Parti Communiste International


Le mouvement social en France 2019‑20
UNE CLAMEUR DE CLASSE


(20 février, complété le 5 mai 2020)

1 - Le projet de loi sur le régime des retraites : la grande casse continue !
2 - Le mouvement de grève s’inscrit dans une situation de luttes sociales
3 - Les nombreux syndicats de salariés français
  
3.1 - Les cinq confédérations syndicales représentatives de salariés
  
3.2 - Les autres syndicats non représentatifs au niveau national
  
3.3 - Les syndicats à la SNCF et à la RATP
   3.4 - Le droit de grève et le service minimum
  
3.5 - Les « coordinations » dans les luttes précédentes
  
3.6 - Le recul des grèves et des conflits depuis les années 1970
  
3.7 - Les militants du NPA ou Nouveau parti anticapitaliste et ceux de LO Lutte Ouvrière sont très actifs dans le mouvement des grèves de 2019‑20
4 - Les travailleurs RATP embrayent le mouvement en septembre 2019, les direction syndicales vont suivre avec prudence !
  
4.1 - Le vendredi 13 septembre 2019, les travailleurs de la RATP démarrent
  
4.2 - Les cheminots de la SNCF suivent la RATP avec une grève de 10 jours sans préavis : la grève auto organisée des cheminots du centre Technicentre TGV Atlantique fait plier la direction SNCF
  
4.3 - Les directions syndicales suivent le mouvement sans en prendre la tête
  
4.4 - Le mouvement s’étend à de nombreux secteurs : il est interprofessionnel !
5 - les directions syndicales CGT, FO, SUD et FSU « laissent faire » la base et continuent à négocier avec le gouvernement, malgré la combativité du prolétariat français.
6 - La trêve de Nöel imposée par le gouvernement est acceptée sans sourciller par l’Intersyndicale !
7 - Le reflux de la grève des transports
8 - Une bataille est peut‑être perdue mais le combat continue


Saluons le courage et la détermination des grévistes des transports terrestres dont la grève a commencé le 5 décembre 2019 pour se terminer le lundi 20 janvier 2020 après 50 jours de grève. Grâce à eux, le projet de réforme des retraites présenté comme une « avancée », une réforme progressiste, par le pouvoir est désormais dénoncé par tous, média officielles comprises, comme une détérioration catastrophique du système actuel et donc comme une formidable attaque contre les travailleurs ! Le gouvernement montre son vrai visage en affirmant sa détermination et en utilisant une répression féroce, policière, disciplinaire, judiciaire : il ne défend qu’une seule classe, la grande bourgeoisie industrielle, financière et foncière qui vit de l’exploitation des travailleurs !!


1 - Le projet de loi sur le régime des retraites : la grande casse continue !

En résumé : diminution drastique des montants des retraites pour tous (secteur public et privé), départ à la retraite retardé, suppression des acquis de pénibilité du travail, encouragement à la capitalisation de l’épargne pour les plus riches. 

Le projet en abolissant de nombreuses dispositions concernant la pénibilité dans le travail, en proposant un âge de départ dit âge pivot ou d’équilibre financier de 64 ans, avec l’existence d’un malus si on part à l’âge légal de 62 ans, allonge de fait l’âge de départ, en sachant qu’ une bonne partie des retraités aux métiers les plus pénibles mourront avant les autres et que le chômage en France touche beaucoup les seniors ! Le gouvernement propose son projet de réforme des systèmes de retraite avec un passage d’un système où l’on se base pour calculer la retraite sur la moyenne des 25 meilleures années dans le privé et les six derniers mois dans le public à un système par point, basé désormais sur toute la carrière, soit 43 ans au moins ; et cela au nom de l’égalité, de l’universalité, alors qu’il va conduire à une aggravation des inégalités ! Les salariés du secteur privé cotisant au régime général et ceux du public, nés après le 1er janvier 1975, basculent dans un système « universel » à point (avec une seule caisse contre 54 régimes différents à ce jour) au 1er janvier 2025 et ceux nés après le 1er janvier 2004 basculeront dès le 1er janvier 2022. Il s’agit de réaliser 12 milliards d’euros d’économies pour 2027 et de plafonner les dépenses de retraites à 13% du Produit intérieur brut, voire moins (déjà dans le projet l’on est passé de 13,8% à 13%). Quant au déficit des caisses, il est créé en bonne partie par le tarissement des recettes engendrées par des décisions antérieures du gouvernement comme l’allègement de cotisations pour le patronat, et par les réformes en cours et à venir comme la diminution du nombre de fonctionnaires, l’exonération des cotisations pour les très hauts salaires au‑delà de 10 000 euros bruts mensuels. Et le montant de la retraite dépendra de la conversion du point et ceci sans avoir de garanties pour la valeur du point au moment de la retraite ! Les articles parus dans la presse militante mais aussi celle la plus médiatique pour démonter les innombrables mensonges du projet et en montrer les véritables effets ne se comptent plus !!

En diminuant le niveau des retraites, le gouvernement encourage ainsi la capitalisation de l’épargne pour les plus riches, pour ceux qui veulent se préparer une « meilleure » retraite en investissant dans des assurances, des fonds de pension, et des professionnels de l’investissement comme l’investisseur américain Black Rock dont les représentants sont régulièrement reçus à l’Elysée. Et ce n’est donc pas un hasard si la loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) adoptée au printemps 2019 promulgue des avantages fiscaux pour ce type d’investissement !

Le projet de réforme des retraites est présenté en juillet 2019 par le haut commissaire à la réforme des retraites, Jean Paul Delevoye qui depuis 2 ans prépare le projet, et en septembre 2019 ce dernier est nommé au gouvernement (il devra démissionner en décembre 2019 suite à des révélations sur ses multiples activités, dont celles dans le milieu des assurances !!).


 2 - Le mouvement de grève s’inscrit dans une situation de luttes sociales

Depuis plusieurs décennies et le virage « néolibéral » au niveau mondial des années 1980, la destruction du système social et juridique de protection des travailleurs, le démantèlement avec leur privatisation des services publics (transports, PTT divisée en 1990 en Poste et Télécommunication, énergie, hôpitaux, éducation, aéroports, ports, etc.) et l’ouverture à la concurrence au niveau mondial est en cours. Les projets de réformes du régime de la sécurité sociale et donc des retraites ont été proposées par les gouvernements successifs qui ont réussi à éroder lentement mais sûrement les acquis des travailleurs. Dans d’autres pays comme l’ Italie, certaines réformes sont passées sans coup férir depuis les années 90. En France, l’après 1995 a connu de nombreux mouvements sociaux qui pour la plupart n’ont pu ou très partiellement empêcher les réformes de se faire. Il en est ainsi des mouvements concernant les retraites (2003, 2010), les réformes du Code du travail (2016, 2017) ou la réforme de la SNCF (2018). Depuis 2016, avec la contestation de la loi travail El Khomry, les conflits sociaux n’ont pratiquement pas cessé avec de nombreuses protestations sectorielles et populaires (comme le mouvement des gilets jaunes) qui se sont exprimées face à la charge au galop du gouvernement Macron contre toutes les fonctions publiques. Et le mouvement actuel avec ses 50 jours de grève des transports en est encore un bel exemple ! Il s’inscrit par ailleurs dans un contexte de crise économique mondiale et dans une série de contestations parcourant un nombre croissant de pays (Chili, Liban, Irak, Iran, Algérie, etc.).

Dans la foulée de la colère des « gilets jaunes » – composés de différentes couches de population en voie de paupérisation – de 2018‑19, désabusés par les partis politiques et les grands syndicats, la fronde gagne désormais les travailleurs. Les travailleurs du secteur public de la SNCF (Société nationale des chemins de fer) et de la RATP (Réseau autonome des transports parisiens : métro, RER, bus de la région parisienne) sont évidemment visés par la réforme de la retraite puisqu’ils bénéficient d’un départ anticipé. Mais les restructurations en cours de leur entreprise ont déjà fragilisé une bonne partie de leurs acquis, en ouvrant l’entreprise aux capitaux privés, aux entreprises qui sous traitent une partie de leur activité, principalement à la SNCF. La grève actuelle fait suite aux actions désastreuses par leur inefficacité des journées de grève dispersées et des « grèves perlées » ferroviaires (programmées durant quelques jours par mois), journées soi‑disant « de lutte », orchestrées par les directions syndicales en 2018.


 3 - Les nombreux syndicats de salariés français

Par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne, le paysage syndical français est beaucoup plus varié. Une partie de ces syndicats semble aujourd’hui « résister » à l’intégration réformiste de coexistence pacifique et de « dialogue social » avec le patronat !! Le taux de syndicalisation en France tourne autour de 11% – contre 30% des actifs en 1950 – pour l’ensemble des salariés selon le ministère du travail, et est le plus bas d’Europe. Voyons cela de plus près.


 3.1 - Les cinq confédérations syndicales représentatives de salariés

La représentativité des confédérations parmi les travailleurs salariés est basée sur les élections professionnelles. Mais soulignons que ces élections professionnelles ne sont guère utilisées par les travailleurs (50% d’abstentions), que le taux d’adhésion à un syndicat était de 25% dans les années 1970 et aujourd’hui entre 7 et 11%. En effet le système du paritarisme employés-employeurs (1) à la française n’encourage pas les adhésions puisque les centrales syndicales sont généreusement rémunérées par ce système (2) !

La CGT a été touchée plus que les autres par ces élections : en effet, elle était surtout implantée dans l’économie industrielle qui a beaucoup diminué avec les délocalisations hors de France, puis la série de réformes du paritarisme qui rémunère les syndicats à un taux deux fois supérieur au financement des partis politiques. Les syndicats ont ainsi suffisamment de ressources pour vivre sans les adhésions, d’où parfois une course aux postes pour les militants « permanents » du syndicat qui sont rémunérés par les entreprises, que ce soit des militants de base, ou fédéral !! En 2017, les résultats de la représentativité syndicale au niveau national public-privé étaient : 26,39% pour la CFDT, 24,85% pour la CGT, 15,60% pour FO, 10,69% pour CFE‑CGC, 9,48% pour la CFTC, 5,35% pour l’UNSA, 3,46% pour Solidaires, 3,99% pour les autres listes.

Les confédérations sont considérées comme représentatives en 2019 selon le décret interministériel (elles peuvent signer des accords professionnels à l’échelle nationale ou inter professionnelle) si elles ont recueilli au moins 8% des suffrages exprimés lors des élections interprofessionnelles nationales. Ce sont la CGT et FO considérées par les média comme les plus « combatives » puis les CFDT, CFTC et CFE‑CGC pour celles ouvertement réformistes. Elles sont toutes affiliées à la CES (confédération européenne syndicale liée à l’union européenne et qui prône le « dialogue social » travailleurs-patronat). Les autres organisations syndicales inter professionnelles ont des droits de représentativité plus réduits, mais elles sont représentatives pour une branche si elles obtiennent une audience de 8% dans la branche d’activité (métallurgie, chimie, santé, commerce, etc.) : l’UNSA, Union syndicales Solidaires (qui regroupe les différents SUD et le syndicats du groupe des dix), la FSU (Fédération syndicale unitaire), la CNT (confédération nationale du travail : syndicalisme révolutionnaire et anarcho-syndicalisme, créée en 1946, se réclame de la CGT des années 1920), et le CAT (Confédération autonome du Travail née en 1947 suite à l’explosion de la CGT). La CFDT est représentative dans toutes les branches de plus de 50 000 salariés, de même la CGT (sauf dans les établissements privés catholiques !).

Ainsi Aux élections professionnelles de la fonction publique de fin 2018 (avec un taux de participation de 50% ! recul de 3% par rapport à 2014), la CGT recueille 21%, la CFDT 19% et FO 18%, UNSA 11,2%, la FSU 8,6%, Solidaires 6,4%. Dans le privé (élections de 2017), c’est la CFDT qui est en tête avec 26%, la CGT 24%, FO 15%. La CGT reste donc en tête dans la fonction publique mais son recul permet à la CFDT de se hisser à la première place, privé et public confondus.

