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Décembre 2019.
A Hong Kong, en Irak, en Iran, au Chili, en Bolivie, en Colombie, au Liban, en Géorgie, etc., le soulèvement des classes moyennes secouées par la crise du capital se manifeste sans la présence et le poids de la classe travailleuse. Le prolétariat, en tant que classe, apparaît comme absent de la scène sociale.
Ce n’est qu’encadré dans ses syndicats de classe et dans son parti qu’il pourrait imposer sa direction à ces démonstrations de mal-être, en avançant ses revendications de classe, avec les méthodes de la classe travailleuse et pour ses objectifs historiques supérieurs.
Il lui serait ainsi possible d’entraîner derrière lui toutes les explosions de souffrance sociale des classes intermédiaires et hésitantes et les lancer contre l’ Etat du capital, ou obtenir au moins leur neutralité lors du heurt révolutionnaire. Sinon la position ambiguë de ces classes moyennes, faites de micro-capitalistes et de micro-rentiers, les rend disponible pour n’importe quelle orientation, jusqu’à celle la plus bornée du nationalisme et du bellicisme.
Cette distance actuelle de la classe travailleuse du théâtre de la guerre civile est le résultat de presque un siècle de contre-révolution qui a partout affaibli le mouvement prolétarien, autrefois puissant, influent et en progression, transformer ses syndicats rouges en collaborateurs efficaces de la bourgeoisie. Cette œuvre a culminé dans la liquidation du parti communiste mondial, la Troisième Internationale, par le stalinisme.
La réorganisation de la classe travailleuse autour de véritables syndicats de classe, et l’intervention du parti dans leur orientation, est aujourd’hui la tâche la plus importante, à la lumière des évènements en cours, pour les communistes du monde entier.
Ce processus sera long et difficile, comme l’a été jusqu’ici la reconstitution du parti communiste mondial détruit. Mais il s’agit là d’une bataille inévitable et nécessaire, que nous avons affrontée même lors des pires époques de la contre révolution, contre tous les détracteurs et les liquidateurs, passés du côté ennemi.
Cette réorganisation ne pourra se déployer qu’avec le retour à la lutte de la masse prolétarienne dans le monde entier.
C’est bien cela qui fait trembler la bourgeoisie mondiale qui tente aujourd’hui plus ou moins maladroitement de contenir le désespoir des foules.
Aujourd’hui, avec des mots d’ordre et une ligne historique séculaires et identiques de la classe, le Parti, fidèle à ses principes marxistes après tant de décennies de contre révolution, et à la veille de la grande crise économique mondiale, se prépare à guider la révolution de demain, vers notre objectif final, le communisme total, qui balayera toutes les misères et souffrances engendrées par le monde du Capital.
Soulèvements
durement réprimés en Irak et en Iran
La vague de protestations qui depuis le début d’octobre 2019 a secoué l’ Irak représente un fait nouveau dans le panorama du Moyen Orient, enserré dans l’étau des impérialistes et martyrisé ces dernières décennies dans des guerres entre Etats, les rivalités ethniques et confessionnelles.
Mais pour la première fois depuis des décennies, les luttes sociales ont dépassé les barrières sectaires entre sunnites et chiites et entraîné les classes moyennes en cours de prolétarisation avancée. L’hostilité s’est retournée contre les partis religieux, les sièges religieux chiites de Kerbala, Najaf et nombreux autres centres urbains, parmi lesquels Nassiriya qui a été le théâtre de répressions particulièrement violentes.
Les manifestants se sont heurtés partout à mains nus à un dispositif de sécurité qui a riposté par des tirs dans le but de tuer. En conséquence, le nombre de morts s’élèvent à environ 350, et celui des blessés à 16 000 dont 3 000 mutilés.
Mais cette succession quotidienne de bains de sang n’arrête pas les jeunes désespérés qui depuis des semaines tentent à Bagdad de donner l’assaut à la soi disant Zone verte où se trouvent les principaux édifices gouvernementaux.
Ils réclament que l’exécutif et toute la couche politique corrompue s’en aillent. « Le peuple veut la chute du régime » : tel est le slogan qui tonne lors des manifestations où les foulent défient la mitraille.
