enfin il
déclare comme incompatibles, l’appartenance à des
associations et à des confessions religieuses de quelque rite
que ce soit et l’admission dans les rangs révolutionnaires.
Après la révolution, le régime
prolétarien, considérant qu’il est impossible
qu’elles n’aient pas un caractère politique,
éliminera par principe toutes les associations religieuses
quelles qu’elles soient. Du fait que les masses, libérées
des formes extrêmes de la dépression économique
actuelle, s’orienteront toujours plus vers la connaissance
scientifique et la doctrine du Parti, celui-ci se proposera de
faire disparaître toute croyance religieuse.
Dans sa campagne de clarification politique et
théorique, le Parti devra viser, en même temps que ces
conceptions religieuses, les conceptions de nature “immanente”
qui soutiennent que l’activité humaine doit être
régie par des forces et des valeurs immatérielles
situées dans une sphère d’action purement idéale
qui revêtent aujourd’hui la forme de lieux communs tels
que les valeurs suprêmes de la personnalité et de la
dignité humaines.
Ces conceptions peuvent être des éléments
de dégénérescence théorique encore plus
dangereux que les conceptions transcendantes, qui en créant un
au-delà incompréhensible, n’opposent pas la même
obstacle à une connaissance concrète des rapports
réels. En conséquence, on ne considérera pas
comme un progrès vers la doctrine communiste l’athéisme
qui retomberait dans une incrédulité et un
“illuminisme” de nature bourgeoise.
21. Le parti prolétarien, en Italie comme dans
le monde entier, doit se distinguer de la confrérie de tous
les autres mouvements politiques, ou mieux, des pseudo-partis
d’aujourd’hui, par son interprétation historique
fondamentale du phénomène de la démocratie et du
fascisme et par son appréciation originale de leurs rapports
en tant que types d’organisation du monde moderne.
A son origine, qui remonte environ à cent ans
en arrière, le mouvement communiste devait et pouvait, afin
d’accélérer tout mouvement déclenché
contre les conditions sociales existantes, admettre l’alliance
avec les partis démocratiques, car ceux-ci avaient alors un
rôle historique révolutionnaire. Aujourd’hui, ce
rôle est depuis longtemps épuisé, et ces mêmes
partis ont une fonction contre-révolutionnaire. Le Communisme,
malgré les défaites du prolétariat dans des
batailles décisives, a accompli en tant que mouvement des pas
gigantesques.
Sa caractéristique actuelle est d’avoir
historiquement rompu et dénoncé (depuis que le
capitalisme est devenu impérialiste ; depuis que la
première guerre mondiale a révélé la
fonction contre-révolutionnaire des démocrates et
social-démocrates) toute politique d’action parallèle,
même momentanée, avec la démocratie. Dans la
situation qui succédera à la présente crise, le
Communisme, ou bien se retirera de la scène historique
englouti dans les sables mouvants de la “démocratie
progressive”, ou bien il agira et luttera tout seul.
Le Parti révolutionnaire du prolétariat,
en Italie et dans le monde, ne resurgira que dans le mesure où
il se distinguera de tous les autres partis, et avant tout, du faux
communisme qui se réclame du régime actuel de Moscou,
dans la tactique politique. Il dénoncera impitoyablement le
défaitisme de toutes les prétendues manœuvres de
pénétration et d’encerclement qui sont présentées
comme une adhésion passagère aux objectifs des autres
partis et mouvements et que l’on justifie en promettant,
dans le secret du cercle fermé des adhérents, que ces
manœuvres ne servent qu’à affaiblir et à
circonscrire l’adversaire et qu’à un certain
moment, on rompra les alliances et les ententes pour passer à
l’offensive de classe. Cette méthode s’est avérée
seulement capable de conduire à la désagrégation
du Parti révolutionnaire, à l’incapacité
de la classe ouvrière à lutter pour ses propres buts et
à la dispersion de ses meilleures énergies dans une
lutte qui n’assure de résultats et de conquêtes
qu’à ses ennemis.
