Parti Communiste International

8 avril 2023
Les dernières nouvelles du mouvement social français



- Le 53ème congrès de la CGT du 27 au 31 mars 2023 avec 942 délégués : une victoire sociale ?
- Les derniers épisodes de la lutte sociale contre la réforme des retraites débutée en janvier 2023 en France
- Le “remarquable” et “remarqué” outil répressif de la bourgeoisie française dans les mains du ministre de l’intérieur Gérard Darmanin
- Trois échéances pour l’Intersyndicale
- Quelle sera l’issue de ce combat ?




Le 53ème congrès de la CGT du 27 au 31 mars avec 942 délégués : une victoire sociale ?

En plein mouvement social où les sections CGT jouent un rôle prépondérant dans les luttes et les grèves, malgré la mise en avant du leader de la CFDT, a lieu ce 53ème congrès de la CGT depuis 1895.

Depuis des années, de nombreuse divergences se manifestaient au sein des militants et la perte de 40 000 adhérents en 2020 (une remontée de 15 000 adhésions depuis janvier 2023 montre l’efficacité des militants dans les luttes actuelles), et la perte de la place de 1ère organisation syndicale au profit de la CFDT, n’ont fait qu’aggraver les tensions entre d’un côté les partisans de la négociation et de la collaboration avec la bourgeoisie française et européenne (Bruxelles) menés par le secrétaire général, Mr Martinez, issu de la CGT métallurgie (il était alors cadre technique chez Renault et va désormais y retourner), et de l’autre, les partisans de la lutte et de l’action dont les représentants sont le bruyant mais très actif syndicaliste Olivier Mateu de l’union départementale 13 (Bouches du Rhône et Marseille) de la CGT, membre du PCF et du PRCF, le secrétaire général de la fédération de l’industrie de la chimie (trotskyste) Emmanuel Lepine, et le secrétaire général de la fédération du commerce, ces trois derniers se regroupant sous le nom d’ Unité CGT.

Mr Martinez avait annoncé qu’il ne se représenterait pas mais proposait une candidate soutenue également par des fédérations comme celle de la métallurgie, attitude qui fut critiquée par nombre d’adhérents car elle n’était pas démocratique et ne tenait pas compte des statuts de fonctionnement interne de la confédération.

Le bilan du bureau confédéral sortant était désavoué ainsi que ses méthodes non démocratiques et de collaboration, mais à une courte majorité (50,32%).

Comme aucun candidat proposé par la commission exécutive ne faisait consensus, à la surprise générale, ce fut Sophie Binet qui fut élue et bien acceptée par tous les bords. Elle est cadre, est passée par le PS et jamais au PCF ! Sans critiquer ses prédécesseurs, la nouvelle secrétaire appelait tous les militants à se rassembler dans les actions à venir, affirmant que la CGT réclame le retrait de la réforme et n’acceptera aucune discussion ni trêve (pas de pause comme le réclamait Berger de la CFDT le 28 mars avec l’appui de Martinez) avec le gouvernement, mettant en avant aussi l’importance des luttes et de l’existence d’une Intersyndicale unie !

Le nouveau bureau confédéral est composé de dix membres (comme le précédent) élus parmis les 66 membres de la commission exécutive confédérale (elle même élue par les délégués présents au congrès) et confirmés par le comité confédéral national constitué de tous les secrétaires généraux des unions départementales (ou UD) et des fédérations (soit 128 membres). On trouve dans ce bureau confédéral le secrétaire général de la Fédération des Mines et Energie, Sébastien Ménesplier, et comme administrateur (poste n°2 de la confédération après celui du secrétaire) le secrétaire des cheminots, Laurent Brun, membre du PCF et proche de son secrétaire Fabien Roussel. L’élection du nouveau bureau montre un déséquilibre entre les unions départementales (2 membres au lieu de 4 dans le bureau précédent) et les fédérations, ce que le bureau affirme qu’il va rectifier par la suite.  Les UD regroupent les syndicats professionnels d’un même département tandis que les fédérations nationales regroupent les syndicats d’un secteur d’activité professionnelle et ont donc un poids politique fort. La direction confédérale regroupe la soixantaine de membres de la commission exécutive confédérale et donc les membres du bureau confédéral.