La CFE‑CGC, confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres – a été fondée en 1944. Longtemps considérée comme ouvertement réformiste, il est à noter qu’en raison de l’érosion du niveau de vie des classes moyennes, elle est devenue plus critique, et dans le mouvement de 2019, elle siège pour la première fois dans une intersyndicale aux côtés de la CGT et de FO !!

La CFTC, confédération française des travailleurs chrétiens, réformiste, a été fondée en 1919. Elle revendique 135 000 adhérents.

La CFDT, confédération française démocratique du travail, affiliée à la CES est désormais la première dans le secteur privé et première au niveau national. Elle provient de la CFTC. En 1964, pour déconfessionnaliser le syndicat, la majorité scissionna pour fonder la CFDT, tout en prônant l’autogestion des entreprises. Elle se rapprocha en 1965 du Parti socialiste unifié de Michel Rocard, puis du Parti socialiste de François Mitterrand et devint clairement un soutien gouvernemental dans les années 80 en revendiquant un syndicalisme de partenariat social. Face à ce virage à droite, les contestataires (extrême gauche) furent exclus. Les premières exclusions apparurent dès 1978 avec la section PTT (3) Lyon‑gare, puis en 1980 la grosse section d’Usinor à Dunkerque lors de la restructuration de la sidérurgie, et encore en 1985 à Air Inter. La grande grève des cheminots de 1986 annonçait un renouveau des luttes avec les coordinations (voir plus loin), qui réapparurent lors des luttes des écoles primaires en 87, de la Poste et des infirmières en 88. En novembre 88 le syndicat CFDT Santé de la région parisienne était suspendu par la direction puis exclu et donnait naissance au syndicat Coordonner-Rassembler, Construire CRC Santé qui rejoint plus tard SUD. La CFDT est désormais une confédération au fonctionnement très centralisé – ce qui n’est pas le cas de la CGT actuelle – ouvertement réformiste, et qui s’est débarrassée des militants d’extrême gauche, partis investir les syndicats dits « combatifs » : CGT, SUD et FO !

La CGT, confédération générale du travail, a été créée en 1895. Elle participe à la constitution du conseil national de la résistance CNR en 1943 : elle appuie la résistance pendant la guerre, et la mise en place de la sécurité sociale des travailleurs en 1945, adhère à la FSM (Fédération syndicale mondiale (4)) et est contrôlée par le PCF. Une minorité opposée à la soumission au PCF se détache pour fonder en 1947 la confédération CGT‑Force Ouvrière. Mais dans les années 1990, la CGT effectue un virage accompagnant la désintégration de l’Union soviétique. Avec l’arrivée de Bernard Thibault à sa tête, elle affiche son autonomie du PCF et se montre plus conciliante vis à vis des pouvoirs publics. En 1995, elle quitte la FSM pour rejoindre la CES (confédération européenne des syndicats) liée à l’union européenne et qui pratique le « dialogue social » au niveau européen. Mais une de ses principales fédérations, celle de la chimie, et la CGT agro‑alimentaire adhèrent toujours à la FSM ainsi que d’autres syndicats régionaux ou locaux comme la CGT énergie de Paris, la CGT cheminots de Versailles, etc.... Depuis 1995, aucun appel national à la grève n’a été lancé par la Confédération et les manifestation unitaires l’ont été sous l’œil vigilant de la CES. En 2015, la CGT est en pleine crise interne. Le nouveau secrétaire général élu, Philippe Martinez, ex secrétaire de la fédération de la métallurgie, premier secrétaire à ne pas appartenir au PCF, en s’appuyant sur les fédérations les plus protestataires, comme l’agroalimentaire et la chimie (5), va prôner un syndicalisme de lutte, va tenter de fédérer autour de lui une partie de la base en radicalisant son discours. Dans les faits, il est tout aussi « conciliant » et prêt à la négociation avec le pouvoir que son prédécesseur ! Il exerce une direction ferme, tout en demeurant « prudent » vis à vis de l’extrême gauche présente dans la CGT, d’autant qu’elle lui sert d’alibi de radicalité ! La CGT signe 70% des accords d’entreprises, accords qui ne sont pas toujours favorables aux travailleurs ! De 1945 aux années 1990, le courant PCF a dominé cette organisation, mais si l’influence du PCF existe toujours surtout au sein de la direction, des courants trotskistes ont pénétré les sections (les lambertistes qui tiennent une partie de FO y sont également présents, mais aussi les militants de LO et du NPA). En 2016, la directrice de cabinet de Philippe Martinez, Elsa Conseil, était une ex membre du NPA. Cette présence de l’extrême gauche marque donc une radicalisation de la base. La centrale de la CGT, tout en continuant à imposer des journées de protestation organisées par le haut, pratique désormais la politique de « l’accompagnement » des luttes demandées par la base lors d’assemblées générales : les décisions se prennent localement (sections syndicales de base poussées par les travailleurs), et la direction confédérale en chapeautant ces luttes locales les « accompagne » sans les organiser entre elles, ce qui a pour conséquence l’absence d’ unification et de centralisation des luttes. Les luttes restent ainsi dispersées et éparpillées, ce qui évidement en diminue la dynamique. 

En effet, la direction nationale de la CGT ne cherche plus à contrôler sa base comme elle le faisait jusque dans les années 2000. Avec la fin d’un contrôle étroit de la CGT par le PCF, des tendances politiques différentes ont pu s’exprimer en son sein. Avec un retour très net au fédéralisme, chaque union locale et chaque syndicat est autonome au niveau local. Un certain nombre de dirigeants de la CGT au niveau local sont des militants d’extrême gauche : Philippe Poutou (militant LO jusqu’en 1997, passé en 2000 à la LCR et actuellemet à la tête du NPA), ouvrier, dirige en 2019 la CGT à l’usine Ford en gironde, qui va fermer ses portes. Il y a aussi Claude Jenet qui figure parmi les quatre dirigeants du POI, parti lambertiste (6) aux côtés de Jean Markun, secrétaire général de l’union fédérale CGT des mineurs de fer de lorraine. Aujourd’hui la CGT se présente comme une organisation peu centralisée où l’application par les sections d’une décision de la direction est l’exception et non la règle et où chacun, à son niveau, peut se concocter « sa manière d’être CGT », sa doctrine et son credo. Les groupes d’extrême gauche y sont actifs comme les militants du NPA et de LO. Et les actions les plus radicales du mouvement de décembre 2019-janvier 2020 est le fait de sections locales à travers le pays, comme ce fut déjà le cas dans le mouvement de 2016. Mr Martinez parle de démocratie syndicale où la base des militants peut librement s’exprimer et décider ! Quant à lui, il suit le « mouvement », avec sa direction et ses milliers de permanents ! Mais que ferait‑il donc si la vague emportait tout devant elle ?

D’autres courants contestataires existent au sein de la CGT. La CL‑CGT : ou « Continuer La CGT » : pour un syndicalisme de lutte de classe et de masse a été fondée en juin 1995 comme courant interne et externe à la CGT à Paris au cours d’une Assemblée générale de militants CGT avec des syndicalistes de la FSU (enseignants) afin de lutter contre la stratégie réformiste de la CGT et la fuite de militants vers d’autres syndicats comme SUD. Une association « Les amis de la CL CGT » permet l’adhésion de militants non CGT. Cet organisme est adhérent à la FSM. Un autre courant contestataire réclame un retour à la lutte des classes de la belle époque du stalinisme : Front Syndical de classe ou FSC (7), créé en 2005 par des militants CGT et FSU, le syndicat CGT‑Dalkia (entreprise d’énergies renouvelables alternatives, filiale du groupe EDF), partisan de l’adhésion à la FSM, a des adhérents dans 28 départements et dans divers secteurs d’activités (métallurgie, livre, énergie, transports, santé, poste, etc) ; ses militants sont issus du PRCF, Pôle de renaissance communiste en France, créé en 2004 au sein du PCF, pour s’opposer à la mutation opérée par le PCF dans les années 1990  et qui prône un retour à l’époque « stalinienne  de la lutte de classe » (sic !!), et aussi à l’indépendance nationale par rapport à Bruxelles. Dans le mouvement actuel de décembre 2019‑20, le FSC rejoint la CGT et l’intersyndicale. En cohérence avec le courant politique dont elle se réclame, la FSC promulgue des revendications syndicales empreintes de nationalisme avec des slogans de « made in France » et de défense contre « l’oligarchie... germano-américaine ». Il existe également en Italie des courants similaires, comme par exemple les dirigeants d’un syndicat de base l’ USB, qui en plus ajoutent aux ennemis à combattre l’Union européenne menée par la locomotive franco-allemande, y opposant le projet d’un bloc d’État bourgeois centrés sur la méditerranée !

Le groupe « Front social » (8), créé en mai 2017 avec l’arrivée de Macron à la présidence, est une coordination composée de sections syndicales contestant l’inertie de leurs directions (dont 46 syndicats CGT : énergie paris, info’com‑CGT (9), etc..., et 39 syndicats de SUD et solidaires,1 FSU, 9 CNT, 3 UNEF), associations, collectifs, « médias alternatifs », de militants qui critiquent les directions syndicales et leur passivité vis à vis de la politique « libérale » du président Macron. Cette organisation revendique une solidarité inter‑catégorielle et interprofessionnelle pour mettre un point d’arrêt « aux réformes destructrices des acquis sociaux et de des services publics. »

Quoiqu’il en soit, le nombre des adhérents de la CGT (600 000 adhérents surtout dans le secteur public) s’érode lentement et son score aux élections professionnelles baisse : fin 2018 la CGT a cédé sa première place nationale (dans les secteurs public et privé cumulés) à la CFDT. Son recul est plus net dans le secteur privé, mais elle reste en tête dans la fonction publique (la première fédération de la CGT est celle des services publics avec 80 000 adhérents au niveau national, dont 14 syndicats à Paris). La CGT compte 20 000 syndicats groupés par branche en fédération. Lors de son 52ème congrès en mai 2019 à Dijon, la CGT, bousculée par le mouvement des « gilets jaunes » qui lui a ravi le flambeau de la contestation sociale et par des dissidences internes, en perte de vitesse aux élections professionnelles, doit faire un bilan et clarifier sa ligne et ses actions. Hostile au mouvement des gilets jaunes qu’elle jugeait « populiste », lors de ce congrès, l’opposition à la direction s’est montrée offensive et la direction syndicale a dû reculer sur certains points, ouvrant le débat sur l’adhésion à la FSM. Face à une organisation hétérogène et non centralisée qui ne réussit pas à se doter d’une direction nationale réellement de classe, apte à coordonner, à unifier, à étendre, en bref à diriger les luttes économiques, et sans la présence d’un parti de classe influent en son sein, la direction nationale actuelle de la CGT réussit jusqu’à aujourd’hui à se maintenir grâce à son art de louvoyer dans un verbiage pseudo radical et dans celui d’ étouffer les luttes en les épuisant inexorablement. Les congrès se succèdent, les oppositions y sont de plus en plus manifestes et déterminées à « reconquérir » le syndicat, mais la direction syndicale résiste hardiment. Après avoir été longtemps proche du patronat, FO adopte dans les années 1980 un discours plus combatif.

