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23 Mai 2013
Le Bangladesh fait la une des colonnes de la presse internationale occidentale qui découvre, avec une horreur hypocrite, les conditions de travail épouvantables des ouvriers du textile du pays, à travers l’horrible catastrophe de l’effondrement d’une usine en avril dernier provoquant la mort de plus de 1200 travailleurs, principalement des travailleuses.
Rappelons d’abord succinctement l’histoire du Bangladesh. Il s’agit d’un pays du sous-continent indien situé au nord du Golfe du Bengale, quasiment enclavé dans l’Inde. Il est un des fruits pourris issus de la partition des Indes britanniques en 1947 quand il devint la partie orientale du Dominion du Pakistan, fondé sur la religion majoritaire l’Islam. Abandonné par le gouvernement central lors d’une catastrophe naturelle, après une guerre d’indépendance soutenue par l’Inde et son allié soviétique, le Bangladesh voit le jour en 1971. Il couvre 144 000 Km2, et avec 152 millions d’habitants offre une densité énorme (la plus élevée du monde) de 1059 habitants au Km2. Il a peu de ressources naturelles et est la proie fréquente de cyclones et d’inondations. Ses politiciens qui organisent une pseudo-république, sont parmi les plus corrompus du monde, et 40% des Bangladais vivent sous le seuil de pauvreté (146ème position sur les 182 classés selon l’indice du développement humain).
L’industrie textile y est apparue dans les années 1970, mais elle devait connaître un véritable boom dans les années 1990. Le Bangladesh est l’ultime héritier de l’ « aventure » mondiale de l’industrie textile supranationale qui recherche frénétiquement le pays-atelier où les profits pourront être les plus élevés, c’est-à-dire les salaires les plus bas possible : désormais le Bangladesh a le triste honneur d’offrir la main d’œuvre la moins chère de la planète ! Ce qui permet cette mobilité incroyable, c’est le faible investissement nécessaire pour s’implanter dans une zone à forte main d’œuvre, peu qualifiée et évidemment affamée. Ceci est plus compliqué et plus coûteux pour d’autres industries, comme l’industrie lourde, mais aujourd’hui tout est faisable pour le Capital talonné par la crise économique ! Le cycle se reproduit ainsi d’un pays à un autre. Une phase de croissance frénétique de l’industrie textile démarre aux frais d’une classe ouvrière surexploitée qui permet aux capitalistes de faire des profits faramineux progressivement réinvestis dans des secteurs produisant une plus forte valeur ajoutée. Le secteur textile décline alors, soit sous le poids des avancées sociales arrachées par le prolétariat, soit parce qu’un autre secteur industriel est plus avantageux au capital des entrepreneurs et des multinationales qui vont alors transférer dans un autre pays aux coûts de fabrication plus faibles l’industrie textile.
Le début de cette sinistre épopée textile démarre au Royaume Uni qui devint, grâce au coton de sa colonie indienne, l’atelier textile du monde au 18ème siècle ; puis celui-ci se déplaça dans le nord-est de la nouvelle démocratie des États-Unis au 19ème siècle, et au début du 20ème siècle dans le sud de ce beau pays où l’esclave noir était devenu désormais un salarié. Depuis 80 ans, ce sont les pays d’Asie qui sont entrés dans le sinistre jeu : le Cambodge, le Vietnam, l’Inde, le Sri Lanka, la Chine et pour finir le Bangladesh. De nombreux pays asiatiques ont ainsi amorcé leur phase d’industrialisation. En Europe, les multinationales du textile ont définitivement choisi de détruire l’industrie du textile national en mettant fin au protectionnisme et en offrant « aux pays les moins développés » un accès sans taxes ni quotas au marché de la communauté européenne : un cadeau fait essentiellement au Capital sur le dos du prolétariat asiatique et européen ! Voici encore un bel exemple de la phase impérialiste du Capital qui dès qu’il le peut s’assoit sur les intérêts de « sa » nation, et détruisant des emplois, licenciant les prolétaires « nationaux », court vers d’autres contrées plus alléchantes pour son profit et où le prolétariat est sans défense.
