Parti Communiste International

juillet 2024
Les élections françaises
Le spectre du fascisme contre le mythe des libertés démocratiques

Face à la crise économique mondiale, les partis de droite et d’extrême droite avancent dans les pays “démocratiques” d’Occident. Et en France la victoire électorale, lors des élections européennes, du parti dit d’extrême droite de Mme Lepen, le rassemblement national, provoque la décision éclair du clan Macron, en perte de vitesse accélérée, d’une dissolution de l’assemblée et de nouvelles élections dans les semaines à venir. Un jeu de Poker encore une fois mais qui fait trembler les petits bourgeois devant lesquels on agite à grands renforts de spectacles médiatiques le chiffon noir du fascisme !

Où iront donc se perdre les électeurs entre d’un côté le “fascisme” du clan Lepen, soutenu par la multinationale de Mr Bolloré qui achète à tour de bras des chaînes de télé et de radio, des maisons d’éditions célèbres ; au milieu le clan Macron usé désormais par ses attaques accélérées contre les institutions publiques (éducation, santé) et sa politique étrangère hétéroclite ; et du côté “gauche” un ramassis de partis dits “de gauche” sous l’étiquette de “Front populaire” avec celui de Mr Mélenchon accusé d’antisémitisme en raison de son antisionisme et de son autoritarisme marqué par des nettoyages vigoureux de militants encombrants. Et surtout quel camp choisiront les financiers ? La CGT de Mme Binet s’en mêle aussi, appelant surtout à ne pas voter le RN, sachant qu’une partie de ses militants lui est favorable !! Quant à l’instabilité gouvernementale que l’on peut envisager en France, elle n’est pas en soi une impossibilité de gouverner, l’exemple de la Belgique qui est resté deux ans sans gouvernement en est une preuve incontestable.

Pour répondre vertement à cette situation “troublée” et “troublante” orchestrée de tout côté, nous citerons le texte de notre courant qui en juin 1926 présentait au 5ème congrès du PCF, parti en cours de stalinisation, une plate forme qui abordait en troisième partie les questions françaises. Nous sommes en 1926 (*); la France est confrontée à une poussée de la droite et de l’extrême droite. L’histoire ne se répète pas mais les moyens utilisés par les classes dominantes sont les mêmes !

« Le régime politique parlementaire est un régime parfaitement capitaliste et correspondant aux intérêts de la grande bourgeoisie mieux qu’à ceux de toute autre classe et couche sociale (…) Le schéma représentant la lutte parlementaire entre le Bloc National et le Cartel des Gauches comme le conflit pour le pouvoir entre la grande bourgeoisie et les classes moyennes est faux, ces dernières étant incapables de posséder un régime politique indépendant, et le Parlement n’étant pas, pour la critique marxiste, le lieu où des classes différentes perdent ou gagnent le pouvoir, mais au contraire l’organe propre pour l’exercice et la défense du pouvoir de la bourgeoisie capitaliste. Le phénomène politique du libre jeu parlementaire des partis démocratiques et radicaux ne correspond pas à une espèce d’abdication politique de la classe capitaliste, mais plutôt à une phase et à une allure particulière de son action contre la classe prolétarienne et le danger révolutionnaire. En cette phase, l’arme principale de cette lutte est la subordination de l’idéologie ouvrière à des formules et des organisations qui sont le produit original des milieux petit-bourgeois, mais en réalité correspondent aux buts et à la manœuvre de la classe capitaliste dirigeante, solidement installée non seulement dans une majorité parlementaire, mais à la tête de toute la machine de l’État. Cette méthode n’est pas la seule méthode de lutte de la bourgeoisie, et il est très possible que la crise économique s’élargissant, et une offensive patronale se dessinant, on constate un changement complet de programme dans le domaine politique ».