FO Force ouvrière, créée en 1947 d’une scission de la CGT avec des appuis financiers des syndicats américains (avec l’aide de la CIA), elle fut rejointe par les opposants au PCF, des exclus de la CGT (contrôlée alors par le PCF) dont les trotkystes, les anarco-syndicalistes, les anarchistes (CNT), et des militants gaullistes, et autres partis de droite, et dans les années 70 des militants du PCF. Elle revendique donc son indépendance par rapport aux partis, son républicanisme et son réformisme. Elle garde aujourd’hui cette hétérogénéité de courants, accueillant également des militants d’extrême droite (à la CGT et CFDT, la ligne est ouvertement anti extrême droite ou anti Marine Le Pen, cette dernière ayant même soutenu FO). Elle est la troisième organisation syndicale représentative derrière la CFDT et la CGT. Longtemps dominée par les socialistes, elle accueille des militants anarchistes de la CNT, des trotskistes du parti lambertiste et de Lutte Ouvrière. Elle est peu implantée dans le secteur privé. Elle fonctionne de façon fédéraliste, décentralisée, comme la CGT, les directions syndicales ayant une grande autonomie. Dès 1995, des rapprochements entre la CGT et FO qui depuis des décennies se faisaient la guerre (FO s’opposait par exemple à l’entrée de la CGT en 1999 dans la CES !) dans les luttes se firent de plus en plus souvent, impulsés surtout par le courant lambertiste ; certaines fédérations FO comme celle de la métallurgie y était très hostile. En 2018, l’organisation traversait une crise interne profonde où furent dénoncés des abus financiers commis par des cadres mais qui cachaient des divergences entre les courants politiques réformistes et plus contestataires dont celui trotkyste. Son dirigeant actuel Yves Verrier ne fait pas partie du trotkysme, mais est favorable à un syndicalisme plus « combatif » et de rapprochement avec la CGT. On évalue le nombre d’adhérents à environ 500 000 et est la 3ème confédération public-privé au niveau national, surtout implantée dans le secteur public et de santé, et est membre de la CES depuis.


3.2 - Les autres syndicats non représentatifs au niveau national

UNSA : union nationale des syndicats autonomes, créée en 1993, avec les fédérations de l’éducation nationale, des transports, des chemins de fer. En 2001, 8000 adhérents (caisse d’épargne, personnels des chambres de commerce) appartiennent à l’UNSA. Elle s’affiche comme réformiste, membre de la CES et dans le public elle est à la 4ème place avec 11% aux élections professionnelles de 2018. L’Unsa‑RATP et ferroviaire sous la poussée de leur base durant le mouvement de 2019‑20 désavoueront leur direction confédérale.

L’Union syndicale Solidaires‑SUD, est constituée en 1981 en groupe des dix, G10, avec dix organisations syndicales autonomes non confédérées (Fédération autonome de la défense nationale créée en 1947, des transports créée en 1954, des agents de conduite de la SNCF ou FGAAC créée en 1885, de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire créée en 1945, des syndicats de police créée en 1969, des fonctionnaires créée en 1949, syndicat nationale des contrôleurs du trafic aérien créé en 1965, syndicat nationale des journalistes créé en 1918, syndicat national des impôts créé en 1962). Elle devient l’Union syndicale Solidaires‑SUD en 1998 pour structurer l’ex G10 avec une multiplication des syndicats SUD (Solidaires Unitaires Démocratique) et compte 80 000 adhérents en 2004 ; la LCR y est très active. SUD PTT est fondé en novembre 1988 suite à l’exclusion par la CFDT de nombreux syndicats PTT de l’île de France investis dans la coordination des infirmières de 1988, et la grève des « camions jaunes » (octobre-novembre 1988). SUD PTT participe à la création de AC (agir ensemble contre le chômage), puis est membre fondateur de l’association altermondialiste ATTAC (association pour la taxation des transactions financières et l’aide aux citoyens). En 1995, SUD est en première ligne dans le combat contre la réforme Juppé et d’autres secteurs le rejoignent en quittant les fédérations de la CFDT(SUD Rail) ou de FO et de la CGT : SUD éducation, SUD étudiant, Sud culture, Sud auto, Sud chimie Michelin, Thomson, etc. Si les syndicats SUD apparaissent plus « radicaux » que la CGT, ils rejoignent le plus souvent dans la lutte la ligne de la direction CGT. Il est à noter tout de même que SUD Rail est le syndical le plus radical dans les luttes.

La FSU, fédération syndicale unitaire, née en 1994, est une fédération de la Fonction publique, comprenant surtout les enseignants (la première fédération syndicale de l’enseignement) et d’autres secteurs comme Pôle emploi, des secteurs de la Justice, culture, secteurs associatifs, etc. Avec 165 000 adhérents, elle est le 5ème syndicat français derrière la CGT, CFDT, FO et l’UNSA, et adhérente de la CSE. Elle prône le syndicalisme de lutte et accepte les tendances en son sein dont les anarcho-syndicalistes, mais elle est surtout proche du PCF.

L’UNEF, union nationale des étudiants de France, fondée en 1907, longtemps proche du PS, est une organisation étudiante représentative qui accepte les tendances dont celles du PCF, du PS, du NPA et de la France Insoumise de Mélenchon. Mais elle connaît de nombreuses crises et est en plein déclin.

Il y a aussi d’autres syndicats plus petits, dont certains sont dissidents et hostiles aux directions des syndicats représentatifs : le Rassemblement syndical‑RATP, RS, est aussi un petit syndicat né en 2014 en rupture avec les syndicats représentatifs, créé en 2014, composé principalement de machinistes, chauffeurs de bus. On trouve aussi le petit groupe « laBase » à la RATP créé en 2018 qui affirme qu’il n’est pas un syndicat mais un mouvement de la base : rupture avec les syndicats dits traditionnels, pas de chef, démocratie participative des salariés au sein du mouvement, révocation des responsables possible, inspiré par le mouvement des gilets jaunes auquel il est lié, 200 adhérents surtout des conducteurs de métro (la ligne 5 est son bastion) et de RER. Ce groupe est très lié au petit syndicat RS et à un autre groupe la CGT frondeurs RATP qui appelle à la formation de comités de grève avec des militants de la tendance Arc fondée en juin 2019 au sein du NPA.

Et avec les réseaux sociaux comme Face Book, twitter, etc.., on assiste à l’émergence d’autres organisations nées en dehors des circuits syndicaux habituels et des cadres institutionnels.


3.3 - Les syndicats à la SNCF et à la RATP

Le taux de syndicalisation tourne autour de 18‑20% à la SNCF et à la RATP pour une moyenne de 11% dans l’ensemble des salariés français.

SNCF, société nationale des chemins de fer : 142 240 agents sur toute la France

Il s’agit d’un établissement public créé en 1937 avec un capital de 55% pour l’Etat. Au début des années 1990, les directives européennes visent à ouvrir à la concurrence et impose des séparations dans la gestion de la SNCF qui voit progressivement ses effectifs diminuer : 514 000 en 1938, 462 000 en 1947, 303 000 en 1970, 206 930 en 1990, 142 240 en 2018. Cette diminution s’explique en bonne partie par la création de nombreuses sociétés de sous‑traitance qui emploient du personnel souvent précaire : comme Geodis créée en 2008 (98% de participation SNCF), premier transporteur de France, qui assure la logistique, messagerie, transport routier avec des travailleurs en CDI et intérimaires et des conditions de travail désastreuses ; la société privée Infrapole assure l’entretien et le renouvellement des voies ; Itiremia (filiale SNCF:150 chauffeurs routiers, 170 intérimaires), avec ses sociétés de formation du personnel ferroviaire, ses sociétés de gardiennage pour le personnel dans les trains, etc. ; la société Keolis qui est un opérateur privé de transport public franco-québécois a une filiale à Paris détenue à 70% par la SNCF. Et à partir du 1er janvier 2020, les nouveaux entrants ne seront plus embauchés au statut de cheminot avec la transformation de l’entreprise publique en société anonyme suite à la loi d’avril 2018 pour ouvrir l’entreprise à la concurrence européenne et donc à la privatisation.

La CGT Cheminots et SUD rail représentent les deux tiers des conducteurs et 65% des contrôleurs SNCF. Les autres syndicats sont l’UNSA ferroviaire et la CFDT cheminot. En 2018 à la SNCF lors des élections professionnelles (taux de participation de 66,70%), la CGT cheminot obtient 34,02% soit un tiers des conducteurs de train, 40% des contrôleurs. L’UNSA ferroviaire est le deuxième syndicat : 23,96% des suffrages dont 7,5% des conducteurs et des contrôleurs. Sud rail arrive en troisième position : 17,28% des suffrages représentant un tiers des conducteurs de train et plus de 25% des contrôleurs. La CFDT cheminot arrive en 4ème position avec 14,3% des suffrage soit 18% des conducteurs et 12% des contrôleurs. Enfin FO est le 5ème syndicat à la SNCF: 7,3% des suffrages soit 10% des conducteurs. Puis la CFE‑CGC 2,78%, la CFTC 0,03%.

RATP, réseau autonome des transports parisiens : 45 783 agents sur la région parisienne

Il s’agit d’un établissement public, créé en 1948, comprenant 16 lignes de métro, 8 lignes de tramway, une partie des lignes de bus et des lignes A et B du réseau express régional d’île de France ou RER. La RATP remplit sa mission dans le cadre de contrats d’exploitation passés avec la région administrative île de France. Lors des élections professionnelles de 2018 (taux de participation de 45,13% contre 65% en 2014), UNSA RATP obtient 30,19% des votes suivie de près par la CGT RATP (a perdu la première place) 30,11%, la CFE‑CGC 10,43% dont 33% dans l’encadrement, Sud RATP 8,95%, FO RATP 6,47%, CFDT RATP : 3,68% et Solidaires groupes RATP 3,27%. Les syndicats les plus réformistes UNSA et CFE‑CGC détiennent la majorité qui leur permet de signer des accords d’entreprise à la RATP. Les chauffeurs de bus (on commence la carrière par le bus et donc les salaires les plus bas) et de tramway sont moins syndiqués que les conducteurs de métro ou de RER.

Le taux de syndicalisation tourne autour de 18‑20% à la SNCF et RATP (le taux de syndicalisation en France est de 11% – contre 30% des actifs en 1950 – pour l’ensemble des salariés français selon le ministère du travail, le plus bas de l’union européenne).


3.4 - Le droit de grève et le service minimum

Le droit de grève en France est inscrit dans la constitution depuis 1946 : pas de durée légale imposée, pas de nécessité d’être syndiqué mais elle doit porter sur des revendications professionnelles et non politiques ; enfin pour l’appel à la grève, le syndicat n’est pas nécessaire. Il concerne le secteur privé et public (sauf certaines catégories : les militaires, CRS et magistrats). Dans le privé, le droit de grève s’exerce sans obligation de préavis. Dans la fonction publique, le préavis est fixé à 5 jours. Pour les transports publics terrestres réguliers de voyageurs la loi du 21 août 2007 sous le gouvernement Fillon (sous la présidence de Sarkosy) sur « le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs », le texte est resté très prudent : le dépôt d’un préavis ne peut intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives : ces dernières déposent des notifications et l’employeur doit répondre dans les 3 jours. En cas d’échec des négociations, le préavis de grève est à déposer au plus tard 48 heures avant le déclenchement de la grève. L’entreprise a la possibilité de réaffecter les personnels non grévistes et peut être tenue de rembourser les usagers en cas de non mise en œuvre d’un plan de transport adapté.

En France, le service minimum existe depuis longtemps dans le nucléaire, l’audiovisuel, la santé (par réquisition) et le contrôle aérien. Mais dans les transports terrestres, il n’existe pas de "service minimum" imposé aux grévistes par une loi, ni de réquisition des grévistes. Il s’agirait là d’une limitation du droit de grève et les syndicats des salariés ont réussi à s’y opposer depuis des décennies.

