Parti Communiste International

Les Syndicats de Base en Italie, en dehors des centrales du regime

 

Mars 2018

La ligne syndicale de notre parti affirme la nécessité de l’unité syndicale, et le fait que les syndicats de régime actuels ne peuvent plus être reconquis par les communistes et ne sont plus désormais que des collaborateurs patronaux. Il s’agit aujourd’hui de créer de nouveaux syndicats, véritable expression de la lutte de classe, où les militants de notre parti peuvent être présents. En dehors et contre des syndicats officiels, telle est désormais notre position.

Les premières ébauches de syndicats « nouveaux » surviennent avec les crises économiques de 1975 suivie de celle de 1979-80, et leurs cortèges d’attaques patronales contre les salaires et les conditions de travail des salariés. Les nouvelles organisations, qui se forment en dehors (et contre) des grandes centrales légalisées afin de défendre véritablement les droits des salariés, sont les « coordinations » de salariés créées d’abord localement au niveau de l’entreprise. En 1978, l’ Italie connut ainsi une grande grève dans le secteur de la Santé durant un mois, organisée par une coordination hospitalière qui existait déjà depuis plusieurs années (cf Il Partito 1978, n° 1157). En France, des tentatives surgirent après la grande grève des métallurgistes en 1979 avec l’apparition en 81 d’un syndicat de lutte des travailleurs d’Usinor Dunkerque (métallurgie), des formations de comité de grève à l’usine Citroën en 1982, les Coordinations dans la lutte des cheminots de l’hiver 86-87 et la grande grève de la Santé d’octobre 1988 (cf La Gauche communiste 1989, n°16-17). Mais l’existence de ces coordinations fut en France éphémère et ne résista pas à la fin des luttes. Aujourd’hui à la pointe des luttes syndicales, « émoussées » dans le contexte actuel, se trouve principalement la grande centrale Cgtiste, qui derrière une phraséologie de luttes de classe, masque son rôle de « pompier » dans les combats des travailleurs, et de serviteur des intérêts bourgeois.

De son côté l’ Italie connaît, depuis les années 1980 et ses multiples grèves, la naissance de « syndicats de base » nés de leur opposition à la ligne réformiste des trois grandes centrales syndicales 1 qui avaient et ont encore le monopole du « dialogue social » et qui ont conduit à la défaite dramatique des luttes des travailleurs comme ceux de la FIAT. Ces syndicats de base, comme l’ USB, les comités de base ou CoBas, nés d’abord dans l’enseignement puis dans la Santé, les chemins de fer, les aéroports, et quelques grandes entreprises etc.., perdurent aujourd’hui.

Cet article est paru dans notre organe italien Il Partito Comunista n°384 juillet-août 2017 sous le titre : « L’USB al suo secondo congresso nationale ». Nous le complétons avec des faits plus récents. Il s’agit ainsi d’évoquer le travail de nos militants en Italie pour tenter d’appliquer au sein de ces syndicats de base la ligne du parti. Dans cet article, les différents syndicats de base nés en Italie, et leurs vicissitudes y sont décrits. Et de plus le contexte actuel est celui de l’attaque du droit de grève dans certains secteurs, attaque menée de front par le gouvernement italien et les trois gros syndicats confédérés qui seraient les seuls à pouvoir proclamer une grève. La loi vise donc principalement à se débarrasser des syndicats de base. L’unité syndicale est donc véritablement à l’ordre du jour.

