Parti Communiste International Corps unitaire et invariant des Thèses du Parti

 
 

EN DÉFENSE DE LA CONTINUITÉ DU PROGRAMME COMMUNISTE

Le fascicule en italien "In difesa della continuità del programma comunista" (edizioni Il Programma comunista) est paru en juin 1970. La première édition française est parue en 1979 (éditions Programme communiste) et la deuxième (éditions le Parti communiste) en mai 1987 avec une nouvelle introduction provenant d’un opuscule en langue italienne de 1976 ("Basi programmatiche, tattiche, ed organizzative del Partito - 1945-1966"), et reproduite ici en introduction des thèses d’après 1945.

 

  


Introduction Générale

1970

  

« Les communistes luttent pour les buts et les intérêts immédiats de la classe ouvrière, mais au sein du mouvement actuel ils représentent en même temps l’avenir du mouvement » Manifeste du Parti Communiste, 1848

Représentent: ne s’agit pas d’une représentation formelle ; vertreten signifie en allemand représenter, avec le sens de soutenir, combattre pour, défendre !

  

Ce n’est pas un hasard si nous avons intitulé le présent recueil de thèses fondamentale du Parti de 1920 à aujourd’hui : "Défense de la continuité du programme communiste". En fait, si le marxisme revendique avec fierté et ténacité son caractère invariant, plus d’un siècle d’histoire tourmentée du mouvement prolétarien démontre que l’opportunisme, qui se vante d’être nouveau et innovateur, rénové et rénovateur, inventif et toujours à la  page, possède lui aussi une formidable invariance et qu’il se rattache à un fil rigoureusement continu. Les pages de "Que Faire ?" Où Lénine prend courageusement à bras le corps la première variante révisionniste que l’histoire du mouvement marxiste ait connue (puisque les "faux frères" proudhoniens et bakounistes appartenaient à une autre école), décrivent avec une clarté cristalline les traits caractéristiques et l’inévitable trajectoire de tout opportunisme ; et il est facile de constater non seulement que soixante-dix années n’ont ajouté aucune touche "nouvelle" à la grisaille uniforme du tableau, mais qu’elles ont confirmé le diagnostic d’un mal qui est toujours le même et qui, avec les années, ne peut que croître en virulence destructrice. On commence – nous citons textuellement Lénine – par « nier la possibilité de donner un fondement scientifique au socialisme et d’en prouver, du point de vue de la conception matérialiste de l’histoire, la nécessité et l’inéluctabilité » ; puis par déduction logique, on nie « la misère croissante, la prolétarisation, l’aggravation des antagonismes capitalistes » (théorie du néocapitalisme, mythe de la coexistence pacifique, etc.) ; un pas de plus et « on rejette catégoriquement l’idée de la dictature du prolétariat » (l’opportunisme dernier cri ne déclare plus « inconsistante la conception même du but final », mais n’est-ce pas à cette conclusion qu’il aboutit lorsqu’il parle d’une "voie pacifique au socialisme", ou d’un "socialisme aux différents visages" ? Quand il affirme le caractère "exceptionnel" de l’Octobre russe, fait-il autre chose que de nier le fondement scientifique de notre pronostic classique ou plutôt de reconnaître un fondement scientifique au pronostic inverse ? Puisque – même les cancres le savent – l’exception confirme la règle, la révolution et la dictature en Russie confirment le gradualisme et la démocratie) ; encore un petit pas et on réfute « l’opposition de principe entre le libéralisme (aujourd’hui, on pourrait ajouter le catholicisme) et le socialisme » ; et nous voici arrivés en fin de parcours avec « un parti démocratique de réformes » ouvert à toutes « les idées et à tous les éléments de la bourgeoisie » ; c’est ainsi que – pour avoir perdu le fil qui permettait de gravir la pente accidentée de la lutte d’émancipation prolétarienne « en se tenant fortement par la main » et en résistant à l’assaut « de toutes parts » de l’ennemi et à son « feu » constamment pointé sur nous – on se précipite dans le « marais d’à côté ». 1902, Messieurs des "voies nouvelles", ou 1970 ?

Ensuite, il y a ceux qui prétendent sortir de ce marais en redécouvrant pas à pas le trésor caché du « but final », en repoussant farouchement la doctrine scientifique, le programme – fixé une fois pour toutes et rendu toujours plus tranché dans ses traits immuables par le bilan dynamique des heurts physiques entre les classes au cours de tout un siècle et à l’échelle du globe – et donc le parti qui est le dépositaire de ce programme ou n’est rien ; pour ceux-là, dire programme, doctrine et parti, c’est dire horreur des horreurs, "dogmatisme, doctrinarisme, fossilisation", et (nous accepterons au moins cette  nouveauté terminologique…) "talmudisme". Le moins qu’on puisse dire de ces prétendus novateurs, est qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils redescendent à reculons la même pente fatale, ou bien ils s’agenouillent devant l’idole bourgeoise de la "liberté de pensée" ou bien ils s’en remettent aux caprices de l’histoire, aux flux et aux reflux d’un océan où ils se sont jetés sans boussole et sans capitaine, qu’ils les engloutissent, les submergent et les ballottent comme de misérables fétus de paille : dans un cas comme dans l’autre, ils se livrent en esclaves au moment qui passe, à l’endroit qui se présente, au maître d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et de partout.

S’il est vrai qu’il « n’y a pas d’action révolutionnaire sans théorie révolutionnaire », s’il est vrai que l’opportunisme se définit par l’ « absence de principes », alors on n’a pas le droit de parler de marxisme et de s’en déclarer un disciple, et encore moins un militant, si on ne l’accepte pas en bloc.  Le marxisme est comme une voûte : toutes ses pierres tiennent ensemble ou tombent ensemble. Il n’y a pas d’une part un programme devant lequel on s’agenouille le matin, et d’autre part une tactique libre de faire le trottoir le soir (et même le jour). Il n’y a pas d’un côté un marxisme qui est la doctrine des lois présidant à la naissance, au développement et à la fin catastrophique du mode de production capitaliste, et de l’autre un marxisme qui serait une attente agnostique de faits imprévisibles dans l’alignement des classes et demi-classes, dans les tournants, grands ou petits, de l’histoire. Il n’y a pas d’un côté une théorie du mouvement prolétarien et de l’autre une pratique, de même qu’il n’y a pas non plus de classe tant qu’il ne s’en est pas dégagé un parti, mais il n’y a pas de parti s’il n’y a pas de théorie, de principes, de programme et de directives tactiques ; ou alors il y a un simulacre infâme qu’on appelle parti et qui n’est qu’un récipient dans lequel il est permis de verser n’importe quel contenu, l’idéalisme en théorie, le machiavélisme en politique, le libéralisme en économie, et pour couronner le tout, le fidéisme en… métaphysique (pour information, s’adresser au spectre de Staline, au spectre ambulant de Khrouchtchev et au candidat-spectre de Brejnev). Le fait est que, en lâchant le faisceau de ces fils divers mais indissociables, on ne perd pas seulement une "théorie" – s’il ne s’agissait que ce cela, cette perte ne mériterait pas une larme du moindre prolétaire – mais le "mouvement" tout entier dont cette théorie est, si l’on veut, le cœur ou le cerveau : car, comme tous les cœurs et comme tous les cerveaux, cet organe n’a de raison d’être que s’il entraîne les membres de manière constante et précise, et il cesserait de battre ou de fonctionner si ceux-ci avaient la prétention de se mouvoir librement chacun pour soi, ou si lui-même avait la fatuité "d’agir en liberté".