A ceci s’ajoutent des actions de boycott, comme la grève et le blocage intermittent du port de Umm Qasr, sur le Golfe persique, où arrivent de l’extérieur de nombreuses denrées dont le pays dépend énormément. L’autoroute qui relie Bassora à Umm Qasr a été récemment bloquée par des manifestants.
Des nouvelles de la participation des travailleurs du pétrole et du gaz dans le gouvernorat de Bassora nous parviennent également, tandis que, selon de rares informations non vérifiables, des groupements syndicaux se seraient formés à Bagdad et aussi à Bassora, Najaf et Kerbala. Il nous est donc encore difficile d’évaluer la présence de la lutte de la classe travailleuse dans cette vague de protestations.
La classe dominante pourrait peut-être dévier la rage populaire vers des objectifs nationalistes, ou vers un pâle laïcisme institutionnel, une nouvelle Constitution qui se substituerait à celle de 2005, rédigée après la seconde guerre du Golfe, dans le contexte de l’occupation militaire menée par les USA.
En tant que marxistes, nous savons bien que la trajectoire de la lutte de classe sera imposée aux prolétaires par les conditions économiques objectives. Ce qui devraient pousser les prolétaires et les semi-prolétaires irakiens à la révolte, ce sont l’aggravation de leurs conditions de vie, l’aggravation du chômage (environ de 25% parmi les jeunes, aujourd’hui), les salaires bas, les privilèges d’une couche politique montrée du doigt par les communautés confessionnelles et ethniques (kurde), les exactions dans tout le pays des milices armées, surtout celles pro-iraniennes.
C’est précisément cette présence iranienne encombrante dans la politique et l’économie de l’ Irak qui alimente les plaintes nationalistes et anti-iraniennes de la révolte. Le ressentiment anti-iranien de la part des Irakiens a débuté au début de novembre avec l’assaut du consulat iranien de Kerbala, qui fut contré par les forces de sécurité faisant 4 morts parmi les assaillants. En effet, dans les cortèges se déploient les drapeaux nationaux d’une patrie « humiliée par l’étranger » et qui voudrait être « libre et indépendante ». Tout ceci montre que nous sommes loin d’une maturation classiste du prolétariat.
Et pourtant ce sont précisément les liens politiques et économiques qui unissent l’ Irak à l’Iran qui entraînent l’extension et la contagion de la protestation populaire au proche voisin : la rébellion dépasse déjà les frontières de l’Irak.
Nous attendons, dans des délais peut-être relativement courts, que le prolétariat se reconnaisse en tant que classe en soi et internationale.
Depuis le début de la révolte irakienne, l’attitude du gouvernement iranien envers les manifestants a été impitoyable. Ces derniers ont été accusés dès le début par le soi disant Guide de la Révolution, l’Ayatollah Khamenei, d’être à la solde de l’ Arabie Saoudite et des USA, pays avec lequel l’Iran exerce sur l’ Irak une sort de condominium. La déstabilisation irakienne a pris dès le début le caractère d’un « problème interne » pour l’Iran et le régime théocratique de la République islamique.
Ce n’est pas un hasard si une grande partie des victimes de la répression ont été causées en Irak par les « Forces de Mobilisation populaire » (en arabe Hash al-Shaabi), une coalition de plus de 60 milices chiites armées, en grande partie pro-iranienne, lesquelles encadrent 150 000 hommes. Celles-ci sont intervenues à plusieurs reprises, de nuit le plus souvent, en donnant l’assaut à des rassemblements de manifestants, ceci avec des armes automatiques, semant ainsi la terreur et la mort.
Ces dernières années, spécialement dès 2014, le rôle des milices chiites dans la société irakienne s’est notablement accrue avec la guerre contre l’ Etat islamique, ouvrant ainsi une parenthèse de fanatisme religieux croissant, par certains aspects inédits dans l’histoire récente de l’ Irak.
La forte influence exercée par l’Iran sur l’Irak n’est pas seulement militaire, mais aussi économique. 45% de l’énergie électrique est fournie à l’ Irak par l’ Iran, et les échanges entre les deux pays se montent à 12 milliards de dollars par an, tandis que l’économie irakienne tire de notables ressources des pèlerins iraniens qui visitent chaque année les sanctuaires chiites de Kerbala et Najaf.