 


1- Une brève histoire des syndicats de base

 

Comités de base ou CoBas (Comitati di Base), Union Syndicale de Base ou USB (Unione Sindacale di Base), Confédération Unitaire de Base ou CUB (Confederazione Unitaria di Base), et autres syndicats de base

L’ Union syndicale de base ou USB (Unione Sindacale di Base) est née en 2010 de l’union entre le tronc consistant des Représentations Syndicales de Base ou RdB (Rappresentanze Sindacale di Base), prévues par la loi et constituées à l’initiative des travailleurs dans chaque unité de production, le petit Syndicat des Travailleurs ou SdL (Sindacato dei Lavoratori), et des groupes minoritaires de la Confédération Unitaire de Base ou CUB (Confederazione Unitaria di Base). Les RdB, la plus importante composante de l’ USB, se sont formés au début des années 1980, et organisaient surtout les travailleurs du secteur public. La CUB est née en 1992, à la suite de l’expulsion par la Confédération Italienne des Syndicats de Travailleurs (CISL ou Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori ; 2ème centrale italienne après la CGIL) de son courant minoritaire de gauche. Implantée dès son origine dans le secteur privé, cette organisation conclut un pacte fédératif avec les RdB, formant la RdB-CUB, établissant ainsi un syndicat de base présent dans les deux secteurs, privé et public.

Les autres syndicats de base importants, et qui apparurent les premiers, furent les Comités de Base ou CoBas (Comitati di Base) formés en 1986 parmi les travailleurs des écoles auto organisés localement (CoBa- S : Comitato di base della Scuola qui organisèrent de nombreuses grèves en 86-87) et qui en constituent encore sa principale base -, puis à partir de nombreuses catégories comme dans les chemins de fer (grande grève des cheminots italiens en juillet 1987). Ces CoBas s’organisèrent en une Conféderation italienne de Base (Confederazione italiana di Base) de l’école et intercatégorielle, et le SLAI CoBas ou SI CoBas (Sindacato dei lavoratori autoorganizzati intercategoriale) né en 1993, présent dans quelques grosses usines de métallurgie, comme l’Alfa Romeo de Arese, celle de Pomigliano, la FIAT de Termoli, et la Sevel de Atessa.

Lors d’une tentative pour unifier les actions de ces diverses organisations, pas encore prêtes à s’unir sur le plan organisatif, la RdB-CUB, la Confederazione Cobas et le SdL organisèrent une assemblée nationale le 17 mai 2008 qui amena en septembre la constitution d’un « Pacte de Consultation Permanente Nationale », et plus tard, durant une seconde assemblée le 7 février 2009, au « Pacte de Base ».

Cependant trois mois plus tard, le 22 mai 2009, une nouvelle assemblée nationale de la RdB-CUB sanctionnait la scission entre les deux tronçons dont la soudure ne s’était jamais vraiment réalisée, soit le groupe historique dirigeant de la CUB qui ne participa pas à l’initiative, tandis que celui de la RdB lançait à l’assemblée le mot d’ordre de « Syndicat métropolitain » (cf Il Partito Comunista mai-juin 2009 n° 335 : « marcia indietro : il sindacato metropolitano »).

Cette assemblée sera la prémisse de la naissance un an plus tard, le 23 mai 2010, de l’ Union Syndicale de Base ou USB.

La constitution de l’ USB était considérée par ses leaders comme une étape décisive vers l’objectif d’unifier le syndicalisme de base, en le dépassant sur le plan qualitatif, avec le passage à la construction d’un véritable syndicat de classe, confédéral et « de masse ».

Cependant les choses n’allèrent pas dans ce sens. La formation de l’ USB avait certainement unifié une partie des syndicats de base, mais au prix d’une sérieuse rupture avec la partie restante. En effet, en ce qui concerne l’objectif d’unifier le syndicalisme de base, cela a été un pas en arrière.

Aussi parce que, si l’USB n’est donc pas encore le syndicat de « masse », organisé et puissant, comme sa direction voudrait le faire croire, le reste du syndicalisme de base n’étant pas si distant, sur le plan des forces, de l’ USB. Ceci a été démontré en pratique par plusieurs luttes dans un certain nombre de secteurs et de catégories différentes, par exemple dans les télécommunications, parmi les travailleurs des chemins de fer, à l’ Alitalia, dans le commerce (IKEA), à la FIAT ou FCA (ou FIAT-Chrysler Automobiles). Et sans oublier le secteur de la Logistique, où la présence USB est petite comparée à celle de SI Cobas (Syndicat Intercatégoriel), et comparable à celle des ADL Cobas (Associazione per i diritti dei lavoratori Cobas), autre syndicat de base présent dans le secteur.