Pendant plus d’un demi-siècle, notre courant a vécu en maintenant – comme le bolchevisme de Lénine avant que le tacticisme d’abord, le socialisme dans un seul pays ensuite, ne l’engloutissent – le fil continu des positions programmatiques et tactiques indissolublement liées à l’intégralité de la doctrine. Il ne l’a pas fait par amour de la cohérence abstraite ni par manie de la rigueur logique, mais par conviction que dans l’alternance confuse des phases d’avancée et de recul du mouvement communiste, on ne préserve l’avenir qu’en préservant le passé au sein du présent et en le projetant dans l’avenir, faute de quoi on perd à la fois le passé, le présent et l’avenir.

Les thèses, que nous publions ici comme autant de repères émanent d’un courant d’abord, d’un parti ensuite, qui a l’orgueil de se rattacher au Manifeste de 1848, et qui s’y rattache d’autant plus qu’il ne se présente pas aux prolétaires avec un éclat trompeur emprunté aux noms de personnalités célèbres ou aspirant à le devenir. Rappelons une fois de plus que, selon la phrase de Marx et Engels, « les positions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde ; elles ne sont que l’expression générale des conditions réelles d’une lutte de classe existante, d’un mouvement historique qui se déroule sous nos yeux ». Ces thèses ne sont pas nées du cerveau fécond d’un génie : elles sont l’expression condensée d’un mouvement réel étendu à toute la planète, sans étiquette nationale ni limites temporelles. A la rigueur, on pourrait les lire en commençant par les dernières et les retrouver toujours identiques à elles-mêmes, si ce n’est que les dernières contiennent le bilan d’une chute dans l’opportunisme qui n’a pas de précédent dans l’histoire, et dont seuls les "talmudistes" ont pu, au lieu de réciter leur mea culpa, tirer une nouvelle raison d’affiler l’arme transmise par le passé, de la tenir solidement empoignée, et de la livrer intacte à ceux que l’Histoire appellera à l’utiliser pour décapiter ce monstre horrible qu’est le capital. Dire cela aujourd’hui, c’est, nous le savons, aller à contre-courant : sur le chemin tourmenté de sa lutte, le prolétariat doit avoir un point de repère stable, une étoile polaire, afin de ne pas risquer à chaque pas de s’égarer et de devoir à chaque fois tout recommencer ; mais ce point de repère, il ne le trouvera qu’à la condition qu’une avant-garde, même petite, même "solitaire", sache résister aux suggestions de la dernière mode, et ne suive pas le destin pitoyable de ces mouvements qui durent l’espace d’un matin, renaissent l’espace d’un soir, disparaissent à nouveau dans l’espace d’une nuit, avec pour seul résultat de brouiller les cartes, de confondre les idées, de détruire des conquêtes laborieusement obtenues.

Les lecteurs qui connaissent le premier volume de notre "Storia della Sinistra" comprendront, d’après les préfaces qui présentent historiquement chacun des textes, que ces pages contiennent déjà le fil conducteur des volumes futurs, et ils tireront, nous l’espérons, la grande leçon des batailles que nous avons menées, non dans la stupide tour d’ivoire que les vendus de toute espèce font volontiers passer pour notre idéal, mais dans le vif des luttes ardentes et malheureuses au cours desquelles s’est joué, entre 1920 et 1926, le sort du nouvel Octobre mondial, avant que le mouvement ouvrier ne dévale jusqu’au bout la pente de la dégénérescence opportuniste, sous les ricanements cyniques de la classe dominante.

 


   

 
 


Note introductive à la republication des Thèses

1976 1

La raison qui fait que notre petit réseau organisatif se définit parti ne réside certainement pas dans le nombre des adhérents, ni même dans sa dimension territoriale. Tant celui-là que celle-là sont matériellement insignifiants. La raison d’une telle définition est la même que celle qui fit écrire à Marx, pendant la période noire entre la défaite sanglante de 1848 et la fondation de la Ière Internationale, dans une lettre au très fidèle Friedrich Engels : « Moi, toi, Lupus et quelques autres, nous sommes le parti », au grand scandale de ceux qui se posaient en « hommes politiques » du mouvement ouvrier anglais.

La vraie raison de telles affirmations catégoriques repose sur le programme de classe sur lequel s’appuie une organisation de combat, d’où la définition du parti donnée par la Gauche : « Une école de pensée et une méthode d’action ».

Les thèses de parti sont la cristallisation de l’expérience historique du prolétariat révolutionnaire mondial, dont la transmission de génération en génération est confiée à un corps organisé de militants. Les thèses décrivent les victoires et les défaites de la classe ouvrière, les événements historiques qui les ont vu mûrir, codifient les positions correctes de la classe ouvrière dans la lutte pour son émancipation. Ce travail a trois objectifs : historiographique parce qu’il est indispensable de comptabiliser les forces en présence, analytique et critique afin d’en tirer les enseignements utiles à la victoire, de bataille pour insuffler partout où la classe est présente les directives pour l’action.

Un parti qui ne représente que le mouvement contingent du prolétariat, n’aurait pas besoin de thèses, et encore moins de doctrine, et il ne se définirait parti qu’à moitié, c’est-à-dire en ce qui concerne l’organisation, il serait éphémère, il mourrait avec la génération qui l’a vu naître. Nous ne faisons donc aucunement preuve d’une quelconque « suffisance de parti », mais nous donnons une évaluation juste des bases programmatiques et doctrinales sur lesquelles s’appuie l’action même d’une seule poignée d’hommes, et, à certains moments négatifs de l’histoire d’aucun, pour aller dans le sens de l’organisation d’une classe sociale « étendue et puissante » lancée vers la victoire.

L’action des prolétaires, il est vrai, a précédé la constitution en classe des prolétaires, c’est-à-dire en parti séparé des autres classes et des autres partis. C’est le renversement de la praxis : une classe historique qui aspire à dominer le monde ne peut agir comme classe sans un organe spécial, l’organe parti.

La classe bourgeoise a dû également faire le même parcours, mais sa nature de classe oppressive et exploiteuse des autres classes, en même temps que classe subalterne des classes féodales avant la conquête du pouvoir, a imprimé à son action des contradictions croissantes et irréductibles, et sa pensée, d’abord linéaire et mordante, est devenue tourmentée et conformiste. De classe révolutionnaire, la bourgeoisie s’est transformée en classe réactionnaire. Son parti, déchiré par ces contradictions, a perdu toute continuité et tout lien avec l’histoire, et se survit à lui même au même titre que la classe, ne reconnaît plus ses propres origines, n’entrevoit aucun avenir, vit au jour le jour.

La classe ouvrière et son parti subirait la même fin s’ils perdaient le fil qui conduit des premières luttes sporadiques de petits groupes d’ouvriers contre les classes supérieures aux luttes générales organisées contre l’Etat, à la victoire, au communisme total. Ce fil, ce sont les thèses qui le déroulent le long de l’arc de plus d’un siècle. L’action de la classe s’interrompt périodiquement. C’est le symptôme de la crise momentanée causée par une défaite imposée par la classe ennemie et par la contagion des positions ennemies, par erreurs, faiblesses, trahisons. Mais les thèses, les leçons, restent, héritage pour les actions futures des générations à venir.

