Parti Communiste International |
En 1914, l’attentat de Sarajevo donna prétexte à tous les États bourgeois pour déclencher la première guerre impérialiste mondiale, prévue par Friedrich Engels deux décennies auparavant. Comme il l’avait anticipé dans ses prévisions cette guerre mobilisa des millions d’hommes, pour n’aboutir à aucun résultat, sinon à une immonde boucherie. Fidèle à la ligne politique et doctrinale de Marx-Engels, les socialistes d’extrême gauche – Lénine, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht et le courant révolutionnaire du parti socialiste italien – dénoncèrent vigoureusement le caractère impérialiste et contre-révolutionnaire de cette guerre, pur produit des contradictions du capitalisme, pour lequel elle était une nécessité afin de détruire la gigantesque surproduction de marchandises et repartager le monde en fonction du nouveau rapport de force entre les États. Cette guerre visait aussi à envoyer au massacre les jeunes générations de prolétaires, qui dans tous les pays, conscients de leur puissance de classe, menaçaient les États bourgeois.
Cependant dans aucun pays d’Europe la classe ouvrière ne réussit à s’opposer à la guerre et fut contrainte d’aller au front par la trahison ouverte des partis socialistes qui participèrent directement à l’organisation de cette guerre. En une semaine ces derniers abandonnèrent toutes les consignes de guerre de classe, renversant la doctrine et passèrent avec armes et bagages à l’ennemi en se faisant les chantres au sein du prolétariat du patriotisme et du militarisme, le livrant poings et pieds liés à son ennemi, la bourgeoisie.
La réaction à cette trahison des vieux partis socialistes, devenus réformistes et social-chauvins, fut la scission et la formation de nouveaux partis révolutionnaires et communistes dans toute l’Europe. Mais à part la Russie où une forte opposition à la guerre impérialiste s’organisa très tôt, ils ne purent avoir d’influence importante qu’une fois passée la tourmente de cette longue et sanglante guerre. De généreux soulèvements d’ouvriers déterminés, bien souvent armés et organisés, eurent lieu en 1919, en particulier en Allemagne et en Italie. En conséquence de la poussée révolutionnaire du Prolétariat, un nouveau sommet de clarté programmatique et doctrinale fut atteint avec le Second Congrès de l’Internationale Communiste en 1920 et lors de la fondation du Parti Communiste d’Italie à Livourne en 1921. Mais la fondation des partis communistes arriva trop tard pour diriger efficacement un prolétariat dont la grande masse restait encore prisonnière de l’influence social-démocrate. En Italie et en Allemagne le Prolétariat ne fut pas désarmé et défait par le fascisme, mais par la sociale-démocratie réformiste, électoraliste et social-pacifique.
Il n’y a qu’en Russie, où existait bien avant la guerre un Parti Communiste bien enraciné dans la classe ouvrière avec une solide base doctrinale et programmatique, qu’il fut possible au Prolétariat de transformer la guerre impérialiste en guerre civile, de renverser la classe dominante et son État et d’instaurer la dictature du Prolétariat. Le point faible du pouvoir communiste en Russie était l’absence d’une base économique suffisante pour passer au socialisme. Le prolétariat en Russie avait prit le pouvoir en alliance avec les paysans qui représentaient le bourgeois radical. Les Bolchéviques et le prolétariat russe qui constituait une minorité avaient besoin d’un contre-poids socialiste à la paysannerie. Ce contre-poids c’était le Prolétariat révolutionnaire d’Europe de l’Ouest. La Révolution russe devait constituer la tête de pont de la Révolution Communiste Européenne. Quand la perspective révolutionnaire s’éloigna en Europe, Lénine posa l’hypothèse de tenir 20 ans, le temps de développer les bases économiques du socialisme, c’est-à-dire de développer le capitalisme d’État dans les villes et le capitalisme privé dans les campagnes avec l’électrification et l’organisation des paysans en coopératives. Et ensuite on aurait eu rupture de l’alliance avec la paysannerie, dont une bonne partie serait devenue entre temps des travailleurs salariés, c’est-à-dire des prolétaires, et passage au socialisme sous la dictature du prolétariat.