Tout cela signifie que l’USB doit nécessairement établir des relations avec ces syndicats pour mener une action commune. Mais la position de la direction USB, qui considère que le syndicalisme de Base est un résidu en voie d’extinction, ne peut être qu’un obstacle à la réalisation de cet objectif, dommageable pour le renforcement général du mouvement ouvrier.

Le dernier exemple flagrant de ceci était la non-participation de l’USB à la grève générale nationale des Transports et de la Logistique le 16 juin 2016 ; une grève promue - quelque chose d’autant plus positif que cela est rare - par tous les autres syndicats de base.

L’ union des actions de lutte, déjà difficile au niveau de l’entreprise et de la catégorie, s’est avérée ensuite impossible au niveau confédéral, et ceci depuis 2010, les directions nationales de USB et CUB se refusant à coordonner des grèves unitaires.

Le bilan de l’unification du syndicalisme de base, depuis la formation de l’USB, n’est donc pas positif. Feindre que le problème n’existe pas, en qualifiant avec arrogance le reste du syndicalisme de base comme étant résiduel, et en essayant de faire croire que l’USB toute seule peut défendre les travailleurs et s’opposer aux syndicats tricolore patriotiques et au régime des patrons, ne prend pas en compte l’équilibre réel des forces et constitue une grave erreur.

Il est donc nécessaire de faire un pas en arrière, d’abandonner le clairon prétentieux de l’ organisation et reconstruire avec patience et obstination une coordination avec les autres syndicats de base ; ceci dans le but d’affronter les batailles de plus en plus difficiles, et en premier lieu celle qui s’annonce déjà pour la défense de la liberté de grève.
Depuis sa fondation, l’USB a augmenté de façon appréciable sa présence dans le secteur privé : dans le commerce, la logistique, parmi les travailleurs agricoles et aussi parmi les ouvriers métallurgistes.

Ceci est en partie dû au flux continu de forces provenant de la CGIL (Confederazione Generale Italiana dei Lavoratori, la plus grosse fédération syndicale italienne 2) vers l’USB, à la fois de la direction et des entreprises. Les épisodes les plus importants à cet égard ont été le passage de la Fiom (syndicat des métallurgistes au sein de la CGIL) à l’USB, en juin 2016, du porte-parole national du groupe minoritaire de gauche dans la CGIL, « Le syndicat est bien autre chose » (son nom en italien est : « Il sindacato è un’altra cosa »), avec à sa suite une minorité de ce courant, et enfin le passage un an plus tard, quelques jours avant la fin du second congrès, des trois quarts du secrétariat et de la majorité de la Direction provinciale Fiom de Trieste, l’unique en Italie à avoir été contrôlée par « Le syndicat est bien autre chose », après le XVIIème Congrès de la CGIL et depuis la signature du nouveau CCNL (Contratto collettivo nazionale di lavoro) de la métallurgie en novembre 2016.

Cette transfusion de forces est survenue – en particulier parmi les métallurgistes – en raison également de l’adhésion en mai 2015 de l’ USB au Texte Unique sur la Représentation ou TUR (Testo Unico sulla Rappresentanza) 3 : dégoûtés et désillusionnés par la soumission croissante de la CGIL aux intérêts des patrons, certains de ses leaders, délégués et militants, ont décidé de rejoindre, parmi les différents syndicats de base, l’USB, optant pour celui-ci tant parce que c’est le syndicat relativement le plus solide au niveau organisationnel, que parce qu’en adhérant à l’USB, ils pourraient continuer de faire partie des RSU ou Représentations Syndicales Unitaires (Rappresentanze Sindacali Unitari), un des deux types d’organisation de Représentation de Syndicat qui existent au niveau de l’entreprise 4, et poursuivre une activité syndicale qui reconnaît la nécessité de la lutte et que celle-ci est indissociable de la reconnaissance syndicale - le droit en conséquence d’être assis aux tables de négociations de l’entreprise et de jouir des soi-disant acquis syndicaux -, même au prix de la coercition sur la liberté de grève que comporte l’application du TUR.
En effet, adhérer au TUR est une stratégie risquée : cela pourrait payer en termes de gain de membres et de conquêtes de RSU, mais il place le syndicat sur un plan glissant où sa croissance se ferait aux dépens de l’activité de concertations. Bien que cela ne soit pas inéluctable, c’est un danger réel qui ne doit pas être sous-estimé et encore moins ignoré.