Mais il ne s’agit pas d’une simple imitation quand à mi-novembre une vague de protestations a secoué également l’ Iran dont l’économie doit faire les comptes avec les sanctions imposées par les USA depuis que le président Donald Trump a dénoncé en mai 2018 unilatéralement l’accord sur le nucléaire iranien, conclu également avec la communauté européenne. Même si l’Iran est devenue ces dernières décennies une puissance industrielle considérable à l’échelle régionale, ses finances ont ressenti fortement la chute des ventes de pétrole qui impacte 40% des exportations iraniennes. Si, avant les sanctions, l’Iran exportait chaque jour 2,4 millions de barils, désormais elle est tombée à 0,5 millions. Avec les sanctions et les guerres commerciales, les grands pays impérialistes reportent les crises économiques sur les pays les plus pauvres et sur les puissances de second rang.
Il n’est pas surprenant si en Iran, en récession avec une inflation de 35% et une dévaluation du rial par rapport au dollar de 60% en 2018, se déchaîne un mouvement de protestations après une augmentation de l’essence de 50%, soit de 20 à un peu plus de 30 centimes d’euro le litre, et la réduction de 250 à 60 litres de la part prévue au-delà de la quelle le prix grimpe de 300%. Dès que la mesure gouvernementale fut connue, des dizaines de milliers d’Iraniens sont descendus dans les rues de nombreuses villes, donnant lieu à des manifestations qui ont pris rapidement un caractère très violent.
Le régime des Ayatollahs a riposté aux attaques contre les banques et les sièges des institutions étatiques par une répression enragée qui a provoqué la mort peut-être de plus de 200 personnes. A cela se sont ajoutée une propagande qui, comme en Irak, a tenté de faire passer les protestations comme étant orchestrées par les USA, Israël et l’ Arabie Saoudite, selon un scénario qui en niant le caractère social des émeutes, les fait passer pour des faits issus de conflits entre Etats, ethnies et religions. Les media de l’Etat ont ainsi montré les images d’une mosquée saccagée dans une banlieue de Téhéran où les manifestants auraient incendié également des copies du Coran. Si cet acte n’est pas une mise en scène de la propagande étatique, elle pourrait être un signe de la souffrance croissante de la population envers ceux qui prétendent gouverner par la grâce de Dieu.
La propagande du clergé chiite au pouvoir à Téhéran a pu également s’appuyer sur les prises de positions de l’administration US qui, par la bouche du secrétaire d’Etat Mike Pompeo, a déclaré soutenir les manifestants. Après un discours de l’Ayatollah Ali Khamenei sur le prétendu complot étranger, le régime a appelé ceux qui le soutiennent à manifester.
Entre temps, l’exécutif a été contraint d’atténuer les effets sociaux de l’augmentation des prix en concédant des subventions à environ 60 millions de citoyens (sur une population d’environ 80 millions) parmi les plus pauvres. Mais cette mesure n’a pas arrêté les manifestations qui ont été réprimées dans le sang. Internet a été totalement interrompu, coupant ainsi l’ Iran du monde. La peine de mort a été annoncée pour punir les chefs menant les protestations. Les milices mercenaires se déchaînent partout, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, en Irak et au Liban.
En effet au Liban, les manifestations interclassistes, mais aussi interconfessionnelles, qui agitent le pays, remettent en question l’ordre sectaire de l’Etat et se heurtent donc aux escadrons pro-iraniens du Hezbollah.
La vague de mécontentement moyen-oriental qui déborde les frontières des Etats se heurte partout à la bannière usée de l’obscurantisme religieux, agitée avec une arrogance de plus en plus affirmée, que ce soit par l’Etat iranien ou par ses ennemis régionaux, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.
Mais il reviendra au prolétariat du Moyen Orient la tâche de refuser toute bannière ethnique et religieuse comme tout nationalisme bourgeois, qui se présente alternativement comme laïque et libéral, ou totalitaire et confessionnel, mais toujours dédié à la nauséabonde idolâtrie du fétiche argent.
La classe travailleuse se reconnaîtra alors pour ce qu’elle est réellement, et qu’elle ignore encore actuellement : au-delà de toute frontière, en guerre contre le pouvoir de la classe bourgeoise et de toutes ses composantes sociales, aux formes multiples, idéologiques et superstitieuses.