Les positions du parti, pour imposer la victoire de la classe, doivent être liées les unes aux autres, car s’il en existait une qui contredise tout ce « système », l’orientation générale de la classe disparaîtrait, la classe elle-même ferait demi-tour. C’est de cette constatation matérielle que s’impose un des théorèmes de parti, celui de l’intangibilité des thèses.

* * *

Ces points cardinaux étant établis, le corps de thèses ne pouvait qu’être la continuation dialectique des thèses des précédentes périodes historiques, puisque ces thèses se développent sur la ligne de continuité programmatique tracée par le parti depuis ses origines historiques, que nous situons en 1848, à aujourd’hui.

Elles ne peuvent être choisies selon le bon vouloir, elles ne sont pas préférables les unes aux autres, il n’y a pas à en corriger une quelconque, à l’adapter, car dans ce cas on briserait l’orientation du parti, et avec elle son action et le parti lui-même en tant qu’organisation. On devrait alors, comme cela est arrivé souvent, recommencer en renouant le fil là où il a été interrompu. Ce n’est pas par hasard si l’extrême faiblesse de l’action de classe coïncide avec la perte du fil conducteur et si fleurissent alors les « rénovateurs », les « correcteurs », les « enrichisseurs ». C’est une donnée qui caractérise l’état de dépression et de défaite de la classe. Au contraire, le parti de classe renaissant doit en premier lieu renouer le fil à l’endroit interrompu et tisser de nouveau la toile révolutionnaire. De fait la reconstitution du parti consiste en cet effort de rétablissement de la doctrine et du programme, en cet effort de réaffirmation des principes invariants du marxisme révolutionnaire. Les thèses sont donc le produit organique de la vie et de la lutte du parti, et non un exercice littéraire de ses membres plus ou moins compétents. Sous cet aspect, le bon parti est celui qui dégage des thèses cohérentes avec sa tradition.

« Le problème de la conscience théorique – lit-on dans la préface au Dialogue avec Staline, texte de parti paru en 1952 dans notre organe d’alors Battaglia Comunista – ne repose pas sur des génies, ni des majorités consultées à la base, petites ou grandes, mais c’est une donnée qui dépasse dans son unité invariante, les générations et les continents ». La Gauche ne possède pas une doctrine, un programme et des principes spéciaux. En résumé, ce sont les mêmes que ceux que Marx et Lénine nous ont transmis. Si les positions de la Gauche les contredisaient, cela n’enlèverait rien à leur validité, mais dévaloriserait la Gauche elle-même.

L’effort tenace du petit parti actuel ne peut être que celui de la fidélité absolue à la Gauche. Être fidèles ne signifie sûrement pas répéter sept fois par jour les versets des thèses de parti, mais travailler et lutter à les défendre, à les diffuser dans la classe, à les traduire en termes de bataille politique, en orientation de lutte.

Qu’elles affrontent les questions programmatiques les plus générales, comme les « Thèses de la Fraction Communiste Abstentionniste.... » de mai 1920, ou les « Thèses caractéristiques du parti » de décembre 1951, ou qu’elles traitent de problèmes spécifiques, comme les « Thèses sur la tactique » de 1922, dites Thèses de Rome, ou les « Considérations.... » de 1965, les thèses partent toujours des origines doctrinales et traditionnelles, recherchant l’alignement des positions actuelles sur celles passées, dans une ligne ininterrompue de continuité, dans laquelle se reconnaît la classe, à savoir une formation d’hommes rangés en ordre de bataille. Le parti, chaque fois qu’il va engager une action bien précise, doit se demander si celle-ci est en contradiction avec les actions précédentes et avec celles qu’il devra entreprendre. De cette façon, le parti accomplit en même temps un travail de recherche et d’approfondissement, d’éclaircissement et de mémorisation, disciplinant son action et son organisation. Il est un point qui a toujours été difficile à assimiler, celui de la discipline et de l’organisation, en général, celui de la vie interne du parti, en particulier. Dans les périodes de reflux on a cru faussement, à la direction, obtenir obéissance aux ordres centraux, quel qu’ils soient, en se fiant à une conception abstraite et caporalesque de la discipline, et en proclamant comme étant de fer l’organisation qui elle répondait  toujours « oui, monsieur ». On a trop souvent fait croire que les ordres étaient bons seulement parce qu’ils émanaient du centre. Et quand les défaites et les désillusions tombaient ponctuellement pour démentir des préjugés aussi stupides, on avait recours à la pratique encore plus stupide du remplacement des chefs, du limogeage de la direction du parti. On s’en est remis à la manière la plus facile, à la manière typique par laquelle l’Etat bourgeois exige de ses citoyens la soumission absolue, se considérant au dessus de la société, c’est à dire la manière judiciaire et pénale.

La discipline, comme les adhésions, doit être volontaire et spontanée. Un parti qui n’obtient pas ce résultat, ou ne s’appuie pas sur cette prémisse, est la proie facile de l’impuissance, et on doit avoir la force et le courage de rechercher, dans tous les recoins du parti, les causes de la désobéissance et de l’indiscipline dans l’égarement vis à vis des principes doctrinaux, programmatiques et tactique.

Ce n’est pas un pur hasard si l’histoire du parti est ponctuée de thèses. Les thèses, à la différence des textes, affirment, énoncent, n’expliquent pas, ne discutent pas. Les thèses du parti sont l’antithèse de l’ennemi de classe. Nous n’avons pas la prétention de discuter les positions de la bourgeoisie. Nous voulons les détruire. A l’inverse, les positions du parti s’affirment et se pratiquent.

A d’autres, cette intransigeance a paru comme étant du dogmatisme, car ils ont considéré les thèses comme le costume du dimanche, à exhiber dans les cérémonies officielles des congrès, des réunions, tels des pharisiens modernes. Oui, les thèses sont aussi l’habit, le costume ; elles sont la « morale » que l’organisation du parti doit pratiquer tous les jour, les jours de semaine comme le dimanche, à l’intérieur de la maison comme au dehors. Engels appelait « catéchisme » son projet de « manifeste du parti communiste ». Nous n’hésitons pas à considérer le corps complexe des thèses du parti comme la Bible du prolétariat moderne, sûrs et fiers que nous sommes de scandaliser le philistin petit-bourgeois, et le plus philistin de tous, l’ex camarade avide de « libre arbitre », derrière lequel se cache l’ambition de confier à l’histoire son nom inutile.

Au fur et à mesure que l’inexorable épilogue tragique du monde décadent du capitalisme s’approche, les aspects intransigeants de la lutte révolutionnaire de classe, que les positions du parti traduisent en règles de lutte, prennent toujours plus de vigueur. Pour d’autres encore il a semblé opportun d’en suspendre momentanément l’application, prétextant des « situations » particulières ou exceptionnelles, jurant leurs grands dieux que, attention, cette suspension ne les aurait jamais fait tomber dans l’oubli. Le flux vital en est venu ainsi à manquer, et le cœur puissant du parti, dans un dernier effort, a fini par s’éteindre. Dit sans métaphore : les thèses étant les tables de l’action et de la vie du parti, une fois mises en sommeil, on a poussé le parti à la débandade, et on s’est ouvert à la désorganisation et à la trahison. Les « négligences » à la morale du parti se sont succédées avec une fréquence grandissante. L’organisation s’est brisée en conventicules différents, unie en apparence par le courage de l’ignorance et de la peur d’enfreindre la discipline devenue formelle et bigote.

