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L’Ukraine avec ses 603.700 km2 est un peu plus grande que la France qui fait 550 000 km2. Tout comme elle, avec sa vaste plaine centrale arrosée par le Dniepr et sa terre noire très fertile, l’Ukraine est un grand pays agricole et un gros exportateur de céréales, principalement de maïs. En 2011 la France avait produit 64 millions de tonnes de céréales et l’Ukraine 51 millions. Et pour la campagne 2013-2014, l’on prévoit que l’Ukraine pourrait exporter 28 millions de tonnes de céréales.
L’Ukraine est un État méridional en bordure de la mer noire avec à ses frontières à l’Ouest la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie, au Nord la Biélorussie et à l’Est la Russie. Elle occupe une place géostratégique en faisant tampon entre la Russie et l’Europe centrale et en servant de tête de pont, grâce à la Crimée, pour l’accès et le contrôle par voie maritime de la mer méditerranée.
Après l’éclatement de l’URSS en décembre 1991, dû à la crise du capitalisme soviétique, les républiques de Russie, d’Ukraine, les États Baltes, etc. ont constitué des États indépendants. Il est à souligner que, contrairement à la propagande de la CIA qui prévoyait l’éclatement de l’URSS à partir des États musulmans du sud de l’URSS, qui étaient présentés comme des colonies, ce sont les États riches – Russie, Ukraine, pays Baltes – qui ont voulu et organisé la séparation. Le système de péréquation des richesses réalisée par l’URSS en faveur des républiques plus pauvres étant devenu trop lourd pour eux.
La terrible crise de surproduction qui a sévi dans tous ces États jusqu’en 1998 a entraîné un effondrement de la production industrielle et agricole. En Russie la production industrielle a chuté de 56%, dépassant par son ampleur la crise de 1929-1932 des États-Unis (-43%) ! Pour l’Ukraine nous n’avons pas les indices de la production industrielle de cette période, mais les chiffres concernant la PIB nous donnent une idée de l’ampleur de la crise : -60% en 1999.
A partir de 2000 jusqu’en 2007 la production industrielle et agricole en Ukraine, tout comme en Russie, a connu une vigoureuse reprise avec un incrément annuel moyen de la production industrielle dépassant les 9%.
Variation
du PIB |
|||
En
milliards de dollars constant de l’année 2000 |
|||
1989 |
1999 |
2008 |
2012 |
146,317 |
56,220 |
102,026 |
95,507 |
100,0% |
38,4% |
69,7% |
65,3% |
Toutefois malgré cette vigoureuse reprise, la production industrielle n’a pas retrouvé le niveau de 1989, on peut s’en rendre compte avec le PIB en valeur constante qui en 2008 égalait tout juste 70% du niveau de 1989. En Russie la production industrielle en 2008 correspondait à 82% du niveau atteint en 1989.
Cette crise a entraîné une forte émigration, ce qui fait que la population, qui avait atteint un maximum de 52.179.210 habitants en 1993, a décru régulièrement pour atteindre le chiffre de 45.593.300 en 2012. Ce qui jette une lumière crue sur la dureté de la crise et les souffrances que la population a dû endurer. On n’est pas loin d’une situation de guerre.
Répartition
des Exportations en 2012 |
|
Agriculture |
27,0% |
Mines |
12,0% |
Manufacture |
59,7% |
Cependant de 2000 à 2008 l’Ukraine, tout comme la Russie et les Pays baltes, a profité de l’afflux de capitaux qui ne trouvaient pas à s’employer en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, permettant la modernisation de son industrie et de son agriculture. L’Ukraine possède une solide base industrielle, notamment manufacturière et minière, avec une main d’œuvre hautement qualifiée, mais avec des salaires concurrençant ceux des ouvriers chinois. Ses principaux produits d’exportations sont les produits sidérurgiques (notamment les pipelines pour le transport du gaz et du pétrole), les produits de l’industrie mécanique (comme les moteurs d’avions et d’hélicoptères), industrie qui est vitale pour la Russie et la Chine, les produits chimiques (du coke, des fertilisants, de l’acide sulfurique, etc.), et des armes, notamment vers la Chine.