La pression vient d’ailleurs, c’est à dire du financement des transports. Chaque région administrative française (île de France, midi‑Pyrénées, etc...) finance une partie importante des transports dits "publics" et dispose d’un "contrat" avec les services de transport leur imposant un "service garanti" à assurer sinon des pénalités sont imposées aux entreprises de transport. Dans la région parisienne, la RATP et la SNCF sont liées par un contrat signé en 2016 avec Ile‑de‑France Mobilités (IDFM, autorité régionale, organisatrice des transports en Ile de France), pour assurer une desserte obligatoire aux heures de pointe de 50% pour la RATP et de 30% pour la SNCF lors des mouvements sociaux. Dans le cas contraire, IDFM peut refuser de payer une partie de ses versements (elle verse ainsi à la RATP 5 milliards d’euros par an). L’IDFM demande aussi à ces entreprises d’indemniser ses usagers si elle n’assure pas au moins le service minimum. Le coût des transports en Ile de France est assuré pour 28% par les voyageurs et pour 72% par des taxes payées par les employeurs (toute entreprise de plus de 11 salariés), et les collectivités dont l’IDFM qui intervient dans la modernisation et l’amélioration du réseau. L’Etat s’est retiré depuis 2005 du conseil d’administration de l’IDFM qui est le principal organisme de financement des transports franciliens.

En Europe, la moitié des pays européens a mis en place une obligation de service minimum comme l’Espagne et l’Italie.

Dans le mouvement actuel en France, la facture sera donc très lourde pour la SNCF et la RATP !


 3.5 - Les « coordinations » dans les luttes précédentes

La coordination qui naît lors de la lutte des travailleurs est une structure fonctionnant démocratiquement par le biais des assemblées générales avec des syndiqués de différents syndicats et des non syndiqués, et de différentes professions. Evidemment l’apparition de ce type d’organisation fut un fait préoccupant tant pour le gouvernement et le patronat que pour les centrales syndicales engoncées dans le paritarisme.

Les années 1980‑90 ont été marquées par ce phénomène des coordinations dans beaucoup de secteurs, notamment dans l’éducation et les cheminots en 1986, et la santé (grève corporatiste des infirmières en 1988 : la grève fut catégorielle, excluant les autres agents).

La grande grève des cheminots de 1986 (10) vit l’émergence d’une Coordination nationale des travailleurs qui dirigea la lutte de façon indépendante des directions syndicales de régime, et négocia avec la direction de la SNCF et avec les syndicats « officiels ». A la suite du mouvement étudiant de novembre-décembre, les cheminots, confrontés à l’hostilité des directions syndicales à organiser une grève, formèrent une coordination nationale interprofessionnelle impulsées par les grévistes, contre l’avis de la direction de la confédération CGT qui était pourtant bien plus puissante qu’aujourd’hui. Les directions syndicales prendront le train en marche pour assurer les négociations avec le gouvernement, coupant ainsi l’herbe sous les pieds de la coordination ! Ce phénomène des assemblées générales et des coordinations a repris son essor à l’occasion des grands mouvements sociaux des années 2000‑2010 (sur les retraites, le contrat première embauche CPE des étudiants en 2006, les lois Travail). À chaque fois, des secteurs plus mobilisés que d’autres (enseignants, étudiants, cheminots…) cherchent des convergences pour étendre la mobilisation à d’autres secteurs mais aussi pour la renforcer chez eux. Mais le mouvement social terminé, il ne reste plus ou peu de structures organisées sur le type « coordination ».


3.6 - Le recul des grèves et des conflits depuis les années 1970

La conflictualité gréviste est très suivie par la direction des études du Ministère du travail ou DARES. En 1976, elle dénombrait 4000 journées individuelles non travaillées ou JNT pour 1000 salariés du secteur marchand (constitué par les biens et services marchands destinés à être commercialisés sur un marché) ; dans les années 80 ce chiffre passait à 1000, dans les années 90 à 500 (sauf en 1995 : 800) et depuis les années 2000 il dépasse rarement 100 avec 318 en 2010 (mouvement contre la réforme des retraites) et 131 en 2016 (contre la loi Travail). La pression du chômage et de la précarité grandissante, les transformations des structures productives (les gros bastions des conflits historiques comme les mineurs, les métallos, les sidérurgistes, l’automobile ont disparu ou en voie de disparition et le privé est surtout constitué du secteur tertiaire, encore plus qu’en 1995), la fragilisation de la présence syndicale dans le secteur privé, peuvent expliquer cela, et le fait que les plus hauts taux de conflictualité se retrouvent dans les grands établissement de l’industrie et des transports et dans la fonction publique d’État. Et avec la crise économique en cours depuis les années 2000, la bourgeoisie et le gouvernement dont les membres sont désormais non plus des professionnels de la politique mais ceux de la finance et de l’expertise comptable, ne lâchent pas ou si peu, attendant que le mouvement s’épuise.


3.7 - Les militants du Nouveau Parti Anticapitaliste et ceux de Lutte Ouvrière sont très actifs dans le mouvement des grèves de 2019‑20

Depuis les années 1990, la Ligue communiste révolutionnaire LCR se revendiquant du trotskisme (11) cherche à rassembler différents courants d’extrême gauche et alternatifs favorables à des transformations graduelles de la société ou plus « révolutionnaires » ; elle participe activement à la création du syndicat SUD formés de militants exclus par la direction CFDT. Sa tentative de se rapprocher de l’autre formation trotskiste Lutte ouvrière LO dans les années 2000 se termine par un échec. A l’issue de l’élection présidentielle de 2007 où son représentant Olivier Besancenot réunit 1.498.581 de voix, la LCR, face à l’effondrement du PCF et la discréditation du PS, annonce la volonté de créer « un nouveau parti anticapitaliste », le NPA, en se situant dans une indépendance stricte vis à vis du PS et en s’éloignant du trotskisme. Ce parti sera fondé en 2009 : « Le NPA n’est pas trotskiste uniquement. Il reprend toutes les traditions révolutionnaires, marxistes mais aussi libertaires » déclara son leader Besancenot ! Les qualificatifs de « révolutionnaire » et « communiste » sont abandonnés dans la dénomination afin d’ouvrir largement les portes avec des mots d’ordres flous ! Front unique syndical (non précisé de classe !) mais front unique politique aussi ! Différents groupes trotskistes voire anarchistes le rejoignent, formant autant de tendances ayant chacune son journal et son site internet, comme celui d’ex militant de Lutte Ouvrière (journal L’étincelle), et d’autres avec des ex militants du parti lambertiste; le courant Courant communisteCR avec Révolution permanente (12) est très actif dans le mouvement actuel, de même que celui d’Alternative révolutionnaire communiste ARC ! Mais le NPA est aussi engagé, comme l’était la LCR, dans différents mouvements alternatifs, écologistes, féministes, altermondialistes etc. Lors de son congrès de 2018, la direction Olivier Besancenot‑Alain Krivine-Philippe Poutou (ex‑LO) n’a recueilli que 48% des voix tandis que les six autres courants se réclamant du communisme révolutionnaire rassemblaient le reste des voix (10% des voix pour le Courant Communiste International à majorité lambertiste avec la revue Révolution permanente), montrant que ce petit parti est une mosaïque instable ! En 2019, le NPA déclarait 2000 adhérents contre 9200 lors de sa création en 2009.

Le parti « Le Parti de Gauche » fondé en 2008 puis La France Insoumise LFI de Jean Luc Mélenchon (ex trotskiste lambertiste, passé par le PS) fondé en 2016, dans le but de prendre lui aussi la place désormais presque vide du PS et du PC, est un concurrent redoutable pour le NPA dont beaucoup de ses militants le quitte pour rejoindre la LFI. Mais ce parti avec 17 députés au parlement, apparemment plus réformiste que le NPA (pas de député au parlement), est peu présent dans les luttes syndicales de 2019‑20.

Les militants NPA, en particulier ceux de son courant Révolution Permanente, mais également la direction du parti, appellent dans le mouvement de 2019‑20 à l’unité inter-catégorielle, interprofessionnelle, à la formation de comités de grève, de coordination, et tout en développant une critique des directions syndicales dont celle de la CGT, n’appellent pas les travailleurs à sortir des syndicats dits de lutte, CGT, SUD OU FO, mais à les « reconquérir » lors des congrès !


4 - Les travailleurs RATP embrayent le mouvement en septembre, les direction syndicales vont suivre avec prudence !

Les grands mouvements syndicaux depuis 2015 (gouvernement socialiste de Hollande) ont tous été marqués par des échecs comme ceux contre la loi Travail El Khomri de 2016 et les ordonnances de Macron-Pénicaud de 2017 sur le code du travail, la réforme ferroviaire avec les grèves perlées des cheminots de 2018. Mais le mouvement des gilets jaunes est intervenu pour redonner du souffle à la contestation syndicale et renouer avec la grève illimitée de 1995. Le mouvement 2019‑20 va démarrer dans un contexte social déjà très perturbé (gilets jaunes, hospitaliers, enseignants, étudiants, etc..).


 4.1 - Le vendredi 13 septembre les travailleurs de la RATP démarrent

En juillet, à l’annonce de la remise du rapport de Delevoye sur le projet de réforme des retraites, les directions CGT, Solidaires et FSU annoncent une journée d’action interprofessionnelle pour le mardi 24 septembre !! FO prévoit un rassemblement national à Paris le 21 septembre, donc séparé de la CGT.

En fait, les travailleurs se mettent en mouvement plus vite que les directions confédérales !! Le mois de septembre commence avec une manifestation nationale le 11 du secteur de la santé lancée par le collectif inter‑urgences (la grève des urgences hospitalières au niveau national dure depuis le mois d’avril 2019 !). Sans parler du mouvement des gilets jaunes qui continue à agiter les samedi des Français!!

Une journée de grève en Île de France de 24h est organisée le vendredi 13 septembre contre la réforme des retraites, par 7 syndicats RATP, sous la poussée des travailleurs, et sans demander l’accord de leur direction confédérale : UNSA RATP (premier syndicat RATP et dont la centrale est ouvertement réformiste), CGT RATP, FO RATP, RS‑RATP, la CFE‑CGC, SUD, FO, Solidaires. Cette grève est très suivie avec 90% de roulants (chauffeurs, contrôleurs, traditionnellement corporatistes) en grève et les grévistes appellent à la convergence des luttes. Les groupes dissidents « La Base » et « RS » sont très actifs.

De nombreuses assemblées générales se sont tenues le 13 septembre mais les directions des syndicats officiels se montrent très réticentes à mettre en avant la volonté de lutte unitaire et de retrait sans négociation du projet de loi provenant des assemblées générales. La base des militants et des travailleurs syndiqués et non syndiqués s’agite. Les directions syndicales qui n’ont pas cessé de négocier depuis des années avec le gouvernement les « réformes » du système de protection sociale et du travail, ne vont rien faire pour soutenir le mouvement de colère. La force du mouvement les contraindra à prendre le train en marche.

Après la mobilisation du 13 septembre, poussés par leur base, 5 syndicats de la RATP (FO, UNSA, CGC, Solidaires, et Sud), sans les sections de la CGT ni RS, appellent le 21 septembre à une grève illimitée pour le retrait total de la réforme des retraites, sans négociations, à partir du 5 décembre. UNSA ferroviaire et les organisations de jeunesse rejoignent la journée du 24 septembre.Après les journées de mobilisation des 21 et 24, il devient désormais évident pour les travailleurs que ces journées saute‑mouton entrecoupées de négociations avec le gouvernement ne suffisent pas pour faire reculer celui‑ci ! Non seulement il faut unifier les luttes professionnelles qui se dispersent dans de nombreux secteurs mais ne pas réduire la mobilisation à une seule journée !

Le soir de la mobilisation CGT du 24 septembre, la fédération Sud rail et FO transport se joignent à l’appel des syndicats de la RATP pour une grève reconductible à partir du 5 décembre. La confédération FO annonce le 26 septembre qu’elle rejoint l’appel interprofessionnel des syndicats RATP mais seulement pour la journée du 5 décembre ! Solidaires suit. Début octobre, c’est le tour de plusieurs unions départementales CGT d’appeler à une grève reconductible dès le 5 décembre ! La direction syndicale CGT en est toujours à proposer une stratégie de grève d’une journée par secteur pour préserver les négociations avec le gouvernement. Le 10 octobre la puissante fédération CGT services publics rejoint l’appel des syndicats des transports pour une grève illimitée du 5 décembre, reconnaissant que les journées d’action isolées ne correspondent plus aux attentes des militants et des agents ! La direction confédérale CGT attend toujours !