Et on peut rappeler à ce propos que l’adhésion au TUR fut aussi le résultat d’un manque de détermination de la part des directions des syndicats de base - en particulier de la CUB et de l’USB -, à promouvoir une action de lutte unitaire. Chacune de ces organisations agissant en leur nom, en suivant leur propre chemin et leurs propres choix.
L’adhésion au TUR est devenue la principale arme polémique utilisée par la direction de la CUB contre l’USB, et elle est utilisée comme un argument pour éviter toute lutte unitaire : l’opposition à l’accord inter-confédéral sur la représentation syndicale est insérée par la direction de la CUB dans chacune de ses plate-formes revendicatives de grève générale; étant donné que l’adhésion au TUR signifie s’abstenir d’actions syndicales contre lui, ceci empêche l’USB de soutenir des grèves organisées par la CUB.

Et cela semble convenir aux leaders USB. A l’appui de cela, la grève générale des transports et de la logistique du 16 juin, quand l’USB avait la possibilité de faire la grève le même jour avec sa propre plate-forme, ce que cependant la direction s’est bien gardée de faire, comme lors de tant d’autres occasions dans le passé. D’autre part l’utilisation par la direction de la CUB de la question du TUR est en fait instrumentalisée, en la plaçant en priorité par rapport à la nécessité principale, celle d’unir les actions des travailleurs.
Bref, les directions des deux syndicats de base semblent le reflet l’une de l’autre, divisant les actions de lutte dans l’ intérêt de leur guerre entre organisations syndicales, au détriment du mouvement des travailleurs.

La croissance de l’USB dans le secteur privé a été contemporaine d’un affaiblissement, mineur en termes quantitatifs, dans le secteur public. Ceci est révélé par les chiffres des dernières élections RSU (45 799 votes en 2013; 44 455 en 2016) et par le chiffre des adhésions (19 085 en 2012, 17 411 en 2015), ceci aussi en raison de la loi passée en 2014 qui a réduit le nombre d’heures des militants dans les syndicats du secteur public, les poussant à effectuer l’activité syndicale pendant le temps de travail.

De plus, dans quelques régions de l’Italie du Nord - l’Emilie Romagne, la Lombardie, la Vénétie - l’USB a été durement touchée par une scission survenue en février 2016 qui a amené à la formation du petit Syndicat Général de Base ou Sindacato Generale di Base (SGB). Ce dernier a alors conclu un pacte fédératif avec la CUB. Un autre épisode de la bataille en cours entre les directions des syndicats de base, qui montre combien est illusoire la prétention de la direction USB à s’être élevée du syndicalisme de base au niveau supérieur du syndicat de classe - un objectif que nous partageons complètement –, est l’utilisation de « manœuvres » qui entrent dans la logique batailleuse entre sigles. la logique batailleuse entre sigles.

Quant aux SLAI Cobas, les principaux facteurs, qui ont causé la réduction drastique de leur taille, ont été : la fermeture de la grande usine d’Arese ; l’expulsion en 2005 d’une partie de la RSU des conducteurs de tram milanais et des coordinations provinciales de Varese et Côme, avec la formation qui y fit suite de l’ AL Cobas qui en 2010 a rejoint la CUB ; la répression patronale, qui avait frappé durement, par exemple à Pomigliano ; et la scission en 2010 qui a provoqué la formation de SI Cobas. La Confédération Cobas est elle aussi en déclin.