L’oxygène apporté par le mécontentement social semblerait avoir porté quelques fruits nourrissants au sein de la CGT pour les actions futures des travailleurs.


Les derniers épisodes de la lutte sociale contre la réforme des retraites débutée en janvier 2023 en France

- Le mardi 4 avril 2023 : l’Intersyndicale se réunissait avec les numéros un des huit syndicats pour préparer la rencontre du mercredi 5 avril avec la première ministre Elisabeth Borne à Matignon (palais du premier ministre à Paris). Ils étaient tous d’accord pour ne discuter de rien d’autre que du retrait de la réforme des retraites. Et une heure après le début de la rencontre, la ministre ayant écouté “attentivement” chacun, et affirmé encore une fois la volonté du gouvernement de ne pas reculer, l’Intersyndicale se retirait. Sophie Binet la nouvelle secrétaire de la CGT était accompagnée de Sébastien Menesplier, membre du nouveau bureau confédéral et secrétaire de la CGT mines-énergie, très actif dans les grèves actuelles.

- les manifestations- grèves du jeudi 6 avril : 11ème journée de mobilisation-grève au niveau national avec un taux de participation encore haut avec 2 millions de manifestants (dont 400 000 à Paris) selon les syndicats et 500 000 selon le ministère de l’intérieur. Les grévistes ont été moins nombreux, surtout dans les bus parisiens RATP et dans les trains SNCF. La tactique des grèves épisodiques ou saute-mouton est pourtant bien connue de tous pour essoufler le mouvement social. Les salariés des industries électriques et gazières multiplient quelques heures pour bloquer la production mais les grèves reconductibles s’essouflent. Il en est ainsi dans les raffineries malgré la condamnation par le tribunal de Rouen des dernières réquisitions de travailleurs des raffineries.

L’Intersyndicale, qui se réunissait le soir du 6 avril 23 au siège de Force Ouvrière, fixait comme prochaine date de grèves et de manifestations nationales le jeudi 13 avril, la veille des décisions du conseil constitutionnel.

Le Président Macron était en Chine en ce début d’avril pour 4 jours. Il y jouait le rôle de représentant de commerce, accompagné par une soixantaine de chefs d’entreprise dont Veolia (eau) et Airbus, mais ne se privait pas de déclarations montrant sa surdité que les syndicats nomment une “faillite démocratique” : le “peuple” est en majorité contre la réforme ; oui, certes, mais pas son “élite”,  ce qui a fait dire à la nouvelle secrétaire de la CGT à la sortie de Matignon le 5 avril : «un gouvernement radicalisé, obtus, dans une réalité parallèle» ! Non, Madame la CGTiste, il s’agit tout simplement d’un rapport de classe, d’un rapport de force d’un gouvernement qui décide pour le bien non du “peuple” – nous, nous dirions des travailleurs – mais de ses grands bourgeois.


Le “remarquable” et “remarqué” outil répressif de la bourgeoisie française dans les mains du ministre de l’intérieur Gérard Darmanin

Arrestations, interpellations “préventives”, nasses, coups de matraque, gaz, grenades, lance eau, amendes pour causse de rassemblement avec des arrêtés de dernière minute, répression des syndicalistes dans les entreprises, réquisition des grévistes etc...

La France et ses médias semblent avoir oublié les grands épisodes de lutte de classe du pays depuis des siècles et des répressions sanglantes qui les accompagnèrent (avant 1914, le gouvernement envoyait l’armée pour réprimer les grèves !) mais se souviennent tout de même de l’épisode récent des années “gilets jaunes” où les forces de l’ordre bourgeois expérimentaient déjà des moyens répressifs violents. Cette France “oublieuse” connaît de “plus près” désormais les outils de la répression utilisés par le gouvernement pour le “bien” des populations. Cette fois ci, les manifestants sont plus nombreux sur tout le territoire et ils appartiennent à toutes les couches sociales des campagnes aux grandes et petites villes ! Le “peuple” est dans la rue, s’exclament nos démocrates et ils découvrent dans le meilleur des cas que la démocratie a une double face à la Janus et quand cela lui est nécessaire utilise celle de la répression. Tout le monde peut désormais recevoir des coups sonnants et trébuchants des troupes de police surtout celle du corps spécial à moto des Brav (brigade de répression des actions violentes). Jeunes et vieux, syndicalistes et passants, des plus pauvres aux plus riches, etc. Et les journalistes qui croient encore aux valeurs des témoignages sont surpris de recevoir encore plus de coups en montrant leur carte de presse !