Suite à la journée du 24 septembre organisée par la CGT, les groupes dissidents au sein de la RATP comme La Base, le RS Rassemblement syndical‑RATP, le groupe la CGT frondeurs RATP appellent le 6 octobre à « former une coordination nationale et interprofessionnelle, démocratique et unitaire, pour pallier « les directions inertes des centrales ouvrières ». Cela démarre sur face‑book avec la création d’un groupe appelé « agents RATP‑SNCF, l’union fait la force ». Ils sont rejoints par des cheminots regroupés dans un collectif Intergares constitué suite à la grève de 2018 contre le Pacte ferroviaire, et une première assemblée générale « interprofessionnelle et des fronts de lutte Ile de France » a lieu le 15 octobre à la bourse du travail de la ville de Saint Denis (département 93) (13) avec un groupe d’enseignants contestataires, les « stylos rouges », des groupes étudiants, des postiers et divers collectifs. Plusieurs réunions ont lieu en octobre et novembre. De ce mouvement sortira une coordination francilienne RATP‑ SNCF‑Enseignants-postiers pour le retrait total du projet de réforme et la grève interprofessionnelle illimitée à partir du 5 décembre. Dans cette coordination francilienne (île de France), le groupe Révolution permanente du NPA est très actif avec le leader Anasse Kazib, aiguilleur cheminot au Bourget, délégué syndical SUD rail à Paris nord (il existe aussi d’autres délégués venus de l’immigration et très actifs, enfants de pères militant en France dans les syndicats !). Ce dernier est médiatisé par de nombreux passages à la TV et à la radio. Cette coordination appelle à former des comités de grève, cherche à unir les syndicats et les luttes interprofessionnelles (enseignants, étudiants, postiers, égoutiers, etc) du public et du privé (délégation de grévistes auprès de la raffinerie de Grandpuits). Et mi‑février 2020, elle appellera encore à reprendre un mouvement de grève reconductible !


 4.2 - Les cheminots de la SNCF suivent la RATP avec une grève de 10 jours sans préavis : la grève auto organisée des cheminots du centre Technicentre TGV Atlantique fait plier la direction SNCF

Suite à une attaque de la direction sur les roulements de travail de l’atelier de maintenance TGV (Train à grande vitesse) de Châtillon (Ile de France) avec des repos supprimés et des horaires rallongés, une Demande de Concertation Immédiate (DCI) en octobre est posée conjointement par Sud Rail et la section CGT comme le demande la loi de 2007 ; une délégation est reçue par la direction, qui n’aboutit pas. Les 200 cheminots (100% des travailleurs du site) s’auto organisent. Plusieurs assemblées générales ont lieu et le lundi 21 octobre le mouvement « spontané » de grève, sans préavis légal, des 200 cheminots débute et affirme durer jusqu’au retrait du projet de la direction du site, prenant de cours les directions syndicales. La direction de la SNCF engage des procédures disciplinaires à l’encontre des 200 cheminots puis après 10 jours de grève, elle accepte les revendications des grévistes (conditions de travail, et revendications financières), recule sur les sanctions.

Ainsi les cheminots de Châtillon ont cessé le travail sans DII (Déclaration Individuelle d’Intention de faire grève), c’est‑à‑dire sans respecter le délai légal de prévenance de 48 heures. Cet acte conscient et réfléchi est expliqué dans le premier communiqué des grévistes : « Nous respecterons les délais de prévenance le jour où la direction respectera les cheminots ». Deux sites de maintenance des TGV en banlieue parisienne sont touchés par des débrayages, le jeudi 31 octobre, avant une reprise du travail dans l’après‑midi. Non seulement, les travailleurs se sont passés des directions confédérales et se sont auto organisés avec les sections syndicales locales les plus combatives, mais ils ont entrepris la grève sans respecter les exigences de préavis de la loi ! Les confédérations dont celle de la CGT sont occupées à négocier et semblent regarder le train passer.


 4.3 - Les directions syndicales suivent le mouvement sans en prendre la tête

Face à l’inertie des confédérations syndicales qui n’appellent pas à la grève reconductible à partir du 5 décembre , les cheminots et les salariés de la RATP se sont organisés dans la coordination francilienne ! Les directions syndicales vont suivre le mouvement.

Le 16 octobre les confédérations CGT, FO, FSU (enseignants), Solidaires‑SUD et des organisations de jeunesse dont l’ UNEF appellent à une « première » journée de grève interprofessionnelle le 5 décembre 2019, date choisie par les syndicats RATP (Unsa, CGT, CFEC‑GC) et SNCF (Sud rail et Unsa ferroviaire), mais toujours pas à la grève illimitée ! Elles forment une intersyndicale nationale, sous la poussée de leurs sections elles‑mêmes poussées par la base des travailleurs. Une première réunion a lieu le soir du 16 octobre au siège de FO.. Les confédérations CFDT, UNSA, d’accord pour la réforme avec des conditions, restent en marge, de même la CFE‑CGC (cadres).

Le 5‑6 novembre la direction confédérale CGT réunit ses secrétaires de fédérations et d’unions départementales pour tâter le terrain : la mobilisation de secteurs combatifs est évidente et elle appelle enfin à la grève reconductible interprofessionnelle qui devra être décidée par des assemblées générales unitaires dès le 6 décembre. Confronté à la colère des cheminots avec des arrêts de travail des conducteurs après un accident de train, la grève « sauvage » à Châtillon, la grève de contrôleurs dans le grand Est, le 8 novembre la puissante CGT cheminots appelle désormais clairement à la grève reconductible par les assemblées générales journalières, mais elle arrive après Sud rail, FO cheminots et UNSA ferroviaire ! Et d’autres fédérations vont suivre. C’est donc avec retard que les fédérations « contestataires » commelLa Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC, adhérente à la FSM et non à la CES comme la direction CGT) et la Fédération Mines et la FNME‑CGT (énergie) appellent à la grève du 5 décembre reconductible ! Les centrales FO et SUD aussi ! Les fédérations de routiers, puis dans l’enseignement les syndicats minoritaires appuient la grève reconductible (sud éducation, CGT‑Ferc, FO) tandis que la FSU reste fixée sur la seule journée du 5. Dans le secteur privé, le mouvement démarre laborieusement. Le front syndical pour le retrait du projet de réforme des retraites s’élargit encore avec la décision le 2 décembre de la branche cheminots de la CFDT (CFDT‑Cheminots) d’appeler à la grève reconductible, s’opposant ainsi à sa direction, puis plusieurs syndicats d’Electricité de France (EDF) et de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE‑CGC) appellent à la grève le 5 décembre. La CFE‑CGC (cadres) rejoindra l’intersyndicale dès le 6 décembre.

Le 24 novembre, est proclamé l’appel unitaire signé par les trois premiers syndicats représentatifs de la SNCF (CGT, UNSA, SUD) pour une grève illimitée, reconductible par période de 24 h à partir du jeudi 5 décembre. Philippe Martinez confirme : « Nous appelons à reconduire le mouvement après le 5 décembre et ce sont les salariés, dans des assemblées générales, qui décideront s‘ils veulent la reconduire, ou pas. Nous, nous appelons à ce que cette mobilisation puisse durer. » Mais il précise qu’il n’appelle pas à la grève générale : « Quand on appelle tous les salariés à se mobiliser, on appelle à une généralisation des grèves »... la prudence est de mise ! « Même en 1968, continue‑t‑il, ce n’était pas une grève générale : la CGT avait appelé à des actions partout et c’est les salariés qui ont généralisé les grèves. Il n’y a pas un bouton magique dans le bureau du secrétaire général pour décréter d’une grève générale. Par contre, il faut qu’il y ait partout dans le pays des grèves massives. » Monsieur Martinez affirme ainsi que la démocratie doit s’appliquer dans la CGT mais refuse d’en prendre effectivement la tête, abdiquant son rôle d’organisation et de centralisation! Selon lui, ce sont les assemblées générales qui décident et qui organisent la lutte ! « Il faut généraliser les grèves dans toutes les entreprises » a surenchéri Philippe Martinez par médias interposés. « Il faut reconduire (la grève) jusqu’à avoir satisfaction sur le principe que cette réforme va générer de la misère et qu’il faut donc s’appuyer sur notre socle social qui est un des meilleurs au monde et l’améliorer pour les jeunes, les femmes, les précaires », explique‑t‑il sur la chaîne TV LCI. Des vœux pieux et flous ! Et toujours selon M. Martinez, le monde du travail a changé, avec les précaires et les intérimaires (60% d’intérimaires dans les chaînes de Renault) et il faut donc « imaginer » d’autres modes de lutte ! En fait, il est clair que les directions syndicales veulent établir un rapport de force « modulable » pour mieux négocier une réforme qu’elles sont censées combattre !! Les grévistes appellent, eux, au retrait du projet sans négociations !

L’utilisation de la démocratie interne au sein du mouvement est fondamentale pour connaître la détermination des travailleurs, mais qui va centraliser les luttes, les unifier en les coordonnant et les étendre et qui a les « outils » matériels et financiers pour le faire ? Mr Martinez va jouer le double jeu de l’accélérateur et du frein : il feint d’appuyer sur l’accélérateur en appelant à la généralisation des luttes (ne fournissant aucune aide dans ce sens mais seulement des mots), tout en les freinant pour mieux négocier avec le patronat ! Une direction confédérale sert donc seulement à être un porte‑voix, à négocier avec le gouvernement ?

Mr Martinez ne veut pas renoncer au « dialogue social » avec le patronat dans lequel le paritarisme national et européen enferre les organisations syndicales, et donc suivre la ligne du rejet complet et sans négociations de la réforme, comme le demandent les travailleurs en lutte. Il ne veut pas être mis hors du jeu de la « concertation » paritaire, et face à un gouvernement qui lui ouvertement ne veut pas négocier, il devient ainsi complice d’un simulacre de négociation. La centrale FO fait de même. Et quant à la direction de la FSU, le 10 décembre elle n’appelle qu’à une journée de grève, en affirmant qu’elle « soutient les agents qui continuent à faire grève » quand bien même elle « n’appelle pas à reconduire dans l’immédiat » ! Quel « beau » soutien pour les grévistes !


4.4 - Le mouvement s’étend à de nombreux secteurs : il est interprofessionnel !

Face à la destruction accélérée des services publics, des « acquis » sociaux, de la législation du travail, les revendications sont multiples : la question des allocations chômage, de la privatisation des services publics, de la crise dans le fonctionnement de l’hôpital public et celui de l’éducation nationale, de même que la lutte contre toute forme de précarité au travail et l’inégalité homme-femme, enfin l’attaque du système des retraites. La marque de ce mouvement sera donc l’interprofessionnalité des mobilisations et la multiplicité des revendications !!

Le mouvement s’est ainsi vite élargi à d’autres secteurs sans les mobiliser totalement : enseignants, hôpitaux, poste, raffineries, ports, industrie automobile (peu mobilisée), l’Energie, les pompiers, l’aérien, les éboueurs, les bibliothèques, les salariés de la culture et de l’information (Radio France). D’autres catégories ont rejoint le combat comme les étudiants en lutte contre les réformes universitaires et les avocats, fortement touchés par la réforme. Des coordinations régionales ou nationales (enseignement, hospitaliers), professionnelles et interprofessionnelles, sont nombreuses sur le territoire.