Nous avons donc aujourd’hui deux principaux syndicats de base intercatégoriels : l’USB et la CUB.

Nous pouvons y ajouter SI Cobas, qui, bien que principalement établi dans la Logistique, s’avère être le plus dynamique des trois et celui qui suit le plus étroitement la ligne syndicale correcte, classiste, comme par exemple en ce qui concerne la recherche de l’unité d’action des travailleurs. SI Cobas a participé à la grève plusieurs fois avec la CUB et aussi avec l’USB, en justifiant ce choix par l’objectif de renforcer la grève, et donc le mouvement de lutte des travailleurs. Pour les mêmes raisons, il a aussi dans le passé soutenu des actions générales promues par la Fiom et la CGIL.

Le conflit entre les directions de la CUB et l’USB a toujours existé depuis que ces unions ont été formées, et s’est aggravé au fil du temps, malgré les attaques de plus en plus brutales auxquelles la classe des travailleurs est soumise ; et il ne pourra pas être résolu par ces mêmes directions.

Néanmoins dans chacune de ces organisations existent des travailleurs et des délégués qui sont opposés à ce comportement. La ligne syndicale de notre parti consiste à lutter dans chaque syndicat de base, afin de promouvoir l’unité d’action dans les luttes d’entreprises, de catégories, au niveau des confédérations, au niveau territorial et national. Cette unité d’action est la base nécessaire pour atteindre l’unité sur le plan organisationnel, et celle-ci ne sera possible que si le mouvement des travailleurs est renforcé par un afflux de travailleurs combatifs dans ces syndicats; ceci rendra réellement possible l’abandon des lignes erronées actuellement suivies par les directions syndicales.

 

 

 

2- Un nouveau congrès de l’USB à motion unique en juin 2017

 

Les 9, 10 et 11 juin 2017, l’assemblée confédérale nationale des délégués du second Congrès de l’ USB s’est tenue à Tivoli.
Le long processus menant jusqu’au congrès avait commencé le 26 novembre 2016 lors des réunions des Conseils nationaux des Salariés du Secteur privé, du Secteur public et au niveau confédéral. Le jour suivant la réunion des Coordinations nationales, organes plus restreints que celui des Conseils, élus par eux, et qui à leur tour élisent les Exécutifs, encore plus restreints, les règlements respectifs des congrès ont été rendus publics.

Le 21 janvier 2017, la Coordination nationale Confédérale a approuvé – à l’unanimité - le document Confédéral du congrès. Toujours en janvier, le document de la toute nouvelle USB Federazione del Sociale (Fédération des travailleurs sociaux) et que nous évoquerons plus avant, a été rédigé. 5
Les 10 et 11 février, les documents, complémentaires de celui confédéral, pour les congrès de l’ USB section public et l’ USB secteur privé, ont été approuvés.
Le 28 février une Assemblée nationale a posé une motion pour la préparation du premier congrès de l’ USB-Retraités.

Les réunions de congrès ont été tenues en mars sur les lieux de travail ; avant le 12 avril, les congrès provinciaux, et début mai, les congrès régionaux, du secteur public et les salariés du Secteur privé, avaient eu lieu.
A Tivoli, le 10 mai s’est tenu le premier congrès national de l’ USB-Retraités ; le 13 mai, le congrès national des salariés du Secteur public USB et le sixième congrès de l’ASIA USB (Association des Locataires et des Résidents); le 14 mai, le congrès national des salariés du Secteur privé.
Jusqu’à la fin mai, les congrès régionaux Confédéraux eurent lieu, menant finalement en juin, à la fin de ce long parcours, au Congrès national.