Elle a profité de cette période pour moderniser son agriculture et privatiser les kolkhozes – ces centres du conservatisme sociale – ce qui fait qu’elle est devenue un grand exportateur de céréales. Son commerce se fait essentiellement avec ses voisins, c’est-à-dire la Russie et l’Union Européenne. Ses exportations en 2012 vers la Russie se sont élevées à 17,61 milliards de Dollars et vers l’Union Européenne à 17,06 milliards. Soit quasiment la parité.
Commerce
de merchandises en 2012 |
||
Exportations |
Importations |
|
Milliards
de $ |
68,53 |
84,64 |
Russie |
25,7% |
32,4% |
Union Europe (27) |
24,9% |
30,9% |
Turquie |
5,4% |
9,3% |
Egypte |
4,2% |
6,0% |
Kazakhstan |
3,6% |
3,4% |
La récession mondiale de 2008-2009 a de nouveau durement touché l’Ukraine. La production industrielle a d’abord chuté de 5% en 2008, puis de 22% en 2009, soit une diminution totale de plus de 26% sur 2 ans. A cela s’ajoute un déficit chronique du commerce extérieur qui va s’aggravant à partir de 2005. Déficit qui se trouve aggravé par le maintien de la parité à un niveau élevé de la monnaie nationale avec le Dollar. Ce qui est défavorable aux exportations.
Depuis 2009 la Russie vend son gaz au prix du marché international, et même au-dessus, exprimé en Dollars : finis les prix « fraternels ». Les entreprises et les banques sont lourdement endettées en devises étrangères – Dollars et Euros – et la moitié de la dette publique est libellée elle aussi en Dollars. Ce qui fait que pour ne pas alourdir la dette et ses factures gazières, la Banque Centrale ukrainienne maintient la parité de la monnaie nationale avec le Dollar à un niveau élevé, tout comme l’Argentine qui avant la crise de 2001 maintenait une parité fixe avec le Dollars.
Cependant ce maintien du Hryvnia – la monnaie ukrainienne – à un taux de parité élevé est défavorable aux exportations surtout en pleine récession mondiale et coûteux en devises.
Après
une forte reprise en 2010 et 2011, la seconde récession à l’échelle
internationale a entraîné en Ukraine une nouvelle chute de la
production industrielle en 2012 et 2013, avec une chute de
profitabilité des entreprises et des banques. La sortie de récession
des États-Unis fin 2013 avec l’annonce par la FED d’un arrêt
progressif du quantitative easing
(depuis septembre 2012 la FED rachète chaque mois pour 85 milliards
de Dollars d’hypothèques immobilières et de bons du trésor afin
de maintenir les taux d’intérêt bas, ce qui rend l’argent peu cher
et abondant) et l’annonce de la reprise économique de l’Union
Européenne, les capitaux quittent les pays émergents, les BRICS –
Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – pour se rapatrier
en Amérique du Nord et en Europe, ce qui fait plonger les devises de
ces pays et provoque une récession. L’Ukraine, tout comme la Russie,
n’y échappe pas.
La Banque Centrale ukrainienne en 2013 a dépensé des dizaines de milliards de Dollars pour maintenir la parité de sa devise, ce qui a asséché ses réserves. Depuis le début de l’année, malgré ces interventions et les restrictions drastiques sur les mouvements des capitaux, le cours du Hryvnia a baissé de 10%. La dévalorisation de la monnaie est bonne pour les exportations et freine les importations, tout en renchérissant cependant la dette libellée en Dollars ou en Euros. Le cours du capital, qu’il soit monétaire ou marchand, échappe totalement aux États et est, comme le marxisme l’a amplement démontré, totalement incontrôlable. Tout le cours historique du capitalisme soviétique, avec l’implosion finale de l’URSS – mettant un point final aux vantardises de la contre-révolution stalinienne – l’a amplement confirmé et la crise actuelle du capitalisme mondial, qui approche du dénouement, le démontre encore et de manière tragique.