Les hospitaliers ont commencé depuis un an un mouvement au niveau des Urgences hospitalières et sont organisés en une coordination nationale des hospitaliers Inter Urgences CIU, que des médecins hospitaliers et chefs de services en crise (grèves administratives des tarifications) ont rejoint depuis quelques mois ; cette coordination s’est jointe au mouvement actuel après quelques hésitations ! De même l’éducation nationale ; en lutte depuis le début de l’année contre la réforme du baccalauréat, de nombreux professeurs ont appelé à rejoindre le mouvement le 5 décembre avec leurs syndicats SNES (syndicat national de l’enseignement du second degré) ou la FSU : en début d’année, des occupations de lycées pour dénoncer la réforme du bac ont déjà eu lieu et les enseignants vont rejoindre les grévistes RATP et SNCF dans les assemblées générales, les piquets de grève, et des cheminots participeront à des réunions dans des lycées. Le 19 novembre, la CGT de Radiofrance (L’entreprise publique est confrontée à un plan d’économies et de restructuration avec 299 départs « volontaires ») appelle à une grève reconductible indéterminée dès le 25 novembre ; le mouvement se termine le 3 février après 63 jours de grève, etc.. Le 21 novembre, c’est le tour de la fédération CGT santé et Action sociale. La Poste aussi est dans la lutte avec SUD PTT 92 qui a organisé la grève avec les postier du département 92 durant 15 mois en 2018‑19 et son principal meneur le militant Gaël Quirante (postier et militant syndical de SUD PTT, membre d’un courant trotkyste radical au sein du NPA, la tendance Révolution permanente), passe au tribunal correctionnel en décembre 2019. Des organisations de gilets jaunes annoncent aussi qu’ils seront de la partie !


5 - les directions syndicales CGT, FO, SUD et FSU « laissent faire » la base et continuent à négocier avec le gouvernement, malgré la combativité du prolétariat français

Comme le souligne Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, dans Le Monde du 25 novembre, la principale nouveauté dans tout ceci est sans doute le fait que la « contestation, à la SNCF comme à la RATP, est, en très grande partie, impulsée par la base. Les syndicats donnent le sentiment de courir après leurs adhérents et de ne pas avoir la maîtrise pleine et entière du mouvement. » Et oui, pour la bourgeoisie les directions syndicales ne tiennent plus leurs troupes !!

Les journées nationales de manifestations interprofessionnelles organisées par l’intersyndicale ont lieu les 5, 10, 17 décembre 2019, les Jeudi 9, Samedi 11, Jeudi 16, samedi 18, 24 janvier, les jeudi 6 (la CFE‑CGC se joint alors à l’intersyndicale), jeudi 20 février, les journées du samedi visant moins les grévistes.

Après l’annonce de l’âge pivot à 64 ans par le premier ministre, soit un allongement prévisible de l’âge de départ à la retraite, la CFDT et l’UNSA rejoindront la fronde dans la manifestation du 17 décembre, mais sans s’unir à l’intersyndicale.

Les violences policières, déjà bien visibles contre les gilets jaunes depuis 2018, sont de plus en plus importantes (utilisation de gaz lacrymogène, de camion à eau, d’armes meurtrières comme le pistolet flash ball ; participation de corps de police spécialisés dans la répression comme les CRS et les BRAV‑M (14) armés de bâtons tonfas) et ciblent désormais le cortège de tête des manifestations, non seulement les gilets jaunes mais aussi les grévistes et les journalistes de media alternatives ou non.Et on n’entend pas beaucoup l’intersyndicale dénoncer l’importante répression qui s’est abattue contre les manifestants et les militants syndicaux.

Après plusieurs manifestations parisiennes où les blacks blocs sont très actifs pour provoquer et justifier la répression policière, le cortège de grévistes accompagnés de gilets jaunes se place désormais en tête loin devant les ballons syndicaux. En effet les grévistes vont défiler, moins derrière le ballon syndical mais souvent sans drapeau ni banderole, par ligne de métro, par centre technique SNCF, par ville ou établissement pour les enseignants, ou tous militants confondus FO CGT SUD. La séparation entre direction syndicale et leur base se voit donc dans le cortège.

La Coordination francilienne des grévistes RATP SNCF née en octobre 2019 s’est démenée pour généraliser la grève au niveau national et interprofessionnel, dans le privé et le public. Mais différentes coordinations existent au niveau de l’Ile de France pour rassembler les grévistes, organiser des manifestations, des piquets de grève interprofessionnels (piquets le plus souvent filtrant et non bloquants, avec l’appui d’autres professions comme les enseignants ou les étudiants ou les gilets jaunes de façon à éviter les sanctions pour les grévistes ratp et sncf), des interventions dans les entreprises, les universités, les lycées, etc. Et il faut encore souligner que le mouvement des gilets jaunes 2018‑19 a été un puissant levier pour la grève avec l’énergie de leurs bataille, l’organisation de leurs actions en dehors de tout cadre légal, mais aussi leur soutien lors de nombreuses manifestations ou d’actions des grévistes !

Mais c’est le gouvernement qui mène la danse, qui décide des entrevues avec les syndicats, qui encadre les manifestations avec un imposant corps de police, qui impose la trêve des vacances de Noël sans protestations des directions syndicales. Le temps où les syndicats de salariés donnaient le timing des négociations est terminé.


 6 - La trêve de Nöel imposée par le gouvernement est acceptée sans sourciller par l’Intersyndicale

Après la manifestation du 17 décembre, le gouvernement a fait de petites concessions aux travailleurs RATP et SNCF en repoussant pour leurs catégories la date de la mise en œuvre de la réforme (dans le texte pour ceux nés après le 1er janvier 1975) ; désormais pour les roulants 1985 et les autres 1980. Mais cela ne suffit pas pour diminuer l’ardeur du mouvement. Le gouvernement a déjà fait des concessions pour les policiers, le personnel navigant dans l’aérien, les marins, les pompiers, les routiers, les policiers, les gendarmes et l’armée !! Puis le gouvernement appelle à la reprise des négociations le 8 janvier  et l’ Intersyndicale à une mobilisation le 9 janvier 2020 ! Une trêve de trois semaines ! Et la grève alors ? En se pliant à la trêve imposée par le gouvernement, l’Intersyndicale accepte d’arrêter le mouvement de lutte alors en pleine ascension et ceci pour 3 semaines ! Les travailleurs ne plieront pas.

Après le 20 décembre en raison de l’abandon des directions syndicales lors de la trêve de Noël, la coordination francilienne se renforce : une centaine de grévistes se retrouvent dans le sous sol du syndicat Sud rail de la gare Saint Lazare avec des représentants d’une bonne dizaine de dépôts de bus (Ivry, Vitry, Malakoff, Pavillon sous bois, Belliard etc), du RER A et B, de quelques lignes du métro et de plusieurs secteurs de la SNCF (Le bourget, Saint Lazare, Mantes la Jolie). Les grévistes élaborent un agenda avec des actions de sensibilisation de la population, des universités, des entreprises du secteur privé (délégations pour les raffineries dont celle de Grandpuits en Seine et Marne, les ouvriers de l’automobile PSA à Poissy dans les Yvelines), des récoltes pour les caisses de grève, des conférences de presse, des soutiens aux piquets de grève des dépôts de bus, des rassemblements devant les commissariats pour obtenir la libérations de grévistes mis en garde à vue ou lorsqu’ils sont visés par des procédures disciplinaires, et une manifestation auto‑organisée (sans les directions syndicales mais avec le soutien logistique de Sud rail) par les grévistes le jeudi 26 décembre gare de l’Est et qui réunira quelques milliers de grévistes, de gilets jaunes, étudiants, professeurs ; une action surprise à la Gare de Lyon afin de paralyser les deux lignes automatisées du métro, une incursion au siège central du parti présidentiel, la République en marche, le 2 janvier 2020, sans parler de l’incursion au siège de la CFDT le 17 janvier 2020.

Ces différentes actions ont permis de maintenir l’énergie du mouvement jusqu’à janvier, mais n’enlèveront pas des mains de l’ Intersyndicale la direction de la lutte, ni n’obtiendront une extension plus importante parmi les travailleurs. La coordination appellera toujours à rejoindre les mobilisations proposées par l’Intersyndicale, affirmant ainsi la primauté de l’unité de la classe des travailleurs dans la lutte, ce que les centrales syndicales ne font pas toujours. Cette coordination qui n’a pas appelé à quitter les syndicats – tout en critiquant ouvertement leurs directions – n’a jamais pris la direction de la grève car son implantation n’était pas assez forte, notamment dans le métro mais aussi dans nombre d’assemblées générales RATP ou SNCF. Elle a permis sans aucun doute de maintenir la grève durant la trêve et s’est battue énergiquement pour la diffusion de la grève dans le privé avec des forces réduites. Sans la Coordination francilienne, les directions syndicales auraient pu appeler à la suspension de la grève fin décembre ! Et de nombreux grévistes ont pu ainsi expérimenter l’action collective d’organisation, voire de devenir de futur leaders syndicaux pour la suite de la bataille !


 7 - Le reflux de la grève des transports

La combativité des travailleurs des transports a été remarquable mais ils se sont trouvés rapidement isolés au niveau national. Ce mouvement social ne touchera que partiellement le secteur privé, et dans le public, seuls la SNCF et la RATP porteront majoritairement la grève reconductible. Dans ce mouvement, que nous saluons par sa combativité et son courage, le niveau de mobilisation est resté inférieur à celui de 1995 où les secteurs public et privé furent plus actifs. Cette capacité de bloquer l’économie s’est amoindrie depuis 1995 (passage du fret SNCF à celui routier, service minimum organisé par la SNCF et la RATP avec 2 lignes automatiques de métro, recours au personnel retraité, aux cadres et aux précaires, précarisation de nombreux travailleurs) ce qui suppose une durée de grève bien plus importante avant de créer des problèmes économiques et un autre rapport des forces. Le fret de la SNCF est passé aux camions (88% du transport des marchandises) qui n’ont pas rejoint la grève reconductible : les routiers où CGT et FO sont les 2ème et 3ème syndicats, se sont montrés corporatistes, ont arrêté leur mobilisation dès que le gouvernement leur a accordé quelques miettes. Les autres secteurs stratégiques ne se sont mobilisés que très ponctuellement : les raffineries (qui en 2016 lors des grèves contre la loi El Khomri s’étaient arrêtées entraînant une pénurie d’essence), les ports, les centrales nucléaires, les usines d’incinération des déchets vont participer au mouvement, mais par des grèves limitées et peu suivies, menées par les bastions CGT, et sans grève illimitée, et en général le secteur manufacturier s’est peu mobilisé. Le secteur privé s’est donc modérément mobilisé car la répression patronale, la précarité des emplois, les menaces de fermeture (ainsi dans l’automobile), y sont bien présentes.

Début janvier, les grévistes RATP et SNCF demandent que le « privé » participe plus au mouvement car ils ne pourront pas continuer ! Le taux de grévistes à la RATP pour les conducteurs est encore de 60% le 14 janvier 2020 (85% le 5 décembre) (15).

Le 11 janvier, le premier ministre Edouard Philippe – les élections municipales ont lieu dans trois mois et le monde « politique » s’agite déjà – accepte « provisoirement » de retirer du projet de loi l’âge d’équilibre ou âge pivot fixé à 64 ans en 2027 (en fait l’âge pivot est mobile en fonction de l’équilibre financier à tenir) si la conférence proposée par la CFDT pour rechercher un « équilibre et le financement » de la réforme, avec les organisations d’employeurs et de salariés, se met d’accord sur d’autres moyens pour assainir les comptes dans les 7 ans, en 2027 (le montant estimé du déficit du système des pensions serait alors de 12 milliards d’euros !). Mais le parcours est balisé par le gouvernement : pas question de toucher au montant des retraites ni aux cotisations salariales (pas d’augmentation du coût du travail pour garantir la compétitivité du travail en France !!). La CFDT et l’UNSA qui veulent l’abandon de l’âge pivot sont satisfaites. La conférence devra rendre ses conclusions d’ici la fin du mois d’avril. Si elle n’y parvient pas le gouvernement reprendra la main ! Chacun a pourtant en tête la réforme de l’assurance-chômage : les organisations d’employeurs et de salariés avaient été invitées à négocier à partir de l’automne 2018, avec l’objectif, fixé par le gouvernement, de réaliser entre 3 milliards et 4 milliards d’euros d’économies en trois ans. Une exigence si forte que les parties en présence avaient été incapables de ficeler un compromis, conduisant l’exécutif à reprendre la main ; il fait ainsi passer la réforme qui aggrave considérablement les conditions pour obtenir les indemnités de chômage ainsi que le montant de ces indemnités. Ce « massacre » des caisses de chômage ne donna lieu à aucune protestation organisée par les syndicats de régime, étant donné que les chômeurs sont dispersés sur le territoire et non organisés par ces derniers !