Un « parti de thèses » s’est transformé en un « parti d’opinion » incapable de comprendre, de vouloir, d’agir. A l’étude objective des faits s’est substituée la « libre interprétation ». Le parti s’est transformé en un cénacle d’intellectuels ou présumés tels, en concurrence idéologique avec les bandes d’intellectuels officiels.

* * *

L’incapacité de prévision déchire tous les partis. Sur le terrain économique, il n’y a pas de « plan » qui supporte la comparaison avec les « mystères » de la réalité. En ces temps de crise, ceci est visible à l’œil nu. Pour prévoir, il faut une science. Le capitalisme n’est plus capable de science. Le parti, si. Mais il n’existe pas une science pour la science, car celle-ci naît du besoin, et, dans la société divisée en classes, des besoins de classe. La science du prolétariat se fonde sur le besoin primaire du prolétariat, sur le besoin du communisme. Tendre à satisfaire ce besoin signifie se donner un programme, un plan de classe. Les thèses synthétisent le programme et le plan, la tactique. Elles sont les voies toutes tracées dans lesquelles avance majestueusement la révolution sociale du prolétariat vers son débouché naturel : la victoire du communisme. L’effort principal du parti vise à ce que ne s’altère pas ce tracé pour ne pas faire dérailler la marche de la révolution, et à river continuellement les boulons des voies. En face, un monde ennemi environnant se heurte par tous les moyens au parti pour en dévier la route, pour interrompre sa course. Malheur à lui si la suggestion d’un parcours un peu plus facile, moins pénible, plus bref, nous agrippe !

Il y a ceux qui ont voulu reconnaître dans les thèses de 1965-66, une absence de dispositions codifiées en plus d’une sorte d’optimisme nébuleux et d’une contradiction avec le passé, avec Lénine surtout.

S’agissant des « Thèses sur la structure » du parti, ils attendaient une sorte de code organisatif pour permettre à la hiérarchie de trancher, de décider, d’émettre des sentences et donc de juger dans les rangs du parti, en se référant normativement à tel ou tel paragraphe des thèses ... Ils prétendaient dépasser les singeries de la bourgeoisie, substituant le rituel démocratique majoritaire par le recours à l’arbitraire qui se manifeste toujours comme la synthèse du formalisme le plus significatif, que les thèses définissent de « terrorisme idéologique », ou de « fractionnisme d’en haut », ou d’ « absence de considération fraternelle » entre camarades, ou de « manœuvres bureaucratiques », etc. Ils ne se rendaient pas compte que ces derniers aspects sont inséparables de la « mystification démocratique », et que le parti, de la même façon qu’il rejette l’aspect le plus évident de la démocratie, le consentement ou la désapprobation de majorités et de minorités, rejette tout autant les autres engrenages évidents et occultes, et pour toujours, typiques de l’organisation des classes possédantes.

Ainsi, d’un côté ils prétendaient exercer de l’autorité sur tout le parti en tant que et seulement en tant que centre dirigeant, et de l’autre ils croyaient renforcer le parti en en changeant la direction, en exaspérant la lutte politique en son sein, exprimée diversement dans les formes typiquement bourgeoises d’expulsion, de dissolution ou de recomposition de sections, de division de l’organisation entre les vertueux et les réprouvés, de polémiques et de critiques personnelles, transformant ainsi le parti en petites cours de discipline respectueuses du centre en place.

Le fait d’avoir fait passer tous ces vieux trucs comme étant le patrimoine du parti, cela n’est en rien une innovation, mais n’est que la réaffirmation vigoureuse et lumineuse de la tradition du marxisme révolutionnaire, dont l’ « autoritarisme » a toujours été mystifié comme étant la domination stupide et insipide sur le parti d’un homme supérieur ou d’un groupe d’hommes élus, selon la version stalinienne et aussi social-démocrate et anarchiste.

L’autorité, c’est celle qui émane du parti, et non pas celle qui s’exerce sur le parti, et les hommes en sont les instruments utiles dans la mesure où tous, de haut en bas, s’y subordonnent. L’autorité du parti émane de ses tables programmatiques, de sa doctrine, de sa tactique correcte. Dans la Gauche, nous l’avons appelée la dictature du programme, à laquelle aucun militant ne peut échapper tant qu’il est militant du parti politique de classe. Bienvenu à un chef, plein d’énergie, d’intelligence et de jeunesse, pourvu qu’il mette ses qualités personnelles au service de la cause, aux ordres péremptoires et indiscutables, surtout pour lui, du programme révolutionnaire !

Dans les textes qui soutiennent les thèses, on démontre que tout ceci est clairement appréhendé et clarifié dans Marx et Lénine.

* * *

La bataille que la Gauche fut contrainte d’engager dans l’Internationale Communiste, assuma tout d’abord la forme de discussions au sein des congrès, dans les réunions, de textes publiés dans les journaux et les revues de parti, puis, quand les erreurs et les déviations s’affirmèrent de manière plus profonde et dangereuse, nous dûmes recourir également à la forme des thèses en opposition aux thèses dictées par le Centre international et national.

Nous dûmes ainsi tracer une ligne ferme de démarcation pour distinguer les positions correctes du parti face à celles erronées et contradictoires, dans le but de protéger le parti lui-même.

La discussion ne suffit plus ; elle se faisait toujours plus pénible et impossible, dans un violent climat de pressions organisatives, disciplinaires et idéologiques, dans lequel on recourrait aussi à la calomnie et aux menaces physiques, à la corruption et au chantage.

La Gauche demeura seule dans cette œuvre de défense et de restauration de la doctrine, des principes et du programme. Désormais il devenait évident qu’il s’agissait d’affrontements sur les « buts », et plus de discussion sur les « moyens ». Il en est toujours ainsi quand le parti se livre aux manœuvres d’un « autoritarisme vide » et abandonne l’ « étude objective des problèmes » pour la remplacer par la suprématie du politique.

Il s’agissait de rassembler les forces du parti qui avaient résisté et de se tenir fermement sur les positions de toujours. La Gauche représentait la citadelle assiégée par les hordes corrompues au service de la contre-révolution. Les thèses ont aussi cette signification historique et de bataille.

Elles ne sont pas nées de la rencontre de salon entre de brillants cerveaux, mais de la passion révolutionnaire, de la haine envers l’ennemi et les traîtres. Ces conditions sont toujours présentes, de manière plus ou moins aiguë, également aujourd’hui où chaque groupe prétend avoir découvert une nouvelle vérité et posséder la recette personnelle infaillible.

Nous le disions alors et le répétons aujourd’hui : les garanties pour préserver le parti des défaites et de la rechute dans l’opportunisme, même si l’intention d’en tenir éloigné le parti ne soit pas blâmable en tant que telle, ne reposent pas sur des formes et formalismes, sur des techniques organisatives ou des élites sélectionnées dites « meilleures ». Si garantie il y a, elle doit être recherchée dans le respect complet et absolu de toutes les positions du parti et dans leur application conséquente.

On a trop abusé de l’autorité centrale, exercée au nom du « centralisme », abusant du parti et en s’auto-dispensant de rendre compte à toute l’organisation du lien de continuité des règles de vie et d’action.

Le « centralisme sans adjectif » est une fonction à laquelle le parti de classe ne peut renoncer, mais la fonction du centre détachée de l’ensemble des fonctions, suffoque tout et à la longue tue le parti.