Le résultat des courses c’est que, malgré un taux d’endettement publique relativement bas (43% du PIB, contre 90% pour la France et 127% pour l’Italie en 2012), les entreprises et l’État n’arrivent plus à se refinancer sur le marché international. Les taux d’intérêts sur les obligations publiques à court terme se sont envolés dans la semaine jusqu’à 34%, contre 5%, il y a encore un mois. Ceux à échéance à dix ans ont atteint 11,3% contre 8,5% en Janvier. Les réserves en devises de la Banque Centrale sont très basses et le déficit du budget de l’État, à cause de la récession, égale environ 5% du PIB. Bref en un mot l’Ukraine est au bord de la faillite et de la cessation de payement.
D’après le ministre des finances par intérim, Iouri Kolobov, l’Ukraine doit faire face à 12 milliards de Dollars de dette en 2014 : 4 milliards au FMI de la part de la Banque Centrale, divers titres et obligations en Euros qui viennent à échéance pour 2 milliards pour l’État et le reste des factures de gaz dues par la compagnie publique de gaz Naftogaz. D’après le même ministre, pour faire face à ses obligations, l’Ukraine aurait besoin pour 2014 et 2015 de 35 milliards de Dollars en tout, soit 25,5 milliards d’Euros.
Par deux fois l’Ukraine a dû faire appel au FMI. La première fois, sous le gouvernement Youchtchenko-Tymochenko, un accord avait été atteint pour un crédit de 16,4 milliards de Dollars en Novembre 2008. La deuxième fois sous le dernier gouvernement – celui de Viktor Ianoukovitch – un nouvel accord en 2010 avait été signé qui prévoyait un prêt de 15 milliards de Dollars.
A chaque fois ces accords prévoyaient un ensemble de mesures, dont la suppression des subventions des factures de gaz pour les entreprises et les particuliers. A chaque fois les gouvernements n’avaient pas appliqué ces mesures explosives dans une situation de crise économique. Le FMI avait alors cessé ses versements au bout de quelques mois.
De par sa situation géographique et ses liens commerciaux, l’Ukraine se trouve écartelée entre le grand « frère » russe et l’Union Européenne. Tout comme la Pologne et les Pays baltes l’Ukraine aimerait faire partie de l’Union Européenne dans l’espoir d’attirer les investissements qui lui sont nécessaires et donc d’avoir un accès plus facile au marché des capitaux.
De son côté l’Union dans cette situation de saturation mondiale ne peut que souhaiter une plus grande ouverture du marché Ukrainien, et les multinationales européennes – anglaises, allemandes, françaises – ne peuvent que saliver devant la perspectives d’investissements juteux dans un pays qui a une solide base industrielle avec des technologies de pointe en électronique et militaires et surtout une main d’œuvre hautement qualifiée avec des salaires à la chinoise.
Seulement cette intégration ou simplement ce rapprochement avec à la clé un prêt de 20 milliards d’Euros, comme l’avait fait miroiter l’Union Européenne, a un prix : une restructuration économique, des coupes sombres dans les dépenses publiques, dont notamment la suppression des subventions pour la consommation du gaz, et peut être le plus facile, un système juridique conforme au besoin des affaires, c’est-à-dire un système juridique prévisible, sans arbitraire.
Après on connaît la suite : devant les espoirs déçus d’une partie des couches moyennes, dont des petits entrepreneurs, avec le soutien discret d’une partie des oligarques qui font leur beurre avec l’Europe et sûrement quelques agitateurs professionnels financés par l’impérialisme européen ou des États-Unis – comme aujourd’hui le fait l’impérialisme russe en Crimée et dans certaines régions frontalières – la place Maïdan fut occupée, puis après 2 à 3 mois d’affrontements avec la police et les forces spéciales, le gouvernement s’effondra, comme durant le « printemps arabe » en Afrique du Nord.
Comme dans bien d’autres régions du monde, la crise mondiale du capitalisme a mis les classes en mouvement, mais à la différence de la Tunisie et de l’Égypte, où le prolétariat a joué un rôle moteur, notamment à travers tout un réseau d’organisations syndicales qui sut organiser une grève dure et longue, là le prolétariat était totalement absent. Un certain nombre de prolétaires ont sûrement pris part à la manifestation, mais ils étaient totalement noyés dans la masse et ne se distinguaient en rien des revendications purement bourgeoises de la place Maïdan.
La grande masse du prolétariat a sûrement compris instinctivement, que ce soit d’un côté ou de l’autre, que ce qui les attendait n’avait rien de bon.