Le 16 janvier, le gouvernement, pour scinder le front syndical, annonce à Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA, que son syndicat siégera dans la gouvernance du futur système universel donc de la gestion de la caisse nationale de retraite universelle pilotée par un conseil paritaire (pour les syndicats de salariés, il faut selon le premier ministre une audience combinée privé public supérieure à 5% : 7% pour l’Unsa, ce qui n’est pas le cas de Solidaires ni de la FSU qui ont une audience inférieure à 5%).

Le 17 janvier une majorité des conducteurs du métro (UNSA RATP, la première à avoir appelé à la grève) vote la reprise du travail : toutes les assemblées générales des différentes lignes ont appelé, à l’exception de trois, à la reprise pour le lundi 20 janvier pour des « raisons pécuniaires ». A la RATP, certains groupes minoritaires s’opposent à la reprise du travail dans les transports et persisteront jusqu’au 24 janvier, comme le Rassemblement syndical‑RATP et le groupe La Base (comme le signale le Monde du 22 janvier 2020). Ils organisent dans la coordination RATP‑SNCF différentes actions dont l’irruption au siège de la CFDT à Belleville (Paris) le 17 janvier avec des militants de Sud, action qui sera désavouée par Martinez (Le lundi 20 janvier, des militants FNME‑CGT de l’Energie-électricité, répètent pourtant l’opération !), des retraites « aux flambeaux », des incursions dans différentes administrations publiques, de coupures de courants etc... et s’approprient donc les méthodes expérimentées par les gilets jaunes ! Des grèves de quelques jours se produisent dans différents secteurs comme l’Energie (la CGT FNME a voté le 23 janvier l’arrêt d’électricité de trois usines d’incinération en Ile de France qui participent au chauffage de logements et d’autres coupures de courant), les ports, les égoutiers (leur pénibilité n’est plus reconnue – ils vivent en moyenne 17 ans de moins que le reste de la population !), etc. Une nouvelle mobilisation est prévue le 24 janvier à l’appel de l’intersyndicale, le jour de la présentation du projet de réforme au conseil des ministres qui adopte le projet ! Et le 2 février, la réforme entre au parlement.

En attendant, les regards médiatiques se portent sur la conférence de financement des retraites de la réforme actuelle et du soi disant déficit prévu de 12 milliards. Quelles directions syndicales de salariés vont y participer ? Evidemment la CFDT et l’UNSA sont partie prenante : elles veulent que l’on puise dans le « fonds de réserve des retraites » ou FRR doté d’un peu plus de 30 milliards d’euros et dans la CRDS, contribution pour le remboursement de la dette sociale, créée en 1996 pour résorber la dette de la sécurité sociale, résorption qui doit se terminer en 2024. Et l’intersyndicale qui a toujours affiché son exigence du retrait du projet de loi ? Yves Verrier, secrétaire général de FO et François Hommeril de la CFE‑CGC veulent y participer, tout en émettant quelques réserves pessimistes sur son issue ! Tout en dénonçant le jeu de dupes, la direction de la CGT annonce prudemment que sa participation dépendra d’une décision « démocratique » ! Elle ne dit donc pas non ! Et le 21 janvier, la direction confédérale de la CGT annonce qu’elle participera à la « conférence sur le financement des retraites », mais qu’il ne s’agit pas de s’inscrire dans une acceptation d’une réforme systémique mais d’expliquer comment améliorer le système actuel selon des mesures qui pour une bonne part augmenteraient le « coût du travail » (augmentation du SMIC, augmentation du salaires des femmes, etc..) alors que la conférence est balisée par les injonctions de E. Philippe ! Après que la direction de la CGT ait pris sa décision, la commission exécutive de la CGT confédérale lance une concertation un peu plus large auprès des organisations qui composent le conseil confédéral national (directions des fédérations et unions départementales CGT). 67 organisations (16 Fédérations départementales, 51 Unions départementales) ont répondu : pour 55, contre 9, abstention 3. Il ne s’est donc pas agi d’une concertation de la base des syndiqués ! La démocratie syndicale cgtiste a ses limites !

Le 24 janvier, le Conseil des ministres adopte le projet de loi réformant le système de retraites, ouvrant un long processus parlementaire, assemblée et sénat, où l’opposition de droite et de gauche attend avec impatience de se manifester pour déconstruire le projet de loi. 22 000 amendements sont déjà prévus dont la majorité vient de la France Insoumise de Mélenchon (mouvement de la gauche radicale bourgeoise). Les partenaires sociaux (salariés et patrons) sont partis pour une négociation sans fin. Le Conseil d’Etat s’est montré très critique vis à vis de la réforme et son absence de plan de financement pour le « déficit » de la caisse des retraites. Des mobilisations dispersées et fortement réprimées par la police se poursuivent avec les gilets jaunes, les lycéens qui combattent le projet de déconstruction du baccalauréat, le défilé des pompiers à Paris le 28 janvier parsemé de violences policières, les manifestations de l’intersyndicale, etc...Comment le gouvernement va t il s’en tirer ? En reculant ou en utilisant l’article 49‑3 de la constitution (16) ? Car contrairement au mouvement britannique des mineurs sous Thatcher, le mouvement syndical français n’est pas à genoux et le mouvement concerne différents secteurs d’activité et un large éventail de revendications. L’inertie des centrales syndicales voire leur connivence avec le pouvoir n’a pas diminué la radicalité des travailleurs et des militants syndicaux de base.

La direction CGT, bien intégrée dans l’appareil d’État, largement financée par des subventions et le paritarisme, avec sa masse de permanents salariés et son appareil directif isolé dans sa luxueuse « forteresse » de Montreuil, obéit à son statut de « partenaire social » et pratique le « dialogue social ». Ainsi Mr Martinez et sa confédération vont participer à une conférence visant à trouver un financement à une réforme dont ils exigent le retrait ? La négociation est donc bien déséquilibrée : soit les partenaires sociaux trouvent un accord dans les trois mois, soit le gouvernement applique sa solution. A tous les coups, le patronat y gagne. Pas les salariés.

En ce mois de février 2020, le reflux est évident et le soutien « par procuration » de la population n’est pas suffisant pour établir un rapport de force efficace avec la bourgeoisie. Des noyaux de résistance éparpillés sur tout le territoire persisent. En effet dans de nombreux secteurs professionnels les luttes ne sont pas terminées ; la Santé et l’Enseignement sont particulièrement combatifs ! Quant aux classes moyennes, peu enclines à rejoindre la lutte des travailleurs, elles s’agitent vainement dans le mouvement des avocats, les groupes d’écologistes, débordant les organisations écologiques traditionnelles comme Greenpeace et Attac, dénonçant même le système capitaliste – l’expérience de la lutte de la ZAD de Notre Dame des Landes est bien vivante – qui détruit la planète, avec des actions directes contre les sites d’Amazon, de Monsanto, des banques Société Générale et BNP Paribas, de Black Rock !

La coordination francilienne dont le nombre de membres s’est réduit n’a pas baissé les bras, affirme que ce mouvement a été déterminant pour préparer un certain nombre de grévistes aux prochains combats, et prévoit aussi des actions contre l’attitude répressive de la direction de la RATP qui multiplie les procédures disciplinaires ! Elle appelle mi‑février à reprendre la grève reconductible ! En ce mois de février 2020, une coordination nationale interprofessionnelle (17) se manifeste, mais indépendamment de celle francilienne, regroupant des assemblées générales, des comités et coordinations de différentes régions et de différentes professions : cheminots, RATP, Justice, Santé, Enseignant, raffinerie de Grand Puits, Radio France, etc. ; et les étudiants, futurs prolétaires, les accompagnent. Cette coordination appelle à une semaine noire après l’appel de UNSA RATP à un « lundi noir » le 17 février, (il sera moyennement suivi), jour de l’ouverture des débats officiels à l’Assemblée nationale, mais affirme ne pas vouloir se substituer à l’Intersyndicale. L’appel de l’UNSA RATP pour le lundi 17 février est rejoint par SUD‑RATP et Solidaires RATP, puis FO‑RATP, des intersyndicales locales, la fédération FO Cheminots et SUD PTT. On aura bien sûr remarqué que la CGT RATP (dont les dirigeants avaient déjà mis longtemps à appeler au 5 décembre) n’appelle pas pour le 17 février. La coordination nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche appelle à construire une grève reconductible. En fait la journée du 17 février sera moyennement suivie. Toutes les organisations rejoindront la journée nationale interprofessionnelle du jeudi 20 février organisée par l’intersyndicale qui prévoit la suivante pour le 8 mars (journée des femmes!), se calquant sur l’agenda parlementaire. Le 28 février à Paris, une grande manifestion des pompiers connaît de durs affrontement avec la police. Et voici que le 29 février, le premier ministre, confronté à la fronde parlementaire de droite et de gauche et leurs 40 000 amendements, impose le 49‑3 ! Les directions syndicales, FO puis la CGT, « offusquées », se retirent de la conférence de financement. Et le 4 février, le sénat approuve un projet de loi instituant un service minimum dans les transports, soit un pas en avant vers une loi anti grève, analogue à la loi 146 de 1990 en Italie. Et nous voilà repartis pour de nouvelles journées de mobilisations, éparpillées pour les semaines qui viennent ! Ces directions reprendront bien vite le chemin des négociations.

Et le mouvement généreux des travailleurs des transports finira dans le brouillard et le « chaos » de l’irruption en mars de la pandémie au coronavirus que le gouvernement utilisera pour faire passer des décrets et ordonnances « sécuritaires » !!


8 - Une bataille est peut‑être perdue mais le combat continue

Les enseignements de ce mouvement seront énormes. Il a montré encore une fois que le « dialogue social » (en Italie, on parle de « concertation ») n’existe pas avec un gouvernement qui ne recule plus devant les protestations dites démocratiques du « peuple » en colère, et encore moins devant celles des travailleurs, qui utilise une répression physique et judiciaire de plus en plus féroce, et qui s’inscrit désormais ouvertement dans une lutte de classes. Le régime bourgeois, écrasé par la crise de surproduction au niveau mondial, a non seulement de moins en moins à offrir à la classe prolétarienne, mais prépare une attaque féroce contre son ennemi de classe.

Face à cette situation caractérisée par une dureté accrue des luttes, s’impose aux travailleurs l’inadéquation des grèves isolées, même si elles parcourent le territoire national, proposées par les directions syndicales dites « représentatives ».

Durant ce mouvement de décembre-janvier l’influence de la partie la plus combative de la classe des travailleurs s’est accrue et les critiques contre les directions nationales de l’Intersyndicale sont acerbes.

Les travailleurs et les militants syndicaux de base ont pu encore une fois assister à la défaillance des directions syndicales : les directions syndicales qualifiées de « combatives » par les média et réunies dans l’Intersyndicale n’ont pas voulu organiser véritablement le mouvement de grève porté par les travailleurs, centraliser les luttes en proposant par exemple de rassembler des délégations des assemblées générales, et relier les grèves des différents secteurs pour donner plus de force au mouvement ; la CGT a lancé mollement des appels à généraliser les grèves ! Elles n’ont pas pris en main les caisses de soutien pour centraliser les aides financières aux grévistes ! Elles ont de plus abandonné les grévistes au cœur du mouvement, pour la trêve de Noël. Elles ont toujours négocié avec le gouvernement tout en appelant au retrait complet du projet, ce qui signifiait le refus des négociations, et ont utilisé la grève comme moyen de pression sur les négociations et non pour le retrait complet du projet ! Et en février, le plan de bataille de l’intersyndicale consistait en la stratégie éculée des journées saute-mouton, des grèves non‑coordonnées entre les secteurs et en ne se battant pas jusqu’au bout pour la généralisation de la grève. Ce ne sont guère des comportements d’une direction d’un syndicat représentatif de la classe des travailleurs et prête à se battre pour eux !