Mr Darmanin et toute la clique gouvernementale et grande bourgeoise accusent les manifestants de désordres, et désignent comme fauteurs de troubles non plus les blacks blocs mais l’ultragauche, surtout la France insoumise de Mr Mélenchon, en passant sous silence les interventions violentes et de plus en plus fréquentes de certains courants d’extrême droite. Et le scandale dans la demeure républicaine : Mr Darmanin, condamné pour des violences qui outrepassent un maintien de l’ordre “démocratique” par la Ligue des Droits de l’Homme, association créée en 1898 pendant l’affaire Dreyfus et dissoute une fois sous Vichy, menace de couper les financements publics de cette association.


Trois échéances pour l’Intersyndicale

- Le jeudi 13 avril, 12ème journée de mobilisation et de grèves la veille de la décision du conseil constitutionnel

- Le vendredi 14 avril : le Conseil Constitutionnel formé de 9 “sages” validera ou non la réforme des retraites, en totalité ou en partie, et peut donner son possible aval à un référendum d’initiative partagée ou RIP demandant un âge légal maximum de départ à la retraite à 62 ans. S’il donne son aval pour le RIP, ce que l’Intersyndicale espère, le gouvernement ne serait pas obligé de renoncer à la loi dans l’immédiat, mais après le résultat positif du RIP. Or le RIP ne pourrait avoir lieu que 9 mois plus tard (temps demandé pour recueillir au moins 5 millions de signatures). Le RIP avait été utilisé en 2020 pour débattre sur la privatisation de l’aéroport de Paris mais n’avait pas recueilli assez de signatures en raison peut être de la pandémie covid.

L’Intersyndicale se réunira ce soir là en fonction des décisions du Conseil Constitutionnel pour décider des suites de la mobilisation. Le gouvernement compte évidemment sur le rejet par le Conseil Constitutionnel, le découragement et les vacances scolaires de Pâques pour désarmorcer le mouvement social. Nous verrons alors ce que proposera l’Intersyndicale après ses directives pour un mouvement éparpillé entre journées de manifestation éparses, grèves reconductibles plus ou moins suivies selon les secteurs et les régions.

- Le 1er Mai : l’Intersyndicale anticipe un Premier Mai unitaire, situation qui ne s’est pas produite depuis des décennies. En 2010 malgré des luttes contre une réforme des retraites, FO ayant fait cavalier seul.



Quelle sera l’issue de ce combat ?

La bourgeoisie française dont la marionnette s’appelle Emmanuel Macron, soutenu par la commission européenne et sa présidente Ursula von der Leyen, malgré leurs hypocrites critiques sur l’utilisation de la répression et les méthodes “non démocratiques” pour “convaincre” le peuple du bon fondement de la réforme en France, semble bien décidé à ne pas céder sur la réforme des retraites, pas même une miette sur les longues carrières ou les femmes aux carrières amputées par la famille ! Elle se rémémore, et nous avec elle, l’attitude de la féroce Margaret Thatcher, qui n’a pas eu un cillement quand elle voyait mourir un à un les militants irlandais en 1981 qui eux s’illusionnaient sur les vertus d’une grève de la faim, qui n’a pas versé une larme face à l’utilisation de la violente répression contre la magnifique grève des mineurs britanniques de mars 1984 à mars 1985, et qui a pu ainsi installer ses mesures anti sociales “libérales”. Elle instaurait ainsi durant des décennies une “paix sociale” que le prolétariat britannique aujourd’hui, pris à la gorge par l’inflation et la dégradation de ses conditions de vie, tente courageusement de briser.

La question désormais est de savoir quel chemin va prendre la lutte des classes dans un contexte où aucun parti prolétarien digne de ce nom, c’est à dire le Parti Communiste International, notre parti, ne peut guider physiquement aujourd’hui les travailleurs dans leurs luttes économiques, quand les syndicats ne sont pas conquis par nos militants et que trop peu de travailleurs n’entendent ni n’écoutent notre voix.