Et s’agiteront de nouveau au-delà des foules les drapeaux rouges et les mots d’ordre de toujours, uniques et fiers, de la classe travailleuse et du communisme.
Réveil social au Liban
Il
s’agit là du Manifeste que nos camarades ont distribué en
Israël
Depuis le 17 octobre, dans les rues du Liban, les protestations se manifestent. Il ne s’agit pas cette fois-ci d’une nouvelle guerre civile sanglante fomentée par les diverses forces impérialistes, ni de l’intervention armée d’un Etat de la région. Les prolétaires et la classe moyenne en voie de prolétarisation rapide, sont descendus dans la rue pour des manifestations et des appels à l’unité, à la solidarité entre les différentes ethnies et groupes religieux, pour dénoncer leurs conditions de vie, constamment menacées par la crise économique et gouvernementale dans lequel le pays se trouve, exprimant ainsi leur dégoût pour l’ensemble des politiciens et leur corruption.
Le Liban, carrefour sur la Méditerranée, patrie de divers groupes ethniques, religieux et nationaux, détenteur d’un glorieux passé, lieu de conflit constant et de manœuvre des différents intérêts impérialistes régionaux, connaît aujourd’hui une situation nouvelle.
Les gouvernements récents du Liban, à cause de la division de son peuple composite, sont instables et le résultat d’accords sectaires entre les divers groupes religieux et de l’impérialisme dominant à ce moment-là. C’est le cas de l’actuel gouvernement, mené par le président Al Harari, fruit de la concertation de différents secteurs politiques bourgeois avec le Hezbollah chiite, les chrétiens, les sunnites, sous l’égide de la bourgeoisie internationale.
Mais la situation économique du pays – avec une dette parmi les trois plus importantes dans le monde, de 152% de son PIB, avec un chômage qui atteint 37% parmi les jeunes, encore en phase de reconstruction après la sanglante guerre civile – pèse sur le jeune prolétariat libanais.
Le gouvernement, en déficit constant, recourt aux usuriers du capitalisme mondial, qui à leur tour lui demande des garanties. Cette « aide » avantage une bourgeoisie pleinement consentante et participant à la partie d’échecs capitaliste, et qui n’est pas pour l’amélioration des conditions de vie du prolétariat contre lequel sont dirigés les coupes « pour le bien du pays ».
Les mesures d’austérité imposées par le gouvernement, comme la coupe dans les retraites, les salaires des fonctionnaires du public, et, ultime goutte qui fait déborder le vase, la taxe sur Whatsapp de 6 dollars mensuels, ont poussé la population à la révolte. Dans un pays où la majeure partie de la classe travailleuse ne gagne pas plus de 300 dollars par mois, et le chômage parmi les jeune est si important, l’explosion était seulement une question de temps et d’occasion.
Le capitalisme au niveau mondial montre le début d’une nouvelle grande crise économique générale ; la bourgeoisie cherche désespérément à relever le taux de profit – tandis qu’au contraire celui-ci chute constamment – et ceci au travers de mesures qui aggravent les conditions de vie et de travail du prolétariat, de la classe qui produit de la plus-value.
Une série de manifestations dans le monde entier apparaît en réaction aux méthodes d’austérité, et réclame l’amélioration des conditions de vie et de travail, montrant une tendance au réveil de la classe prolétarienne, qui ne distingue pas les nations, les races, les religions, mais la division entre les classes à l’intérieur de la société. Equateur, Chili, Irak, Soudan, Haïti, etc... et aujourd’hui le Liban.
Dans le cas du Moyen Orient, dans un petit pays, qui a vécu une guerre civile sanglante et sans fin, alimentée par les tactiques de division de la bourgeoisie en groupe sectaires, l’unité d’action aujourd’hui pour la défense d’intérêts économiques communs est un pas en avant. Certains y voient une nouvelle « unité nationale » de prolétaires arabo-palestiniens, arabes chrétiens et arabes musulmans, et autres, côte à côte pour les mêmes exigences. L’ex unité du capitalisme arabe, le pan arabisme, apparaît aujourd’hui comme une escroquerie du passé, qui cède le pas à la véritable et unique lutte progressiste : celle de la lutte des classes, d’abord revendicative pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, ensuite politique pour la révolution future.