Nous ne nous opposions pas à la dictature de Staline en tant que personnification de la dictature prolétarienne, mais en tant que féroce totalitarisme de la contre-révolution sur le parti, la classe, l’Etat du prolétariat. Les exemples héroïques des plus grands dirigeants d’Octobre qui préférèrent s’auto-accuser du crime le plus infamant, celui de lèse-révolution, plutôt que de s’opposer au parti, condamnent de manière irrévocable ceux qui, au nom de la Révolution, du parti, du marxisme, contraignirent de fidèles militants à se soumettre aux vexations, humiliations et autres infamies.

Les thèses du second après guerre ont une signification spéciale, parce que, à la différence de celles des premiers congrès de l’Internationale Communiste, qui sont fondamentales pour la constitution du parti unique mondial, tirent les leçons de la plus terrible vague contre révolutionnaire de l’histoire du prolétariat moderne, qui fit suite à la défaite de la révolution d’Octobre et à la destruction de l’I.C.

Le petit parti d’aujourd’hui s’est trouvé confronté à un mouvement ouvrier complètement écrasé. L’Etat prolétarien, le syndicat de classe, les soviets et jusqu’au parti étaient détruits. Année zéro pour la classe ouvrière. L’importance de la tragédie historique peut se mesurer aussi avec l’énorme différence entre la rapidité avec laquelle la bourgeoisie mondiale a reconstruit son appareil productif et potentialisé sa machine répressive dans un sens antiprolétarien et antirévolutionnaire, et l’extrême et désarmante lenteur avec laquelle la classe ouvrière mondiale tente de se soustraire à la domination capitaliste et à rejoindre son parti révolutionnaire.

En ces 50 dernières années, depuis 1926 à aujourd’hui, le prolétariat a perdu toute référence classiste, adhérant à tous les travers de la vile société actuelle. Les sursauts ont été rares. Dans cette terrible phase négative, l’action révolutionnaire signifie restauration et défense de l’intransigeance doctrinale, programmatique et tactique du communisme révolutionnaire afin que puisse renaître le parti unique mondial. C’est la révolution qui l’exige.

Par quelles brèches est passé l’opportunisme ? D’abord se sont ouverts des passages au niveau de la tactique, avec la pratique fatale des blocs, des fronts, des ententes avec des partis et groupes politiques ; à partir de là s’est développé un processus en chaîne qui a envahi toute l’organisation et la vie interne du parti, en le soumettant aux conséquences d’une tactique suicidaire. La trahison en tant que telle s’est ensuite étendue à tout le parti international, démolissant l’organisation par la technique typiquement bourgeoise de l’homo homini lupus : l’homme est un loup pour l’homme. Les forces ennemies ont pu devenir gigantesques non seulement en raison des conditions objectives favorables, favorisées par les erreurs tactiques, mais leur domination qui existe encore aujourd’hui a été rendue possible par l’écroulement interne du parti.

La chute héroïque de la glorieuse Commune de Paris de 1871 ne fut pas suivie par la destruction de la Première Internationale, par son passage à l’ennemi. Les temps d’arrêt des luttes ouvrières furent causés par la terrible hémorragie due à la répression contre-révolutionnaire de la démocratique république française. Avant que la II Internationale ne passât dans le camp ennemi, s’étaient constituées en son sein des ailes révolutionnaires orthodoxes qui tout de suite après la première guerre mondiale constituèrent le noyau de la Troisième Internationale, à savoir les bolchéviques russes, les spartakistes allemands et la Gauche italienne.

Avec l’écroulement d’Octobre et de la Troisième Internationale tous les partis sont passés en bloc aux mains de l’ennemi. Ils ont été réduits par le terrorisme, par la délation, par les meurtres plus commis des mains de nouvelles gardes blanches nichées aux sommets de l’organisation que des mains des bandes bourgeoises. Pour écraser ce réseau international, fort en nombre, en extension et en expérience de luttes, il n’a pas suffi de piloter l’Internationale avec une tactique malheureuse, il a fallu de plus l’enchaîner, lui mettre une muselière, en discréditer puis en fusiller les membres qui dénonçaient héroïquement les erreurs et les trahisons.

Le poison opportuniste, précurseur de la trahison, a emprunté ce chemin, que les thèses stigmatisent et exposent comme étant des voies dangereuses à éviter, à fuir, quel qu’en soit le promoteur.

Chaque fois que les militants communistes se trouvent confrontés à ces manifestations, ils doivent y reconnaître les signes de la pénétration opportuniste dans l’organisation. Le parti qui renaît doit non seulement s’orienter correctement en doctrine et tactique, selon les leçons que les thèses synthétisent, mais doit aussi, et pas de façon marginale, s’en tenir aux règles de vie interne et d’organisation que ces mêmes thèses précisent dans la formule désormais définitive et ayant fait ses preuves de « centralisme organique ».

 

 

 

 


Note introductive à la republication de notre texte

1998 2

Pourquoi republier aujourd’hui en 1998 un texte sur les bases programmatiques, tactiques et organisatives du Parti Communiste International quand désormais avec la démolition du mur de Berlin et l’écroulement de l’URSS, faits survenus il y a quelques années, on célèbre partout la mort du Communisme ?

La phrase d’ouverture du Manifeste du Parti Communiste de 1848 :  « Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme » paraît être dépassée ; il semble que désormais le communisme ne doive épouvanter plus aucun bourgeois, pardon, aucun citoyen, puisque le spectre et la peur qui est associée ont définitivement disparus.

Il n’y a rien de plus et même il s’agit du contraire : la reddition finale des comptes ou bien le heurt entre bourgeoisie et prolétariat, entre mode de production capitaliste et communisme, se rapproche avec un mouvement accéléré par une crise financière et productive qui n’a frappé hier que l’ex URSS et qui désormais dirige son implacable faux vers les « tigres asiatiques ».

L’URSS s’est dissoute à cause d’une profonde et classique crise capitaliste, et non parce que plus personne, dans les pays contrôlés par Moscou, ne croyait en ce qu’ils vendaient comme étant du communisme.

Nous ne nous fatiguerons jamais, et ce texte que nous republions aujourd’hui est ici pour le confirmer, de répéter que le Communisme n’est pas une mode temporaire, une idéologie romantique élaborée sur la table de penseurs illuminés du 19ème siècle et qui ne serait plus actuelle ni proposable. Le Communiste est au contraire un produit et une nécessité historique : il est le produit des profondes contradictions et inégalités du mode de production capitaliste basé sur la division et l’exploitation des classes opposées par des liens sociaux de la propriété privée, et en représente le dépassement nécessaire pour parvenir à une forme supérieure de production sans classes. A chacun ne sera plus dévolu son quota privé et personnel de capitaux investis dans l’économie globalisée, mais chacun recevra selon ses besoins !

L’exploitation capitaliste est encore vivante, de plus en plus assoiffée du sang et de la sueur des prolétaires comme nous le voyons bien dans la misère croissante qui se diffuse dans la planète entière, tandis que les masses opprimées augmentent en nombre et en désespoir.

Et pourtant se renforce au niveau mondial, douloureusement et lentement, la nécessité de dépasser ce supplice qui ne cessera qu’avec le Communisme en passant à travers la révolution prolétarienne dirigée par l’organe préposé : le Parti Communiste International bien ancré dans ses bases programmatiques, tactiques et organisatives qui sont « la cristallisation de l’expérience historique du prolétariat mondial, dont la transmission de génération en génération a été confiée à un corps organisé de militants ».