Dans les autres pays, la crise de l’après guerre passée et le pouvoir étatique maintenu en place grâce à la sociale-démocratie, la bourgeoisie s’appuya sur la reprise économique et la défaite des assauts du prolétariat révolutionnaire pour renforcer son emprise idéologique, morale et politique sur la société et en particulier sur la classe ouvrière. La défaite et le reflux révolutionnaire en Europe de l’Ouest pesa lourdement sur le jeune État russe et renforça l’influence des éléments petits bourgeois qui constituaient l’immense majorité de la société russe, modifiant ainsi le rapport des forces politiques en Russie. Un nouvel opportunisme se développa, d’abord au sein de l’État puis du parti, qui se faisait fort de développer le socialisme en Russie en baptisant de socialisme ce qui n’était rien d’autre que du capitalisme d’État. C’est ainsi que dégénéra dans le Stalinisme le Parti Bolchévique, mais non pas sans lutte acharnée de la part de tous ceux qui étaient restés sur les positions programmatiques du Communisme.
Depuis le reste du siècle a été caractérisé par le triomphe de la contre-révolution : seule la Gauche Communiste italienne, qui dans le second après guerre a fondé le Parti Communiste International, a su en reconnaître la nature et la forme, en tirer les leçons et en prévoir la fin. En dehors du Parti, le poids séculaire de la contre-révolution et la domination dans tous les domaines de la bourgeoisie a effacé de la mémoire collective du prolétariat toutes références, non seulement aux postulats les plus élémentaires de la doctrine marxiste, mais le but historique de classe du Prolétariat : le Communisme, c’est-à-dire l’abolition du capitalisme et le passage à une société sans classe qui ne sera plus fondée sur la loi de la valeur et le profit.
Entre temps, contraint par ses propres lois, le capitalisme a continué à se développer sur une échelle toujours plus gigantesque, portant ses contradictions à un nouveau paroxysme, accumulant toujours plus de richesses à un pôle et de misère à l’autre, ce qui le conduisit à une nouvelle grave crise de surproduction en 1929, puis en 1938. De nouveau il a dû recourir à un massacre mondial pour remettre à zéro ses compteurs passés au rouge. L’État russe, désormais pleinement capitaliste et impérialiste a jeté ses prolétaires dans la fournaise présentée comme une guerre démocratique. Piétinant les indications de Lénine de saboter la guerre capitaliste et de la transformer en guerre de classe, les Partis staliniens trahirent le prolétariat international comme les partis socialistes en 1914.
En l’espace d’un siècle, le capitalisme dans sa course folle a rompu tous les obstacles à sa croissance, avec les révolutions bourgeoises des peuples de couleur, il a fait le tour du monde, révolutionnant des Empires millénaires et des sociétés patriarcales. Si bien qu’aujourd’hui ses rapports de production que sont le salariat et le capital, base de toutes société bourgeoise, et ses revendications de liberté de commerce et individuelle (la liberté de se vendre) sont partout reconnus comme « naturels ». La Chine est devenue un puissant État capitaliste et vise à devenir le plus puissant impérialisme mondial. Le capitalisme de nouvelles grandes nations presse de près les vieux centres impérialistes, qui fondent désormais leur force sur leur puissance financière révolue.
Une révolution est ainsi advenue dans la plus grande partie du Monde : la petite production des paysans et des artisans a été ruinée et ces derniers ont été prolétarisés, c’est-à-dire transformés en travailleurs salariés qui sont allés s’entasser dans de monstrueuses agglomérations. Pour ceux qui ont trouvé du travail, leur conditions de vie se sont améliorées. De même en Occident dans l’après guerre, pour une brève période, une partie du prolétariat a obtenu d’éphémères avantages de l’expansion sans frein du capitalisme mondial. Mais aujourd’hui, sur tous les continents le capitalisme est en crise, et se trouve face à une gigantesque classe prolétarienne.