Les petits États, surtout lorsqu’ils sont en difficultés, sont les proies faciles des grands États impérialistes. Qui va manger l’Ukraine, la Russie, ou à travers l’Union Européenne, les États-Unis ?
La Russie n’a pas les moyens d’absorber l’Ukraine et elle ne peut pas empêcher son rapprochement avec l’Europe. La Russie contemporaine n’a plus rien à voir avec l’URSS, qui, avec les États-Unis, partageait la domination du monde. Que pèse aujourd’hui la Russie, sans l’Ukraine, les Pays-baltes et l’Europe centrale ? Si l’on se réfère à la production d’électricité, comme reflet de la puissance industrielle, en gros, d’après les données de 2007, avant la grande crise de 2008-2009, son poids mondial est de 5,1%, contre 21,7% pour les États-Unis et 16,5% pour la Chine. L’Allemagne à l’aune de la même mesure pèse 3,2%. La Russie est une grosse Allemagne avec des dents en forme d’ogives nucléaires, mais une grosse Allemagne, ni plus, ni moins. En aucun cas elle ne peut prétendre rivaliser avec les États-Unis, cela est définitivement fini depuis longtemps.
Le vrai challenger des États-Unis, c’est la Chine. La bourgeoisie chinoise se prépare à prendre la place de l’impérialisme américain. Elle compte pour cela sur le temps. Avec des rythmes de croissance industrielle officiels de l’ordre de 9-10%, mais en réalité sûrement plus proche de 5-6%, elle compte rattraper, puis dépasser les États-Unis et produire plus d’armes que ces derniers ne pourront en produire. Ce que la bourgeoisie chinoise oublie, comme toutes les bourgeoisie, c’est la crise de surproduction. Une formidable crise de surproduction menace la Chine, une crise dont l’intensité sera au moins égale à celle de 1961-62, sinon supérieure.
Le problème n’est pas de savoir si la crise aura lieu, mais quand ? Avant la fin du cycle en cours dont on prévoir la fin pour 2017 au plus tard, ou avant ? Dans tous les cas cette gigantesque crise de surproduction sera le point de départ d’une crise mondiale avec déflation dont l’intensité sera supérieure à celle de 1929.
L’intervention militaire de la Russie en Crimée et ses bruits de bottes aux frontières de l’Ukraine est la preuve de sa faiblesse. Les États-Unis n’ont pas envoyé de navires de guerre en mer noire, ni ne font pression sur un autre théâtre d’opération, comme la Syrie. Cela montre deux choses.
1° Que les conditions pour un troisième conflit mondial, malgré les bruits de bottes récurant que l’on peut entendre en Extrême Orient au Moyen Orient et maintenant en Europe, ne sont pas encore mures. Il y a quelques semaines encore des navires de guerre chinois ont tiré des coups de semonces contre des navires de pêches philippins ; en effet la Chine revendique comme sienne toute la Mer de Chine et tout l’espace aérien : c’est comme si l’Iran revendiquait tout le Golf Persique et l’espace aérien correspondant, et exigeait des autres riverains qu’ils fassent une demande d’autorisation avant tout usage de cet espace. Avant l’on aura une grande crise mondiale du capitalisme qui ramènera le prolétariat sur la voie de la lutte de classe et ensuite se posera l’alternative : 3èm guerre mondiale ou Révolution Communiste Internationale.
2°
Les États-Unis comptent non pas sur la force militaire pour faire
plier la Russie, mais sur une arme tout aussi puissante, celle du
capital financier. C’est la même arme qu’ils avaient utilisé en
1956, lors de l’intervention militaire anglo-française au Caire et à
Suez. Les deux compères se croyaient encore les maîtres du monde,
mais sous la pression financière américaine ils ont dû rapidement
plier bagage et rentrer à la maison, même si sur le terrain la
conquête avait été évidement facile. On peut imaginer la rage de
la bourgeoisie française et ses sentiments alors anti-américains.
La Russie non seulement subit la crise internationale, mais aussi comme les autres pays « émergents » elle doit faire face à un reflux des capitaux. Si bien que la production industrielle a stagné en 2013 et qu’une récession s’annonce pour 2014.