Rien n’est concédé aux actuels prétendus refondateurs communistes qui ne font pas autre chose que semer à nouveau la semence maléfique de l’opportunisme et de la paix sociale parmi les travailleurs ; leurs balourds rappels sont au début séduisants et rassurants, mais conduisent toujours à la ruine certaine.

Rien n’est concédé également à ces opportunistes petit-bourgeois affectés du culte de la personnalité et à ceux qui mettent fin à la doctrine avec la mort du camarade x ou y qui, tout en étant dignes du plus grand honneur et d’un profond respect, ne peuvent et ne doivent pas être considérés comme la personnification de la forme parti et les uniques sources de théorie pure, et pire encore, pour les boutiquiers de tout temps, une bonne affaire éditoriale. Notre théorie est anonyme et collective ; elle est le fruit de notre classe et lui appartient ; elle s’enrichit et se précise de mieux en mieux dans le devenir continu de la lutte de classe.

Tout est donc concédé à l’ensemble indiscutable du programme du parti qui exerce sa dictature sur le parti lui-même et ses fidèles et sincères militants. C’est seulement ainsi que se poursuit d’un pas juste la marche assurée, même parfois douloureuse, vers le Communisme.

 

 

 

 

 


Note introductive à la republication des Thèses d’après 1945
 
1970 3

Le parti devra consacrer une vaste étude historique et critique à la longue période durant laquelle la Gauche communiste, réduite au silence par le régime disciplinaire stalinien, puis dispersée par le fascisme, réussit à maintenir une continuité physique de groupe, en particulier grâce à sa fraction à l’étranger et à ses organes de presse (Prometeo, Bilan, etc.). A l’Exécutif élargi de février-mars 1926, son représentant avait rapporté ces mots d’un camarade résidant en Russie : « Nous jouons en quelque sorte un rôle international, parce que le peuple italien est un peuple d’émigrants au sens économique et social du terme et, depuis l’avènement du fascisme, également au sens politique … Il nous arrive un peu ce qui est arrivé aux juifs : si nous avons été battus en Italie, nous pouvons nous consoler en pensant que les juifs eux aussi sont forts non en Palestine, mais ailleurs ». Le rôle de la « Fraction de gauche à l’étranger » fut justement de préserver la continuité de notre tradition et d’en jeter la semence là où elle n’existait pas. C’est à cette matrice que nous devons notre réseau international, aussi faible qu’il soit numériquement, et en grande partie les premiers « cadres » du parti de 1943, qui se constitua lorsqu’il fut désormais devenu évident que les partis « communistes » officiels étaient définitivement passés au réformisme, au légalitarisme, au social-nationalisme, bref à la contre-révolution.

La tentative de 1943 et des années suivantes constitua un effort généreux mais confus, et à bien des égards discontinu : malgré la solide base doctrinale des Thèses de la Gauche, rédigées alors que l’Italie était encore divisée en deux et publiées dans les numéros 2, 3, 5, 6, 7, 8 de Prometeo, première série (nous reproduisons ici le texte intitulé « Nature, fonction et tactique du parti révolutionnaire de la classe ouvrière », particulièrement efficace en raison du lien qu’il établit entre « passé et présent »), malgré une série d’autres textes qui ont été republiés depuis ou le seront bientôt dans la série de nos textes de parti, malgré enfin les articles fondamentaux de la série Sul filo del tempo (« Sur le fil du temps ») publiés à partir de 1949 dans notre organe bimensuel d’alors Battaglia Comunista, on peut dire que c’est seulement à partir de la seconde moitié de 1951 et surtout à partir de 1952 que le parti a pris une orientation ferme et homogène, sur la base des thèses fondamentales de la période 1920-1926 et du bilan dynamique des vingt-cinq années suivantes, qui leur donnait un caractère encore plus net et distinct ; c’est au même moment que le parti se donna une structure correspondant à cet apport théorique, autour de son nouvel organe, Il Programma Comunista, journal-revue qui va représenter pendant une vingtaine d’années la continuité programmatique et théorique de la Gauche, avant que des événements plus récents et de bas étage ne nous le retirent et nous obligent à continuer la bataille de toujours sur tous les fronts avec un autre organe, Il Partito Comunista, auquel se joindront un organe économico-syndical, Per il Sindacato Rosso, et une revue théorique, Comunismo.

Le problème central était sans aucun doute la restauration intégrale de la doctrine marxiste, mille fois reniée et falsifiée par la contre-révolution stalinienne ; mais ni en théorie, ni en pratique, cet objectif ne pouvait être séparé, et il ne le fut jamais, d’un effort constant non seulement pour diffuser nos positions théoriques et programmatiques, mais pour les « importer » dans la classe ouvrière, selon la définition classique de Lénine, en participant dans les limites de nos forces aux luttes qu’elle mène, même pour des objectifs immédiats et contingents, et sans jamais faire du parti, même réduit numériquement, une académie de penseurs, un cercle de gens éclairés, une secte de conspirateurs armés d’un bagage inestimable mais connu des seuls initiés.

C’est cette fidélité tenace et courageuse au « fil du temps », à la doctrine immuable, confirmée et rendue encore plus tranchante par le bilan historique des luttes et des défaites du prolétariat, c’est cette fidélité toujours liée à un effort quotidien pour établir une liaison avec une couche croissante de travailleurs, qui a fait notre force : c’est elle qui explique non seulement que nous ayons survécu dans une des périodes les plus sombres de l’histoire du mouvement ouvrier, mais que nous avons défini d’une façon de plus en plus précise les limites infranchissables de notre doctrine et de notre programme, et que ceux-ci aient passé les frontières. International dans ses bases programmatiques, le parti tend également à l’être dans sa structure organisationnelle, et il a pu préciser les caractères de cette structure, ainsi que les normes tactiques impératives pour tous ses militants, d’une façon bien plus précise et plus complète qu’il n’a été possible de le faire au sein de la Troisième Internationale. Bref, il s’est reconstitué sur ses bases propres, affranchies des concessions qu’il avait dû faire dans la période 1922-1926, par discipline envers le Komintern, tout en réaffirmant toujours franchement et durement son désaccord.

Ce développement a son point de départ dans les Thèses caractéristiques du Parti, texte intégral d’un rapport tenu à la réunion générale de Florence des 8 et 9 décembre 1951 et mettant un point final à la scission qui eut lieu cette année-là dans notre mouvement et s’accompagna du changement de nom de notre organe bimensuel. Ce corps de thèses constitua la base pour l’adhésion au parti : ses membres les acceptent toutes, et ceux qui en refusent certaines restent en dehors du parti. Il joua efficacement son rôle non seulement à ce moment-là, mais les très rares fois où, par la suite, le parti dut se débarrasser des scories inutiles et nuisibles. Pour s’unir, disait Lénine, il faut se diviser : la Gauche italienne a toujours eu pour méthode d’éliminer organiquement tous ces éléments incertains, et n’a jamais partagé l’illusion de ceux qui croient obtenir des succès immédiats au moyen de combinaisons et d’alliances avec des groupes hétérogènes comme ceux qui naissaient et renaissent continuellement de la crise du stalinisme et des vicissitudes du post-stalinisme.