Le Bangladesh était en 2011 le troisième fournisseur de textile en Europe, derrière la Chine et le Vietnam, et en 2013, il prenait la deuxième place, supplantant la Turquie et l’Inde ! En 2011, l’industrie textile représentait 13% du PIB du pays. Ce secteur clé de l’économie du pays produit en 2012 80% de ses exportations (dont 85% vers l’Union européenne). Le Bangladesh concurrence en effet la Chine où les salaires des ouvriers textiles ont augmenté plus vite que prévu en raison de la combativité du prolétariat, et où les entrepreneurs visent d’autres secteurs encore plus lucratifs. Pour les multinationales qui s’occupent entre autre de textile, et qui incluent les grandes enseignes internationales de marque de vêtements, la Chine n’est plus un atelier « faste », sa main d’œuvre est plus exigeante et par conséquent les profits de ces grands monopoles sont plus bas. Le Bangladesh est devenu l’atelier géant de ces prédateurs avec ces trois à quatre millions de travailleurs répartis dans 5000 usines. Il a supplanté ses voisins indien, pakistanais, vietnamien, cambodgien ou indonésien. Les cabinets d’expertise américains prévoient que la production textile du Bangladesh devrait doubler d’ici à 2015 et tripler d’ici à 2020 !
Il n’est pas doté d’infrastructures solides, particulièrement dans les transports, l’électricité et les installations sanitaires, et les droits des travailleurs y sont encore peu « répandus », sans parler de l’utilisation du travail des enfants (13% des 7-14 ans selon l’ Unicef) ; les élégantes enseignes de vêtements s’en battent l’œil, ou agitent des faux semblants de code de bonne conduite, de garanties des conditions de travail, voire d’inspections, pour calmer les ligues de consommateurs « éthiques ». En outre la fantastique cascade de sous-traitance brouillent les liens entre les commanditaires et les ouvriers, faisant passer à la trappe la moindre velléité de droit du travailleur. Heureusement que le prolétariat bangladais n’attend pas après « les bonnes intentions » occidentales pour se défendre ! Et c’est bien de cela que le Capital a peur.
Ce prolétariat est essentiellement constitué de femmes, et représente 40% de la main d’œuvre industrielle du pays. Les premières qui ont répondu à l’appel étaient celles rejetées par la société islamiques, les répudiées, les veuves, les divorcées, puis les autres précarisées, comme la majorité de la population, ont suivi malgré l’hostilité des milieux traditionalistes musulmans : il était bien clair que ce travail féminin remettait en causes les structures patriarcales en émancipant les femmes qui peuvent dicter leurs conditions pour le mariage, fournir leur dot et choisir ainsi leur équipier marital ! Un des caractères émancipateur du Capital que nous marxistes avons souligné tant de fois.
Chaque matin, des millions de personnes prennent la route des 4000 établissements de la ceinture industrielle de la capitale Dacca. Plus des trois quarts sont des femmes (piqueuses, tailleuses, couturières, manutentionnaires). Les commanditaires sont les grandes enseignes textiles occidentales qui y ont délocalisé leur production ou passent par des intermédiaires.
Les conditions de travail sont tellement lamentables, les incendies des bâtisses délabrées et surpeuplées si fréquents, les salaires si bas, que des mouvements de protestation secouent sporadiquement le pays, ainsi que des émeutes de la faim comme celle survenue en 2008. Les révoltes tentent de combattre les entrepreneurs regroupés dans la BGMEA (Association Bangladaise des fabricants et exportateurs de textile). Systématiquement réprimées par les forces armées, ces manifestations se traduisent par des dizaines de morts et des centaines de blessés. Les syndicats et leurs militants sont régulièrement réprimés. En 2011, les manifestants réclamaient 51 euros par mois contre les 17 qu’ils recevaient – pour des horaires de 80 heures par semaine, voire 18h par jour en cas de commande urgente –, afin de compenser l’inflation touchant les denrées de première nécessité (Au Vietnam, les ouvriers gagnaient alors 75 euros et en Inde 112 euros) et réclamaient aussi de meilleures conditions de travail. En novembre 2010, l’accord élaboré faisait passer le salaire minimum à 30 euros, alors que l’Asia Floor Wage, association régionale réclamant des salaires décents pour les ouvriers du textile, estimait le revenu minimum vital à 144 euros mensuels. Mais cette dernière législation ne devait pas être mieux respectée que les précédentes.