Les mobilisations en Amérique latine
De vastes mobilisations traversent certains pays d’ Amérique Latine : Chili, Bolivie, Colombie et Equateur. Malgré la diversité des situations, elles ont un dénominateur commun : prolétaires, semi prolétaires et petits bourgeois descendent dans les rues pour manifester leur mécontentement, au mépris des dures répressions, parfois mortelles.
Les gouvernements doivent affronter la rue, dans leur fonction principale de garantir « l’ordre social », basé sur la domination des classes grandes bourgeoises et grands propriétaires fonciers et sur l’extraction de plus-value sur le dos des travailleurs.
Les économies de ces pays sont essentiellement basées, dans la division impérialiste du travail, sur la production de matières premières, miniers et agricoles. Pourtant les trésors de leurs sols et de leurs sous-sols, qui peuvent apparaître comme une source inépuisable de richesses, se révèlent être insuffisants à garantir des conditions de vie acceptables pour une population dépassant les exigences productives locales du capital.
Ceci vaut également pour les pays qui semblaient en mesure d’assurer la paix sociale à l’ombre de la prospérité, celle-ci se révélant grandement fictive.Le Chili en est un exemple. Les protestations depuis des semaines ne se calment pas.
Tandis que nous écrivons, l’énième grève générale paralyse le pays et des barricades bloquent la circulation le long des principales artères. Parmi les protagonistes de la grève, les portuaires de l’importante escale maritime de Antofagasta, ville côtière très peuplée au nord du Chili, où passe une partie considérable des exportations de cuivre, principale ressource du pays, soit 28% de la production mondiale. Mais depuis longtemps, la chute de la demande de cuivre, causée par la stagnation mondiale des entreprises, en avait provoquée une diminution du prix.
Dans l’arrière pays d’Antofagasta se trouvent de nombreuses mines parmi lesquelles celle de Chuquicamata, la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde, d’où est extrait 1,5% de la production mondiale de cuivre. Une grève qui a duré deux semaines y a éclaté en juin dernier. La Coldelco, la compagnie minière étatique, avait offert une ridicule augmentation salariale de 1,2% en se justifiant avec « la réalité du secteur minier et des perspectives futures, menacées par l’aggravation de la guerre commerciale entre les USA et la Chine ».
La crise du Chili revêt donc des caractéristiques communes à d’autres pays qui par leur structure sociale et par leur histoire ont été et demeurent un laboratoire politique conditionnant les dernières décennies de l’histoire de l’ Amérique Latine.
Ce qui est survenu au Chili ces dernières semaines a fait voler en éclats l’image d’un pays économiquement et politiquement le plus stable du sous-continent américain, déchaînant une sorte de réactions sociales en chaîne dans les autres pays, accélérées par la révélation du caractère virulent et insoluble de la crise chilienne.
A cet effet d’amplification des mouvements populaires, contribue aussi le fait que le « modèle chilien », basé sur les préceptes du néolibéralisme le plus extrême et le plus abouti, avait présenté une croissance économique soutenue depuis trois décennies, accompagnée d’un relatif « bien-être » économique et aussi des salaire parmi les plus hauts d’Amérique Latine, et que cet état a pris fin.
L’oligarchie qui avait gouverné le pays d’abord à l’ombre de la dictature du général Augusto Pinochet, puis de la non moins féroce et dictaturiale démocratie, s’enorgueillissait d’avoir assuré un taux d’inflation bas et une dette publique réduite à moins d’un quart du Produit Intérieur Brut : les succès selon elle du « libéralisme » !
Pour le capitalisme, le néo libéralisme est le remède au keynesianisme condamné à son tour comme panacée capable d’empêcher les crises de surproduction. Mais les deux remèdes sont bien incapables de guérir le malade ; ils ne peuvent qu’alternativement en prolonger ou en accélérer l’agonie. Le néo libéralisme a seulement permis d’augmenter la plus-value relative en intensifiant la productivité et en diminuant les salaires, tandis que les privatisations du patrimoine étatique et des services ont favorisé l’afflux de capitaux.