Bien entendu, il ne s’agissait pas là d’un « tournant » ni d’un « changement de cap » ; il s’agissait bien au contraire, comme la lecture de ce texte fondamental de parti en fournit la preuve évidente, de reprendre le « fil » de notre programme intégral en le reliant au présent et en le projetant dans l’avenir.

Ce texte se compose de quatre parties. La première (Théorie) se limite à une énonciation de textes fondamentaux, complétée cependant par le programme du parti, qui est celui de Livourne de 1921, complété par certains points que nous y avons insérés après la deuxième guerre mondiale, sans rien y changer.

La seconde partie (Tâche du parti communiste) développe des points de principe valables pour toutes les époques et tous les pays.

La troisième partie (Vagues historiques de dégénérescence opportuniste) critique les déviations successives par rapport à la ligne révolutionnaire, jusqu’à celles qui amenèrent la III Internationale au désastre.

La quatrième partie (Action du parti en Italie et dans d’autres pays 1952) définissait (et définit toujours aujourd’hui – d’où la grande signification que présente ce texte – notre activité pratique, qui est aussi sérieuse et tenace que discrète et non publicitaire, n’en déplaise à quelques sots qui aimeraient que l’on fasse plus de bruit autour des grandes traditions de la Gauche italienne. Que ceux qui aiment faire du bruit se résignent ou se vendent à qui bon leur semble. Quant à nous, nous poursuivons notre route nette et droite.

Ce texte a valeur de norme aussi bien pour le travail interne, la propagande et le prosélytisme, que pour la lutte contre nos adversaires, dont une longue expérience nous a appris que les plus dangereux sont ceux qui se prétendent les plus proches de nous. Nous rappellerons brièvement certains points qui méritent d’être soulignés, tout en renvoyant le lecteur, pour une discussion plus détaillée, au texte lui-même et aux nombreux développements dont chaque thèse fait l’objet dans nos autres textes de parti.

Dans la seconde partie : le point 3 reprend une thèse fondamentale, à savoir que la dictature révolutionnaire est la dictature du parti communiste ; ceux que cette thèse gêne se sont déjà exclus d’eux-mêmes. Le point 4 revendique l’invariance de la doctrine et affirme la nécessité d’intervenir dans toutes les luttes immédiates du prolétariat. Le point 6 condamne toutes les théories syndicalistes, mais affirme la nécessité de la présence et de la pénétration du parti dans les syndicats par la constitution d’un réseau syndical général communiste au sein de ceux-ci, comme condition non seulement de la victoire finale, mais même de tout progrès et de tout succès. Le point 7 développe également cette thèse et condamne la conception limitée et localiste des luttes économiques, chère aux traîtres.

Dans la troisième partie : les points 9 et 10 reprennent la vision léniniste de l’action des peuples de couleur et de l’appui à tout mouvement utilisant la violence armée contre les pouvoirs locaux arriérés et les colonisateurs blancs. Cette question fut développée à fond, entre autres, lors de la réunion de Trieste sur les Facteurs de race et de nation dans la théorie marxiste, et constitua une des pierres de touche de la petite scission de 1952. Le point 18 contient la condamnation non seulement du bloc antifasciste pour l’Italie, mais de la résistance anti-allemande pendant la guerre. Le point 20 établit une thèse fondamentale, à savoir que la troisième vague opportuniste (la dernière en date) a été plus désastreuse encore que les précédentes. Le point 21 condamne toute occupation des pays vaincus par les vainqueurs, russes y compris. Le point 22 condamne la coexistence et l’émulation pacifiques entre Etats capitalistes et « Etats socialistes » préconisées par la Russie et les pays « frères », principes qui pourtant ne furent proclamés qu’en 1956 par Khrouchtchev (en 1952 on était encore sous le régime de Staline). Le point 23 dénonce encore une fois la troisième vague opportuniste et condamne l’ignoble pacifisme qui n’a cessé d’empirer après Staline, sous Khrouchtchev et ses successeurs.

Dans la quatrième partie : le point 3 constate qu’en 1951 nous nous trouvions au plus bas de la dépression contre-révolutionnaire commencée en 1926, 25 ans auparavant. Dès 1951, mais aujourd’hui surtout, nous commençons lentement à remonter la pente. Mais seuls des débiles ou des pantins peuvent rêver de « tournants ». Au point 4 nous affirmons que le parti ne rejette aucune occasion, même modeste, de s’approcher des masses, même dans les époques sombres. Le point 5 réaffirme l’invariance de la doctrine, tandis que les points 6 et 7 condamnent toute conception scolastique ou académique du parti. Au point 10, nous repoussons tous recours à des manœuvres pour surmonter une phase hostile, ainsi que nous le ferons plus tard contre les tentatives répétées de prétendus groupes « de gauche » pour constituer des rassemblements hétérogènes de trois ou quatre courants. Au point 11 nous retraçons la perspective de reprise inévitable de l’action syndicale, et au point 12, après avoir rappelé qu’il s’agit d’une question tactique, nous tournons le dos aux illusions morbides de l’électoralisme.

Enfin, au point 13, nous lançons aux jeunes un appel qui devra avoir un effet encore plus grand que celui déjà obtenu. « C’est la relève des générations ! », commentions-nous en 1962. « C’est le moment, car c’est toujours le moment ! »

* * *

L’affirmation de l’invariance de la doctrine ne dispense et ne dispensera jamais le parti de la tâche d’en tracer, ou plutôt d’en graver toujours plus nettement les traits, tant dans le domaine strictement théorique que dans celui, inséparable du précédent, de l’application des principes dans le vif de l’action et des rapports entre les classes (la tactique), à la lumière non pas d’élucubrations cérébrales, mais du bilan dynamique des luttes sociales menées par les générations prolétariennes au cours d’une période historique immense, que ces luttes se soient soldées par la victoire ou par la défaite. Il ne s’agit donc pas pour nous de découvrir et de frayer de « nouvelles voies », mais de tracer de plus en plus nettement, grâce à la vivante confirmation des faits historiques, le sillon de notre voie de toujours. Cette tâche, avons-nous dit en une autre occasion, « n’est pas du ressort d’un individu, ni d’un comité, ni à plus forte raison d’un bureau ; elle représente un moment et un secteur d’un travail unitaire qui se poursuit depuis plus d’un siècle, par delà la succession des générations, et ne peut être mis à l’actif d’aucun individu, fût-il de ceux qui ont eu une très longue période d’élaboration et de maturation cohérentes des résultats ». Ce travail est développé dans notre presse internationale, avec une homogénéité totale, dans tous les secteurs : économie marxiste, tant du point de vue général que des multiples aspects particuliers, question agraire, question nationale et coloniale, analyse de la structure sociale et économique de la Russie, question chinoise, cours de l’impérialisme mondial, question militaire, etc. Parallèlement, le développement de l’activité « extérieure » du parti, avec ses répercussions organisationnelles « internes » nous imposait de préciser toujours mieux la nature et la fonction de cette activité, ainsi que le sens et le caractère des rapports entre travail « pratique » et travail « théorique », entre « conscience » et action, entre réalité du « parti historique » et tendance au « parti formel ».