Comme il y a un siècle dans le “Manifeste”,
les communistes dédaignent de dissimuler leurs principes et
leurs buts et déclarent ouvertement que ces buts ne pourront
être atteints qu’avec la chute violente de toutes les
organisations sociales qui ont existé jusqu’à
aujourd’hui.
On pourrait émettre l’hypothèse
que dans la phase actuelle de l’histoire mondiale, des groupes
bourgeois démocratiques conservent un reste de fonction
historique en ce qui concerne les problèmes de la libération
nationale, de la liquidation d’îlots arriérés
de féodalisme et autres résidus semblables de
l’histoire. Mais même dans ce cas, le développement
d’une telle tâche ne serait pas favorisé par
l’abdication du mouvement communiste et par son adaptation
passive à ces revendications démocratiques qui ne sont
pas siennes. C’est au contraire en vertu de l’opposition
implacable des prolétaires communistes à l’apathie
et à la fainéantise irrémédiables des
groupes petit-bourgeois et des partis bourgeois de gauche, que cette
tâche pourrait être développée de la
manière la plus décisive et la plus concluante, pour
faire place à une phase ultérieure de la crise
bourgeoise.
En correspondance avec ces directives qui ont une
entière valeur sur le terrain mondial, et dans la terrible
situation de dissolution qui frappe actuellement tous les cadres
sociaux, toutes les classes et les partis, du point de vue doctrinal
et pratique, le mouvement communiste en Italie doit représenter
un violent rappel et une clarification impitoyable de la
situation.
Fascistes et antifascistes, royalistes et
républicains, libéraux et socialistes, démocrates
et catholiques, qui se stérilisent chaque jour davantage dans
des débats vides de tout sens théorique, dans des
rivalités méprisables, dans des manœuvres des
marchés répugnants, devraient ainsi recevoir un défi
impitoyable qui les obligeât tous à mettre à nu
la réalité des intérêts de classe,
nationaux et étrangers, qu’ils représentent et à
rendre compte de leur tâche historique si, par aventure, ils en
avaient encore une.
Si dans la désagrégation et la
fragmentation actuelles de tous les intérêts collectifs
et de groupe, une nouvelle cristallisation de forces politiques
combattant ouvertement est encore possible en Italie, la renaissance
du Parti prolétarien révolutionnaire pourra alors
déterminer une situation nouvelle.
Lorsque ce mouvement, qui sera le seul à
proclamer ses buts maxima de classe, son totalitarisme de parti et
l’âpreté des limites qui le séparent des
autres, aura tourné la boussole politique dans la direction du
nord révolutionnaire, tous les autres seront obligés de
reconnaître la voie qui est la leur.
La lutte politique pourra alors être affranchie
de toute influence rhétoriques et démagogique,
libérée des politiciens professionnels et affairistes,
dont la classe dominante italienne a été
progressivement infestée au cours de son histoire.
On a déjà annoncé dans le
fascisme une phase aiguë de la désagrégation
pathologique de la société ; mais aujourd’hui
les masses prolétariennes constatent plus clairement chaque
jour que personne n’a arrêté ni renversé le
processus qui au contraire se poursuit inexorablement, malgré
les remèdes tant vantés des charlatans de la
démocratie, et elles sentent que seule la chirurgie radicale
de la révolution pourra y mettre fin.
[1] « L’existence et la domination de la classe bourgeoise ont pour condition essentielle l’accumulation de la richesse aux mains des particuliers, la formation et l’accroissement du Capital ; la condition d’existence du capital, c’est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux. Le progrès de l’ industrie, dont la bourgeoisie est l’agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l’isolement des ouvriers résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l’association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d’appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables » (Manifeste du Parti Communiste, 1848).
[2] État des Slovènes, Croates et Serbes ou SHS (S pour Slovènes, H pour Hrvata ou Croates, S pour Serbes) est un pays créé en 1918 à la suite de la dissolution de l’Autriche-Hongrie après la première guerre mondiale ; cependant, une partie de son territoire revient au Royaume d’ Italie. En 1929, il devient le royaume de Yougoslavie.
[3] La famille serbe des Karageorgevitch a régné sur la Serbie de 1842 à 1941.