La catastrophe du 24 avril dernier dans laquelle un édifice, le « Rana Plaza », abritant cinq ateliers de confection et employant plus de 3500 ouvriers, s’est effondré, était prévisible. La vétusté avait été dénoncée de nombreuses fois par les travailleurs qui constataient l’aggravation progressive des failles murales qui allait conduire à l’écroulement du bâtiment. Chronique d’un massacre annoncé ! Plus de 1100 victimes sacrifiées sur l’autel du profit capitaliste ! Même les plus endurcis ne purent fermer les yeux devant l’hécatombe ! Les prolétaires, principalement des femmes dans un pays musulman, se firent entendre et des manifestations quasi-quotidiennes empêchèrent les usines de textile de fonctionner normalement. Les ouvriers avaient débrayé à 80% dans la zone industrielle de Ashulia près de Dacca pour demander des hausses de salaire et réclamer l’exécution du propriétaire de l’immeuble. Début mai la BGMEA faisaient fermer les usines travaillant notamment pour des grandes marques américaines (Wal-mart, Gap), britanniques (Mark and Spencer, C and A), suédoises (H&M), espagnoles (Zara), françaises (Carrefour, Auchan, Lecler), italienne (Benetton), au motif de « troubles au sein de la main d’oeuvre », et un accord était signé précipitamment entre les confédérations syndicales « mondiales », l’IndustriALL Global Union1 (organisme international qui revendique 50 millions de travailleurs dans 140 pays) et l’UNI Global Union2 (qui revendique 20 millions de travailleurs et 900 syndicats dans 150 pays) et 31 marques occidentales d’habillement afin de renforcer la sécurité des usines textiles ; cet accord était finalisé depuis septembre 2012 mais les multinationales traînaient les pieds ! Le 17 mai, les usines fermées étaient rouvertes, bien que l’accord ne concernât en fait que 1000 usines sur les 5000 que comptent le pays, et que certains commandaires commes les américains Gap et Wal-Mart et le français Auchan refusaient de signer.
Les multinationales doivent être bien inquiètes pour leurs dividendes et cherchent déjà une sortie, un autre prolétariat à exploiter dans un pays susceptible d’offrir des coûts de travail aussi bas. Peut-être la Birmanie voisine, l’Éhiopie, le Kenya ? Même l’Afrique, estime le New York Times cité par le Monde, où le coût de la vie est trop élevé pour que les salaires soient plus faibles qu’au Bengladesh, ne semble envisageable. Et d’ailleurs il faut penser aussi à la stabilité politique du lieu. Il va falloir rogner sur les bénéfices et au final faire payer plus cher le consommateur occidental.
Citons d’ailleurs les « dignes » déclarations de la spécialiste des affaires économiques de la Commission européenne à Dacca qui s’est exclamée : « Tout relève de la responsabilité des propriétaires d’usine, des acheteurs et, au final, des consommateurs. Ceux-ci achètent un sweat-shirt six euros, ils doivent se douter qu’il a été fabriqué par des personnes qui travaillent dans de mauvaises conditions ! » Au final, les consommateurs seraient-ils les vrais coupables ? Voilà la rhétorique de nos bourgeois puritains, puritains pour les salariés, mais pas pour eux qui encaissent les plus gros profits !! Le salarié qui voit son niveau de vie diminuer est pris en otage dans cette vaste escroquerie dans laquelle il serait tout à fait souhaitable pour nos possédants que les prolétariats se divisent entre eux au lieu de s’unir. Il ne s’agit pas de nier que malheureusement une partie du prolétariat occidental, celui qui a des réserves, améliore son niveau de vie en profitant – mais tellement moins que nos capitalistes moralisateurs – de l’exploitation des prolétaires asiatiques, quand il n’est pas carrément intoxiqué par l’illusion de la richesse avec tous ses gadgets informatiques, aux dix mille programmes mystérieux, fabriqués dans les fourmilières chinoises, ou par les voyages low cost enveloppés des illusions de faux paradis, les croisières où vous êtes servis « comme des princes et des princesses » par un personnel philippin réduit pratiquement en esclavage, ces montagnes de vêtements « soldés » pour couvrir son mal-être et ses frustrations quotidiennes, et j’en passe et des meilleurs. Le réveil sera douloureux, car la pléthore de marchandises à « bas prix » qui nous arrivent ainsi fabriqués par les prolétaires du monde non occidental n’est que le symptôme d’une surproduction dont le Capital ne sait que faire. La crise économique avance à grand pas et la taupe fait son travail de sape. Le prolétariat occidental doit retrouver le chemin de la lutte des classes, combattre son seul ennemi, le capital et ses mercenaires bourgeois qui vivent du sang des travailleurs, occidentaux et du reste du monde, afin de retrouver toute son humanité et sa générosité !