C’est à ces exigences toujours actuelles, dont le militant doit pouvoir trouver la solution claire et définitive dans les bases programmatiques du parti, que répondent les Considérations, rédigées à la fin de 1964 et publiées au début de 1965. Dans cette synthèse brillante et riche de contenu se trouve démentie sans appel la vieille accusation stupide selon laquelle la Gauche rêverait d’une élite de révolutionnaires « purs » et parfaits enfermés dans une tour d’ivoire. Les Considérations terminent sur la revendication du « centralisme organique » par opposition au « centralisme démocratique » de la IIIe Internationale. Postulat constant de la Gauche dès 1921, le « centralisme organique » ne peut qu’aujourd’hui se réaliser pleinement et sans possibilité de retour en arrière, excluant définitivement tout recours à des mécanismes « démocratiques » même au sein de l’organisation du parti. Cette question avait été éclaircie dans les Notes sur la question de l’organisation (Il Programma Comunista n°22, 1964), publiées la même année après la réunion générale de Florence (31 octobre-1er novembre 1964). Elle a été reprise et complétée dans les Thèses sur la tâche historique, l’action et la structure du parti communiste mondial, selon les positions qui depuis plus d’un demi-siècle constituent le patrimoine historique de la Gauche communiste (juillet 1965) et dans les Thèses supplémentaires d’avril 1966, ainsi que dans la vaste documentation publiée entre ces deux dates pour bien montrer que, loin d’innover, le parti ne faisait que reprendre, avec une continuité et une cohérence parfaites, une lutte qu’il avait menée tout au long des années glorieuses de l’Internationale Communiste et des premières années de sa décadence.

En fait l’opposition entre centralisme organique et centralisme démocratique est bien autre chose qu’une question de... vocabulaire. La seconde formule, contradictoire, reflète bien dans le substantif l’aspiration au parti mondial unique tel que nous l’avons toujours envisagé, mais dans l’adjectif elle reflète la réalité de partis encore hétérogènes par leur formation historique et leur base doctrinale, qui étaient coiffés par un Comité exécutif (ou un autre organisme analogue) considéré comme l’arbitre suprême (et non comme le sommet d’une pyramide, relié à la base par une ligne unique et homogène, et vice versa, sans solution de continuité). N’étant pas lié par ce fil unique, mais libre de prendre des décisions changeantes au gré des « situations » et des vicissitudes de la lutte de classe, cet arbitre a périodiquement recours – exactement comme dans la tradition de la démocratie bourgeoise – soit à la farce de la « consultation » de la périphérie (dont il est sûr qu’elle lui apportera un appui plébiscitaire ou presque), soit à l’arme de l’intimidation et de la « terreur idéologique », qui dans l’Internationale Communiste s’appuya sur la force physique et le « bras séculier » de l’Etat.

Dans notre conception, par contre, il s’agit de centralisme organique parce que le parti n’est pas seulement une « fraction », même d’avant-garde, de la classe prolétarienne, mais son organe, qui réalise la synthèse de toutes les poussées élémentaires de la classe et de tous ses militants, d’où qu’elles viennent. Le parti est l’organe de la classe parce qu’il possède une théorie, un ensemble de principes, un programme, qui dépassent les limites temporelles du présent pour exprimer la tendance historique, le but final et la méthode d’action des générations prolétariennes et communistes du passé, du présent et de l’avenir, et qui dépassent les limites de la nationalité et de l’Etat pour incarner les intérêts des salariés révolutionnaires du monde entier. Il l’est aussi parce qu’il prévoit, au moins dans ses grandes lignes, le développement des situations historiques, et qu’il est donc en mesure d’établir un ensemble de directives et de règles tactiques obligatoires pour tous (en tenant compte, bien sûr, de la différence entre les périodes et les aires de « révolution double » ou au contraire de « révolution prolétarienne pure », périodes et aires qui sont elles-mêmes prévues et impliquent des tactiques différentes, mais bien définies). Si le parti possède une telle homogénéité, son organisation – c’est-à-dire sa discipline – naît et se développe de façon organique sur la base unique du programme et de la pratique, et exprime dans ses diverses manifestations, dans la hiérarchie de ses organes, l’adéquation parfaite du parti à l’ensemble de ses tâches, sans exception.

L’organisation, comme la discipline, n’est pas un point de départ mais un aboutissement ; elle n’a besoin ni de codifications statutaires ni de règlements disciplinaires ; elle ne connaît pas d’opposition entre la « base » et le « sommet » ; elle exclut les barrières rigides d’une division du travail héritée du régime capitaliste : ce n’est pas qu’elle n’ait pas besoin de « chefs », et même de « spécialistes » dans certains secteurs, mais ceux-ci sont et doivent être, comme le plus « humble » des militants, et plus encore que lui, liés par un programme, par une doctrine et par une définition claire et sans équivoque des normes tactiques communes à tout le parti, connues de tous ses membres, affirmées publiquement et surtout traduites en pratique devant l’ensemble de la classe ; et de même que les « chefs » sont nécessaires dans ces conditions, de même le parti peut s’en passer dès qu’ils cessent de répondre à la fonction à laquelle le parti les a délégués en vertu d’une sélection toute naturelle et non d’une comptabilité électorale de pacotille ; à plus forte raison lorsqu’ils devient de la voie qui a été tracée pour tous. Voilà ce que notre parti tend à être et s’efforce de devenir, sans prétendre pour autant à une « pureté » ou à une « perfection » anti-historiques. Un parti comme celui-là ne confie pas sa vie, son développement et, disons le mot, sa hiérarchie de fonctions techniques, au caprice de décisions contingentes et majoritaires : il croît et se renforce de par la dynamique même de la lutte de classe en général et de son intervention dans cette lutte ; il crée, sans les inventer à l’avance, ses propres armes de lutte et ses propres organes, à tous les niveaux ; il n’a pas besoin – sinon dans des cas pathologiques exceptionnels – d’expulser après un « procès » en règle les éléments qui ne veulent plus suivre la voie commune et immuable, car il doit être capable de les éliminer comme un organisme sain élimine spontanément ses propres déchets.

« La révolution n’est pas une question de formes d’organisation ». C’est au contraire l’organisation, avec toutes ses formes, qui se constitue en fonction des exigences de la révolution dont nous prévoyons non seulement l’issue, mais le chemin. Les consultations, les constitutions, les statuts, sont le propre des sociétés divisées en classes et des partis qui expriment non le cours historique d’une classe, mais la rencontre des cours divergents ou partiellement convergents de plusieurs classes. Démocratie interne et « bureaucratisme », culte de la « liberté d’expression » individuelle ou de groupe et « terrorisme idéologique » sont des termes non pas antithétiques mais dialectiquement liés : unité de doctrine et d’action tactique, et caractère organique du centralisme organisationnel, sont également les deux faces d’une même médaille.

Voilà ce qu’implique, entre autres, notre conception du parti, considéré dans sa structure et dans sa dynamique internes. Les Thèses le disent d’une façon bien plus complète et plus incisive que nous ne pouvons le faire dans le cadre de cette présentation générale.

 


1. Il s’agit d’une publication parue en 1976 "Basi programmatiche, tattiche ed organizzative del partito" qui comprend les thèses de 1945 à 1966 (Piattaforma organizzative del partito, le Tesi caratteristiche del 1951, i tre corpi de Tesi sul centralismo organico). L’introduction a été traduite dans : "En défense de la continuité du programme communiste", 1985.

2. En 1998 est publié un petit volume désormais épuisé qui reprenait celui de 1976 cité dans la note 1.

3. Il s’agit du volume "In difesa della continuità del programma comunista", paru en 1970. Cette introduction se trouve p. 127 et a été traduite dans le volume en français : "En défense de la continuité du programme communiste", (éditions le parti communiste, 1985) p. 121.