Ce second congrès, comme le premier en 2013, devait s’occuper d’un seul document. En effet, comme cela avait été décidé récemment, les règlements du congrès n’avaient pas prévu la possibilité de présenter et discuter, au cours du congrès, de la base au sommet, d’une pluralité de documents.
C’est seulement dans les Coordinations nationales, confédérales et de catégorie (Secteur public et privé), qui s’étaient réunies pour préparer le congrès le 21 janvier et le 11 février, que pouvaient être discutés, à condition d’être présentés par au moins trois membres (en 2013, ils étaient 5), différents documents, discussion dont devait sortir un document unique à soumettre aux différents niveaux (entreprise, provincial, régional et national).

Cette attitude exclut donc la possibilité de débattre de documents soutenus par des minorités dans les coordinations nationales, ou – ce qui est formellement permis même dans le CGIL - la possibilité de présenter des documents alternatifs soutenus par la base du syndicat, soit un certain nombre d’inscrits.
Le congrès a donc débattu seulement d’un document unique présenté par le sommet du syndicat. Il a été concédé la présentation de motions afin d’amender le document unique et des ordres du jour. Et c’est ce qu’est arrivé.

Le fait que les règlements de ce type aient été unanimement approuvés par les Coordinations nationales des Secteurs public et privé - nous ne connaissons pas le résultat des votes dans la Coordination Confédérale - indique qu’il y a un manque sérieux de compréhension des moyens et des instruments nécessaires pour gérer et développer un syndicat de classe authentique.

Bloquer et empêcher la libre expression des avis différents dans l’organisation syndicale, au lieu de défendre cette libre expression, et la discipliner afin de réaliser une coexistence saine, peut seulement mener aux crises périodiques, comme cela est arrivé. Le premier congrès a été marqué par le départ de l’ USB de la plus grande partie des Fédérations de Varese, Legnano et Brescia, d’une partie minoritaire de celle de Milan, et de la non participation de trois Coordinations nationales des Ministères des Infrastructures et Transports, de la Défense et des Biens Culturels. En février 2016, une scission est survenue qui a mené à la formation (que nous aborderons plus loin) du SGB ou Sindacato Generale di Base. 6

De façon générale, la position de notre parti est de s’opposer à toute scission au sein des syndicats.Par exemple, nos camarades qui militent à l’intérieur de l’USB ont contribué à la bataille contre la décision de la direction d’adhérer au Testo Unico sulla Rappresentanza Sindacale ou TUR ; mais ils se sont opposés et ont critiqué le choix fait par ceux qui, après avoir mené cette lutte interne, ont décidé d’abandonner le syndicat.
On ne peut pas cependant entièrement imputer la responsabilité de ces départs et de ces scissions seulement à ceux qui sont partis. La direction en a été également responsable.

Les règles du congrès, le règlement interne et les statuts des syndicats sont obligés de spécifier les responsabilités disciplinaires de l’exécutif, mais elles devraient de même garantir la pleine liberté d’expression aux tendances syndicales différentes, concernant des approches pratiques et concrètes plutôt que des idéologies privées, et permettre à ces groupements la liberté de s’organiser dans le syndicat, de présenter leurs avis sur la politique du syndicat en exposant des documents alternatifs aux congrès, en organisant des réunions, en rédigeant et distribuant leur tracts, etc.

Faire obstacle à la liberté d’expression divisera et affaiblira le syndicat ; au lieu de le renforcer, il produira l’effet inverse. L’homogénéité (apparente) qui existe actuellement dans les organes principaux de l’USB, étant le fruit des crises précédentes qui ont gaspillé beaucoup d’énergie précieuse et fait partir beaucoup de militants, est encore loin du résultat définitif. Comme de nouveaux groupes de travailleurs rejoignent ce syndicat et l’organisation s’étend, une pluralité de courants internes se formera naturellement, et la meilleure façon de discipliner leur activité serait d’utiliser correctement l’instrument des congrès aux différents niveaux, en engageant la discussion avec les points de vue différents. Si cela ne survient pas, les forces sans moyens d’expression ou d’existence au sein de l’organisation, devront nécessairement partir.
Un fonctionnement démocratique de simple façade et des dissentiments internes réprimés n’encouragent pas la croissance d’un grand syndicat de classe, mais au contraire une fragmentation de syndicats; ceci est l’éternel défaut du syndicalisme de base dont la direction de l’USB croit, ou veut croire, s’être émancipé.