Au Chili, au fur et à mesure que le cycle d’accumulation parvenait à maturation, faisant reculer les conditions de la crise économique, ont commencé à émerger les aspects scabreux de ce « modèle » : concentration de la richesses dans quelques mains et appauvrissement progressif des travailleurs et des classes moyennes. Même si au change officiel, les salaires au Chili sont parmi les plus hauts d’ Amérique Latine, ils ne le sont pas par rapport au coût des biens de première nécessité, si bien qu’un pourcentage notable des travailleurs se retrouve en permanence réduit à côtoyer une situation de survie.
De plus une spoliation supplémentaire concerne le coût imposé aux services essentiels comme l’eau, l’électricité, les transports, la santé, les retraites, tous gérés selon des logiques capitalistes et qui, bien que « privés », sont en fait des monopoles.
Le résultat de ce cadre général aboutit à un haut pourcentage de Chiliens condamnés de façon pérenne à s’endetter tant qu’ils ont un emploi, pour tomber dans l’indigence une fois qu’ils en sortent avec des retraites dérisoires. Au Chili, le prolétariat et les classes moyennes ont pu ainsi regarder en face leur bourgeoisie rapace et insatiable.
La bourgeoisie chilienne prend pour l’instant son temps, promet des concessions salariales, des augmentations des retraites, des blocs des tarifs de l’énergie électrique. En même temps, elle offre un rôle aux partis de fausse gauche qui siègent au parlement avec la convocation d’une Assemblée Constituante chargée de rédiger une nouvelle loi fondamentale de l’ Etat en remplacement de celle écrite à l’époque de Pinochet.
Il s’agit là d’une énième diversion « antifasciste » qui ne peut contenter les travailleurs ; ces derniers ont déjà ressenti sur leur peau les méthodes avec lesquelles les forces démocratiques de sécurité répriment les manifestations de rue. Le prolétariat s’il veut véritablement se défendre ne doit pas aller dans la direction de la « démocratisation » du régime bourgeois mais dans celle de ses revendications économiques de classe, avec le syndicat « rouge » et de son indépendance politique avec le Parti Communiste International.
Le cas de la Bolivie s’éloigne en partie de celui du Chili en raison d’une moindre transparence des rapports sociaux et de polarisation entre les classes.
Le gouvernement d’ Evo Morales et du « Mouvement du socialisme », avec sa démagogie populiste teintée abusivement de rouge, n’ a pas pu mettre le pays à l’abri de la crise, due aussi à la chute des cotations des matières premières, parmi lesquelles le pétrole, le gaz et le lithium. Il a cependant réussi à rendre confus la situation aux travailleurs qui ont été entraînés dans la dispute entre les deux lobby bourgeois rivaux.
Aux fraudes électorales que les partisans du président Morales auraient organisées, la droite a réagi par un coup de main soutenu par les forces armées, et qui a contraint Morales à se réfugier à l’étranger. Certains secteurs du prolétariat se trouvent à la remorque de la paysannerie indienne qui représentait une partie considérable de la base sociale du régime de l’ex président. Il faudra donc encore du temps avant que ne survienne le crépuscule de l’illusoire « socialisme du XXI ème siècle » permettant à la classe travailleuse de retrouver sa route.
Pour la bourgeoisie bolivienne, s’être débarrassé de Morales et de son parti faussement socialiste, peut lui faire perdre le paravent la préservant de la lutte de classe, un camouflage qui s’est avéré efficace jusqu’ici. En Bolivie, comme au Vénézuela, la bourgeoisie a voulu se donner une patine rouge afin de contenir le mécontentement des travailleurs. Mais l’ignoble tromperie du faux socialisme ne mettra pas le régime du capital à l’abri de l’incendie prolétarien, que nous marxistes souhaitons au-delà des frontières des Etats, pour le continent entier.
La Colombie également n’est pas immune de mouvements de rue. La droite bourgeoise qui y domine depuis des décennies désigne la faillite économique du chavisme vénézuélien comme l’issue inévitable des politiques de « gauche ».
Quoiqu’il en soit, aucune politique bourgeoise de droite ou de fausse gauche ne pourra sauver le prolétariat de la catastrophe produite par le mode de production capitaliste. Ce sera plutôt la marée rouge des travailleurs de toutes les nations, encadrés dans le front syndical unique de classe et le Parti Communiste International, qui renversera enfin l’ignoble régime du capital.