Et ainsi, concernant le fascisme : « Ce qui est essentiel, c’est de comprendre que le plan fasciste est en première ligne un plan contre le prolétariat et la révolution socialiste, que c’est donc aux ouvriers de devancer ou de repousser son attaque. C’est une conception erronée que de considérer le fascisme comme une croisade contre la démocratie bourgeoise, l’état parlementaire, les couches petites-bourgeoises et leurs hommes et partis politiques tenant la barre du pouvoir. Le schéma faux de la situation française et de sa perspective consiste dans la « guerre sainte » qui serait déclenchée contre le “danger” fasciste par la “démocratie” et son dernier mannequin, le Bloc des Gauches, en mobilisant les forces de l’État contre les premières forces fascistes “illégales”. Selon cette idée, le prolétariat ne devrait que donner l’alarme, prendre “l’initiative” – en voilà un mot à la mode – de cette lutte antifasciste, se battre avec les autres pour défendre les avantages d’un gouvernement “de gauche”, considérer comme but victorieux la faillite du fascisme en France, en réservant d’autres actions et d’autres conquêtes à lui seulement comme un deuxième acte de la lutte, comme l’effet d’une prétendue stratégie qui lui ferait dévoiler à ses alliés de l’antifascisme, mais entendons-nous bien seulement après coup, l’arrière-pensée de conquérir le pouvoir pour lui-même, la revendication de sa dictature.
     « Les choses sont bien autrement. Si le fascisme nous menace de près en France, ce sera parce que la révolution prolétarienne menacera la France bourgeoise droitière et démocratique tout à la fois. En ce moment là sans doute, les couches moyennes joueront un rôle, mais dans le sens qu’elles se rangeront avec celle des deux classes ennemies qui saura se montrer la plus forte et la plus capable de vaincre et de réorganiser, selon son programme historique, la vie sociale. La défense d’un statu quo ou bien l’expression d’antifascisme négatif à la place de l’anticapitalisme positif, sous prétexte de populariser avant – avant quoi ? – le parti prolétarien, sont dans une telle situation décisive, tout simplement réactionnaires ».

Et encore : « La tactique démocratique comme la tactique fasciste du capitalisme ont un but commun : éviter par tous les moyens l’action générale, unique, de la classe ouvrière sur toutes les questions soulevées par les situations : car dans ce cas les armes défensives de l’état bourgeois peuvent se révéler insuffisantes. Pour l’action unique de la classe ouvrière il faut entendre non le lieu commun d’un bloc de différentes organisations et mouvements politiques avec une direction centrale mixte et fictive, mais l’entrée en lutte du prolétariat dans toutes les villes et les villages, sans exceptions de catégories et de métiers : ce mouvement pouvant vaincre seulement si on parvient à l’animer par un programme unique et précis sous la direction d’un vrai parti révolutionnaire.
     « Pour atteindre ce résultat capitaliste, le Bloc des Gauches ménage des arrangements législatifs qui atténuent l’impression produite sur les masses par les épisodes et les tournants aigus de la crise, et à l’aide du parti socialiste et de la C.G.T. réformiste il fait ce qu’il peut pour localiser et isoler les conflits soulevés par les revendications prolétariennes ».


Rien à ajouter !!



* - Le cartel des gauches était une coalition électorale, constituée dans une cinquantaine de départements, pour les élections législatives de 1924 entre les partis radicaux (Partis radicaux indépendants, parti radical et radical socialiste, parti républicain socialiste) auxquels se joignirent des socialistes indépendants, et la SFIO (Parti socialiste, section française de l’Internationale ouvrière). Il s’agissait de battre le Bloc national formé d’une coalition des partis de droite et du centre, au pouvoir en France de 1919 à 1924, le bloc de Gauche obtenant un succès aux élections législatives de 1924 (327 sièges sur 581). Une véritable crise dans le milieu financier provoquait la chute du cartel de Gauche en 1926, le gouvernement Poincaré formé étant à forte majorité de droite et de radicaux, les socialistes, les communistes et les nationalistes intransigeants n’y participant pas. On assiste alors à une poussée anti parlementaire avec les mouvements de droite et des ligues d’extrême droite qui culminera en 1934 avec les conséquences de la crise économique issue du krach mondial de 1929, tandis qu’en Italie et en Allemagne, le fascisme se consolidait.