(La partie suivante continuera à considérer la politique de syndicat issue du congrès USB)




1 Ces trois grands syndicats sont pour la principale la Confederazione Generale Italiana del Lavoro ou CGIL, puis la Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori ou CISL, fondée en 1948 (scission du courant catholique de la CGIL), enfin l’ Unione Italiana del Lavoro UIL, créée en 1950 (scission des sociaux démocrates).

2 Bien que maintenant clairement national-patriotique, ce syndicat né en 1945 utilise son histoire passée et son lien avec la CGL d’avant-guerre pour projeter une image de gauche, rassemblant ainsi un nombre important de militants pour les lier au char de la classe dirigeante et les détourner de leurs luttes. acceptables pour la classe dirigeante. Les trois grandes confédérations syndicales italiennes (CGIL, CISL et UIL) sont financées par les cotisations pour 75 % et des missions de service public rémunérées par l’ Etat.

3 Testo Unico sulla Rappresentanza Sindacale (TUR) - (Texte Unique sur la Représentation Syndicate). Le TUR, qui est entré en vigueur en janvier 2014, est un accord entre les travailleurs des syndicats de régime d’une part et la Confédération des patrons - ou "Confindustria" - de l’autre. Il définit "les règles sur la représentation syndicale" en établissant, entre autres, que le droit à être inclus dans la représentation du syndicat au niveau des entreprises et participer aux négociations CCNL (Contratto collettivo nazionale di Lavoro ou négociations collectives nationales des travailleurs) nationales, est conditionné par une acceptation de limiter la liberté de faire la grève. Le CCNL, ou négociations pour les contrats collectifs des travailleurs au niveau national, définit les conditions de travail au niveau d’une branche économique.

4 En Italie il y a deux sortes d’organismes représentant les yndicats au niveau de l’entreprise. Le premier est les Représentations Syndicales Unitaires ou "Rappresentanze Sindacali Unitari" (RSU), qui ont été établies pour la première fois en 1993 par un accord entre les Syndicats de Régime et les Organisations patronales et qui remplaçaient les Conseils d’usine ou "Consigli Di fabbrica" (fondés autour de 1969 par des travailleurs et des syndicats sans l’accord des patrons). Le TUR a renouvelé les règles qui ont établi les RSU et les ont placés ainsi plus sous le contrôle des syndicats de régime. L’autre type d’ organisme de Représentation de Syndicat au niveau de l’entreprise est le RSA, "Rappresentanze Sindacali Aziendale", ou Représentations syndicales d’entreprise, qui sont nées légalement en 1970.

5 un « document de congrès » présente des propositions de programme qu’un syndicat devrait suivre entre un congrès et le suivant, et c’est la direction d’un syndicat qui produit ce document. Ainsi la direction USB a écrit un document pour chacune des trois branches principales de l’union : secteur privé, secteur public et l’ensemble de l’union et aussi d’autres documents du congrès pour les branches mineures de l’union comme la Federazione del Sociale, l’ASIA (Association pour le droit au logement), les retraités.

6 Tandis que nous traduisons cet article, le 28 février 2018, nous apprenons qu’une nouvelle sortie d’une partie importante de l’ USB est survenue. Elle pourrait être majoritaire en comprenant la structure du syndicat oeuvrant dans le secteur du commerce avec son dirigeant national, des délégués et une centaine d’inscrits et leur passage à la Confédération Cobas. La croissance de l’ USB dans le secteur du commerce avait été ces dernières années, peut être plus que celle parmi les métallurgistes, un des résultats majeurs de ce syndicat, résultat qui est désormais gravement compromis.