Depuis 2008 le capitalisme se trouve de nouveau précipité dans une terrible crise de surproduction et n’arrive plus à continuer sa monstrueuse expansion, sans laquelle il ne peut survivre. Dans la guerre commerciale pour la conquête des marchés engorgés de marchandises et pour lutter contre la baisse inexorable du taux de profit, s’impose la réduction des coûts de production et en particulier celui de la force de travail. Aussi l’on assiste partout à une attaque générale contre les travailleurs pour réduire les salaires, directs ou indirects – les cotisations sociales du patronat – pour allonger la durée de travail sans augmentation de salaire, et pour repousser l’âge de la retraite, avec pour conséquence une augmentation du chômage.
Dans cette guerre sociale, le prolétariat se rend compte qu’il ne dispose pas de ses meilleurs armes : il n’a pas un vrai syndicat de classe pour se défendre et il ne dispose pas d’un parti révolutionnaire pour le guider. Dans les faits presque tous les syndicats de tous les pays ont désormais accepté les dogmes de la bourgeoisie, de productivité, de concurrence entre les entreprises, de solidarité nationale ; et les soi-disant partis ouvriers se vantent de leur patriotisme et de leur fidélité à la démocratie, qui n’est rien d’autre que le masque derrière lequel se cache la dictature du capital. Aucun d’entre eux ne revendique la défense inconditionnelle de la classe ouvrière, sinon dans les limites permises par les lois économiques du capital. La reprise en grand de la combativité et de la force du prolétariat se fera à travers la renaissance de vrais syndicats de classe et la redécouverte du programme révolutionnaire, tel qu’il est formulé par le marxisme authentique de gauche, et dans le ressurgissement d’un Parti Communiste Mondial qui en sera la vivante expression !
La crise économique mondiale de surproduction, qui depuis déjà 6 ans ne donne toujours pas de signes de sortie, exaspère la concurrence entre les anciens États impérialistes et entre ces derniers et les nouveaux venus. Et ce n’est pas la spéculation boursière ou les manœuvres plus ou moins frauduleuses du capital financier, ni les interventions des banques centrales qui peuvent résoudre la crise. Ils peuvent seulement la reporter en accroissant la dette privée des familles et des entreprises et la dette publique des États, préparant le terrain à une nouvelle crise financière.
Tous les régimes bourgeois savent que seule la guerre peut permettre, grâce aux destructions massives de biens et aux massacres de prolétaires en ramenant leurs conditions de vie au minimum vital, de recommencer un cycle historique d’accumulation du capital. C’est la leçon qu’ils ont tirée de la dernière guerre mondiale. Et ils s’y préparent : L’affrontement actuel sur la question ukrainienne entre la Russie et les États-Unis en est une preuve. Mais l’on peut citer aussi les bruits de bottes récurrents en Extrême orient et la course aux armements. Sans parler des guerres au Moyen-Orient. La guerre se rapproche de la vieille Europe, terre natale du capitalisme, de son idéologie et de ses révolutions, mais aussi de la classe ouvrière, de son originale et profonde doctrine marxiste et des ses premières victoires, même si elles furent éphémères.
La crise est avant tout une crise de la société bourgeoise, une crise du mode de production capitaliste, qui a épuisé tout caractère progressiste et est devenu un poids inutile sur les épaules de l’humanité travailleuse contrainte à un effort accru et à une précarité et une insécurité croissante à seule fin d’augmenter le taux de profit.
La bourgeoisie ne renoncera jamais à ses sordides privilèges de classe sans y être contrainte par la force ; elle préférera la guerre. Le prolétariat mondial doit affronter la bourgeoisie, d’abord sur le terrain économique en s’organisant dans de vrais syndicats de classe, puis sur le terrain politique, en opposant à la guerre entre les États la guerre révolutionnaire de classe, en étant encadré et dirigé par son parti de classe, unitaire et discipliné, le Parti Communiste International.
Nous ne savons pas quand prendra fin l’agonie de la bête capitaliste, mais nous avons appris de l’expérience de la guerre de 14, que les organes de la révolution, le Parti, même si il reste minoritaire, et les syndicats doivent se préparer suffisamment à l’avance, bien avant que n’éclate la crise révolutionnaire, pour pouvoir être reconnus et utilisés par le prolétariat. Ainsi travailler dès aujourd’hui, en pleine contre-révolution, à la formation de l’organe politique et aux organes défensifs de la classe ouvrière, c’est préparer la Révolution et le Communisme.