Les monopoles, que l’on appelle aujourd’hui des multinationales, ces grandes entreprises industrielles adossées à de très grandes banques, ne connaissent pas de frontières, elles ont à leur disposition le prolétariat du monde entier qu’elles peuvent exploiter à leur convenance.
Le prolétariat est international et doit s’organiser sur le plan
syndical
et politique à l’échelle international en vue de renverser par la force
des armes la bourgeoisie, cette classe de parasites, afin d’abolir les
rapports de production capitaliste. Seulement alors, sous l’action de
la
dictature du prolétariat pourront disparaître les classes et
l’oppression
de classe.
IndustriALL Global Union représente 50 millions de travailleurs des secteurs miniers, de l’énergie et de la manufacture dans 140 pays et constitue une nouvelle force dans la solidarité mondiale continuant le combat pour de meilleures conditions de travail et pour les droits syndicaux dans le monde entier.
IndustriALL défie le pouvoir des compagnies multinationales et négocie avec ces dernières au niveau mondial. IndustriALL se bat pour un autre modèle de globalisation, une nouvelle économie et un nouveau modèle social qui mettrait la priorité sur le peuple, basé sur la démocratie et la justice sociale.
IndustriALL a pour but de :
- Construire un syndicat plus fort
- Organiser et augmenter le nombre de membres du
syndicat
- Se battre pour les droits syndicaux
- Combattre le travail précaire (y inclus le travail
sous contrat et en agence)
- Bâtir un pouvoir syndical en vue de confronter le
capital mondial
- Promouvoir une certaine politique industrielle et de
la durabilité
- Promouvoir la justice sociale et la globalisation
- S’assurer du respect de l’égalité de droits et de
la participation des femmes
- Créer des places de travail sûres
- Améliorer la démocratie et inclusivité
Fondée le 19 juin 2012, cette nouvelle organisation rassemble les affiliées des anciennes fédérations mondiales syndicales : la Fédération internationale des Organisations de travailleurs de la Metallurgie (FIOM), la Fédération internationale des syndicats des travailleurs de la Chimie, de l’Énergie, des Mines et Industries diverses (ICEM) et la Fédération internationale des Travailleurs du Textile, de l’Habillement et du Cuir (FITTHC)
IndustriALL Global Union représente les travailleurs dans un vaste choix de secteurs allant de l’extraction pétrolière et gazière, des mines, de la production et distribution du courant électrique, à la manufacture des métaux et des produits métalliques, la construction navale, automobile, aérospatiale, de l’ingénieurie mécanique, électronique, chimique, du caoutchouc, de la pâte à papier et du papier, de la construction de matériaux, des textiles, des vêtements, du cuir, des chaussures et des services environnementaux.
2. Sur le site : http://www.uniglobalunion.org : syndicat mondial des compétences et des services
UNI a signé 43 accords mondiaux avec les multinationales afin qu’elles reconnaissent les droits des travailleurs en Afrique, dans les Amériques, en Asie-Pacifique et en Europe. Le plan “aller de l’avant” souligne l’importance des accords mondiaux pour établir une force syndicale dans les multinationales.
Comment sommes-nous arrivés là ? UNI a été créé le 1er janvier 2000, par des membres de l’Internationale des communications, de la FIET (fédération syndicale des travailleurs non manuels et des services), la Fédération graphique internationale et l’Internationale des médias et du spectacle (MEI).