« (...) la Russie a enregistré l’an passé une croissance d’à peine 1,4% [du PIB] (contre 3,4% en 2012, loin des 7% de la décennie 2000 et des 5% promis par le président Poutine en 2012) et les autorités espéraient obtenir un rebond à 2,5% en 2014. La banque centrale a déjà douché ces espoirs, revoyant à la baisse ses prévisions : moins de 2% par an jusqu’en 2016 au moins. En cause, notamment, le manque d’enthousiasme des investisseurs étrangers, faute de réelle diversification industrielle, de programme concret de privatisations, d’un bon climat des affaires et d’un système judiciaire transparent » (“ Les Échos ” du 4 Mars 2014).
Cette situation entraîne une dévaluation du rouble qui se trouve encore aggravée par les gesticulations militaire de la Russie : ainsi après l’annonce d’une possible intervention militaire en Ukraine, l’Euro a dépassé le seuil symbolique des 50 roubles, du jamais vu, et le Dollar a dépassé son record de 2009 avec 36,85 roubles pour 1 Dollar. La Banque Centrale pour contrecarrer le mouvement a dû inopinément passer son taux directeur, le taux qui règle celui des emprunts inter-bancaires, de 5,5% à 7%!
En cas d’embargo sur les investissements en Russie, comme le secrétaire d’État américain John Kerry l’a laissé entendre, le capitalisme russe serait durement touché. Un certain nombre de banques risquerait sûrement la faillite. Aussi dans un geste d’apaisement Poutine a t-il fait arrêter les manœuvres militaires aux frontières de l’Ukraine. Parallèlement à l’occupation de la Crimée, la Russie avait lancé de vaste manœuvres militaires aux abords de la frontière Ukrainienne, laissant planer la menace d’une invasion de toutes les régions Est de l’Ukraine. Bien que ces troupes soient rentrées dans leurs casernes, Poutine se réserve toujours le droit d’intervenir militairement dans le reste de l’Ukraine. Comme l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 ou de la Hongrie en 1956.
Il ne fait pas de doute que des négociations sont en cours. Que veut l’ours russe ? Sécuriser sa base navale en Crimée, que l’Ukraine n’intègre pas l’OTAN, et donc l’Union Européenne et que le gouvernement à Kiev ne soit pas anti-russe.
Sur ce dernier point tous les gouvernants ukrainiens successifs, y compris ceux qui semblaient les plus philo-occidentales, se sont montrés très pragmatiques et conscients de la réalité géopolitique. Ça été le cas lorsque l’égérie de la « révolution orange ». La bourgeoisie et ses propagandistes, comme n’importe quel camelot, pour vanter sa marchandise met le mot révolution à toutes les sauces. Et la montagne ensuite accouche d’une souris. Ioula Tymochenko était premier ministre, alors qu’elle passait pour philo-occidentale. C’est elle qui a négocié avec les Russes le nouveau contrat du gaz, qui par la suite a été considéré par Ianoukovitch – le président déchu qui s’est enfui en Russie – comme leur étant trop favorable.
Pour ce qui est de l’intégration de l’Ukraine à l’Europe, ce que l’Union Européenne a proposé jusqu’ici c’est un partenariat. Par contre si la Crimée devait être prise de force, comme cela s’annonce, il ne fait pas de doute qu’à plus ou moins long terme l’Ukraine sera intégrée à l’Europe et à l’OTAN.
Cependant ni l’Europe, ni la Russie ne peuvent supporter une Ukraine en faillite, cela poserait des problèmes aux deux entités. Si l’Ukraine cessait ses remboursements par défaut de payement, les banques publiques russes qui ont lourdement investi en Ukraine seraient lourdement touchées. Sur ce point Russes et Européens ont intérêt à trouver un accord. Le moyen de rétorsion de la Russie, c’est le gaz, mais ce moyen a des limites car il revient à tuer la poule aux œufs d’or.
La Russie ne pourra pas continuer longtemps à utiliser l’arme du gaz. La production du gaz de schiste aux États-Unis a bouleversé le marché de l’énergie. En devenant indépendant du point de vue énergétique et gros exportateur de charbon, les États-Unis ont fait baisser le prix de l’énergie et obligé ses anciens fournisseurs à trouver d’autres débouchés. D’autre part l’essor du gaz naturel liquéfié qui permet son transport en grande quantité par mer sur de longues distances, change là aussi la donne. L’Europe consomme 485 milliards de m3 de gaz, dont 160 proviennent de Russie. D’ici 10 ans une bonne partie de ce gaz sera remplacé par du GNL (gaz naturel liquéfié). Et dans le cas présent si la Russie devait utiliser cette arme, qui rappelons-le est à double tranchant, l’Europe pourrait s’approvisionner auprès du Qatar, de l’Australie et du Canada.Dans ce bras de fer, tout est de savoir jusqu’où les Américains sont prêts à aller. Iront-ils jusqu’à organiser un embargo des investissements en Russie, au cas où cette dernière refuserait de quitter la Crimée ? La Chine, qui jusqu’ici soutient modérément la Russie, pourrait dans une certaine mesure prendre le relais. Mais cette « aide » aura un prix, la bourgeoisie chinoise prêtera à condition de pouvoir faire main basse sur les ressources minières de la Sibérie et la technologie de pointe russe. De son côté les États-Unis devront convaincre la City, qui recycle une partie de la rente russe engrangée par la vente du gaz et du pétrole, de participer à l’embargo.
Les États-Unis peuvent avoir intérêt à ne pas trop enfoncer la Russie afin de ne pas se retrouver seul avec la Chine.
L’on ne peut faire que des suppositions et remarquer que jamais aucune solution ne sort de tous ces marchandages entre les différents États impérialistes, mais au contraire le plus souvent l’on a un pourrissement de la situation. Regardez la situation à Chypre.
Dans tous les cas le prolétariat ukrainien n’a rien à attendre de l’un ou l’autre camp. Mais seulement des larmes, du sang et de la précarité. Si une reprise industrielle se confirme à l’échelle mondiale dans les grands pays impérialistes, celle-ci sera très modérée et se fera au prix d’une plus grande paupérisation et d’une plus grande précarité du prolétariat, tant dans l’industrie que dans les services. Au Japon 30% de la force de travail est précarisée et paupérisée, en Allemagne c’est 20%, en France, d’après les données de l’INSEE, en 2010 les travailleurs précaires et pauvres représentaient 15% de population active. Depuis il ne fait pas de doute que ce chiffre a augmenté pour se rapprocher des 20%.
La bourgeoisie européenne a bien conscience qu’elle ne peut pas appliquer brutalement à l’Ukraine les recettes qu’elle a servies à la Grèce et à l’Espagne, elle sera obligé d’y aller mollo. Mais même servi en douceur, c’est le prolétariat ukrainien qui payera la facture.
Voici d’ailleurs ce que disait dans un interview, Erik Berglof, économiste en chef de la BERD – la Banque européenne pour la reconstruction et le développement – « Un pays comme l’Ukraine qui a pour lui une économie diversifiée, une force de travail éduquée, doit consentir à ces efforts pour susciter la confiance des investisseurs ». C’est assez clair.
Ces tensions militaires croissantes, tant en Mer de Chine, qu’au Moyen Orient ou en Europe, sont les prolégomènes de la future guerre mondiale, vers laquelle inéluctablement les différents États impérialistes sont poussés par la crise du capitalisme mondial. Lorsque les conditions seront mûres une étincelle suffira pour mettre le feu aux poudres. Malheur si les premiers missiles partent et que le prolétariat soit encore une fois incapable d’arrêter la guerre, ou l’arrête trop tard, comme en 1918.
Si la guerre devait éclater avant toute révolution, la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile serait difficile, mais pas impossible.
Par contre si la 3èm guerre mondiale devait aller à son terme, non seulement la planète serait un champ de désolation et de ruines avec peut-être 1 milliard de morts, mais toutes les conditions seraient réunies – les conditions de vie du prolétariat étant ramenées en dessous du minimum vital – pour que le capitalisme mondial recommence un cycle d’accumulation. Le centre de gravité économique étant déplacé dans le Pacifique, la vieille Europe qui n’aurait pas su accoucher de la société communiste, n’aurait plus qu’a prendre sa retraite.