Les travailleurs ont dû s’organiser en comités, en coordination pour diriger les luttes. Ces organismes furent remarquables par leur caractère interprofessionnel et intercatégoriel, leur volonté d’unir les luttes des différents secteurs entre elles, et au‑delà des divisions syndicales en rassemblant des travailleurs syndiqués et non syndiqués ! Ces caractéristiques ne sont pas celles du syndicalisme de classe né en Italie en dehors des syndicats réformistes et formé d’innombrables « syndicats de base ». Ils sont malheureusement infestés par la tradition de l’ordinovisme (18) qui s’appuie sur les « Conseils d’usine » et qui a conduit à la formation dans le passé de nombreux courants syndicaux combatifs qui s’opposèrent au syndicalisme de régime mais enfermèrent les travailleurs dans l’horizon restreint de l’entreprise, privilégiant les indications à s’organiser au niveau de l’usine aux dépens de celles à s’organiser au niveau territorial et intercatégoriel, comme notre parti l’a toujours soutenu, mémoire de la glorieuse tradition des Chambres du Travail des deux premières décades du 20ème siècle.

Quoiqu’il en soit, pour les bourgeoisies des autres pays, il s’agirait là d’ un degré élevé de combativité des directions syndicales nationales françaises, surtout si on le compare à ce que la CGIL (19) a habitué les travailleurs italiens, elle qui n’a plus proclamé de grève générale depuis le 12 décembre 2014 (contre le Jobs Act, une loi déjà adoptée qui favorise les licenciements et touche les contrats de travail), et qui contre une réforme du système des retraites pire que celle française, élaborée par le gouvernement Monti du 6 décembre 2011, proclama seulement 4 heures de grève pour le secteur privé et 8 pour celui public ! Cette comparaison d’un côté met ainsi clairement en lumière le degré de compromission et de complicité avec le régime bourgeois du plus grand syndicat de régime italien, et de l’autre indique une combativité très basse des travailleurs en Italie, alors que la combativité de ceux français a mis en branle les structures syndicales de base, celles territoriales et nationales afin de soutenir un grève nationale intercatégorielle reconductible.

Aujourd’hui le rapport de force n’est guère en faveur des travailleurs dont la lutte courageuse se perd désormais dans une multitude de petits foyers éparpillés. La répression du mouvement continue avec des procédures disciplinaires et judiciaires contre les grévistes meneurs de la lutte. Le sénat enfonce le clou en adoptant début février une proposition de loi pour interdire le droit de grève aux salariés des transports ; le parlement suivra‑t‑il ? La crise pandémique semble pour le moment avoir suspendu les décisions mais pour combien de temps, ? La bourgeoisie ne prépare‑t‑elle pas déjà un arsenal de « lois liberticides » au nom de la sécurité  sanitaire ?

Les travailleurs ont compris que la bourgeoisie ne veut ni ne peut reculer en raison des menaces pesant sur le système capitaliste au niveau mondial, et sa seule « issue » est l’exploitation de plus en plus féroce de son ennemi de classe, le prolétariat ! Les temps ne sont plus à la négociation mais au rapport de force afin que soit détruit ce système d’exploitation de l’homme par l’homme ! Les travailleurs ont compris l’importance de l’organisation unifiée et centralisée du mouvement syndical, même si cet objectif n’a été porté que par une minorité d’entre eux, ainsi que la nécessité d’une direction politique véritablement révolutionnaire en leur sein.

Comment ces directions syndicales unies dans l’Intersyndicale, censées centraliser les luttes, et dont la base s’est montrée plus radicale, peuvent elles perdurer quand elles ne cherchent plus à organiser les luttes entre elles, à les coordonner, mais laissent cette besogne aux sections ou à des coordinations inter-syndicales qui n’ont pas les moyens financiers ni matériels des confédérations ? Est‑ce que les éléments les plus radicaux de la base peuvent reconquérir ces directions au fonctionnement faussement démocratique et embastillées dans leurs privilèges de permanents syndicaux et leurs compromissions dans le système du « dialogue social »? Il est vrai que ces directions syndicales se sont bien gardées de passer ouvertement à l’ennemi comme elles l’ont fait en Italie. Les directions syndicales en France sont elles réellement des organes de lutte pour le prolétariat ou ne défendent-elles pas uniquement leurs privilèges, attachées qu’elles sont désormais au char de la bourgeoisie ? En effet l’attaque du gouvernement, mercenaire des intérêts bourgeois, ne concerne pas seulement les acquis sociaux des travailleurs mais aussi le système du paritarisme patrons-salariés qui a été un instrument fondamental de l’intégration des directions syndicales à l’appareil d’Etat et à la soumission des travailleurs aux exigences du patronat. Or les dernières luttes sociales montrent que la bourgeoisie pourrait même se passer de cet outil là, qui de plus à un coût élevé financièrement parlant, en l’empêchant d’intervenir au niveau national et en le circonscrivant à l’entreprise comme en Allemagne ! Et pourtant elle perdrait ainsi un puissant garde‑fou !!

Quoiqu’il en soit, la lutte des classes entre salariés et patronat ne peut que devenir plus aiguë sous l’effet de la crise économique mondiale en cours et dont les effets deviennent de plus en plus dévastateurs pour le prolétariat ! Dans ce mouvement social français 2019‑20, les travailleurs, confrontés à l’inertie de leurs directions syndicales, ont dû mener les luttes les plus radicales par le biais des assemblées générales et des coordinations. Il est désormais évident que lors du prochain mouvement de classe, les travailleurs devront s’organiser une nouvelle fois sans ces directions syndicales faussement combatives et qui laissent peu de perspective de reconquête ! Ces directions se montreront-elles alors ouvertement hostiles à tout mouvement radical du prolétariat, en excluant, par exemple, les sections les plus radicales, obligeant ainsi les travailleurs à s’organiser dans des syndicats véritablement revendicatifs et de classe, en lutte contre le capital et aussi contre les centrales réformistes. Ou les reconquérir à coup de triques, ou en dehors et contre elles, telle est la position de notre parti depuis les années 50. Rappelons brièvement que pour notre parti, les deux instruments fondamentaux de la lutte de classe révolutionnaire des travailleurs pour la prise du pouvoir sont d’une part le Parti communiste, facteur de conscience et de volonté de la classe prolétarienne, d’autre part les organisations économiques, syndicales, véritablement de classe qui organisent la grande masse du prolétariat, et au sein desquelles le parti a une influence déterminante. Aujourd’hui, dans le mouvement social français, la conquête par notre parti des organisations économiques véritablement de classe et organisées en un front unique syndical de classe n’existe pas, les travailleurs n’ayant pas encore trouvé le chemin de la lutte révolutionnaire ! Or face aux attaques à venir de la part de bourgeoisies acculées par la crise économique en cours et de plus en plus désorganisées, le prolétariat international va se mettre en mouvement.


Que survienne le Front unique syndical de classe pour les syndicats représentant véritablement et authentiquement la classe des travailleurs ! Que vive et se développe le Parti Communiste International, sans front unique politique, grâce à la vigueur de la lutte des classes qui ne peut désormais que s’amplifier au niveau national et international ! Et que le Parti Communiste International, guide du prolétariat, conquière les travailleurs dans les syndicats de classe, dans un front unique syndical de classe ! Le véritable combat de classe passera par cette voie unique et révolutionnaire !




1 - Le système du paritarisme est celui du « dialogue social » au niveau de l’entreprise ou des branches avec des décisions prises entre syndicats et patrons. Cf article d’avril 2012 sur notre site : « Le financement des syndicats européens et le rapport Perruchot, Les centrales syndicales françaises et la collaboration de classe sous les feux des projecteurs », qui montre comment les directions syndicales françaises sont intégrées par le paritarisme dans l’appareil bourgeois.

2 - idem

3 - PTT Poste Télégraphes et Téléphones-télécommuniscations : administration publique transformée en 2 sociétés publiques France Télécom en 1988 et La Poste en 1991 mais avec une séparation budgétaire dès 1980, et avec la possibilité d’embaucher du personnel sans le statut de fonctionnaire.

4 - Voir notre article de de juin 2019 sur notre site : « L’internationalisme syndical de collaboration de classe » où est développée la question de l’internationalisme syndical avec les deux grandes organisations actuelles : la FSM fondée en 1945 sous l’impulsion de la CGT qui conserve un vernis de « classe »  en se réclamant du communisme et de la lutte de classe !, et la CES (confédération européenne des syndicats née en 1969, liée à l’union européenne, prônant le « dialogue social » avec le patronat).

5 - La fédération nationale des industries chimiques FNIC CGT (labo pharmaceutique, raffineries) est la fédération la plus importante de la CGT : son secrétaire fédéral est Emmanuel Lépine.

6 - Le courant lambertiste est né d’une scission au sein du mouvement trotkyste en 1952 et fut animé jusqu’en 2008 par Pierre Boussel dit Lambert avec le slogan : front unique syndical et politique, et une pratique de l’entrisme à outrance dans les organisations syndicales et politiques ! Après l’exclusion des trotskistes de la CGT dès 1953, il milite dans FO où les lambertistes vont constituer une part de la direction. Il connaît de nombreuses scissions et prend successivement le nom d’Organisation communiste internationaliste OCI en 1963, puis Parti communiste internationaliste en 1981, de Parti des travailleurs PT en 1991, de Parti Ouvrier Indépendant POI en 2007 qui éclate en plusieurs fractions en 2015 (mort de Lambert en 2008) ! De nombreux membres du PS sont issus de ce courant.

7 - Le FSC appelle à relancer « le produire en France », la France étant « vassalisée par l’oligarchie germano-américaine ». Il considère que les directions de la CGT, la FSU et Solidaires s’alignent sur les positions des gouvernements français, USA et britanniques. Il va même jusqu’à soutenir le gouvernement syrien (les syndicats syriens contrôlés par le gouvernement baasiste, sont affiliés à la FSM) !

8 - Leur site : https://www.frontsocialuni.fr/organisations-membres/

9 - Info com CGT est le syndicat des salariés CGT de l’information et de la communication qui durant la grève 2019‑20 a organisé la principale caisse de soutien aux grévistes (leur caisse existe depuis 2016 et celle de 2019 est cogérée avec SUD et sud poste 92, CGT Good Year) récoltant plus de trois millions d’euros qui sont redistribués aux grévistes (les syndiqués, et les non syndiqués, public ou privé, toutes professions), tandis que la direction CGT versait le 10 janvier une somme de 500 000 euros (la CFDT aurait une caisse de grève de 120 millions d’euros!) ce qui ne représente financièrement pour les grévistes qu’une goutte d’eau !! Info com CGT a rejoint le groupe « Front social ». 400 caisses de grèves (dont la moitié dans les lycées surtout et l’enseignement supérieur, avec la participation des utilisateurs youtube) ont été organisées durant le mouvement actuel surtout après le 20 décembre soit 4,5 millions d’euros récoltés. Mais les syndicats pourraient aussi négocier que ce soit le patronat qui paye les salaires comme cela est déjà survenu dans le passé!! Historiquement l’AIT puis l’ IC ont aidé financièrement et matériellement (envoi de nourriture par les Bolcheviks en Allemagne dans les années 1920) des grèves dans différents pays.

10 - Cf La Gauche n°13 juillet-décembre 1987 : la grève à outrance des cheminots, un avertissement pour la réorganisation politique et économique prolétarienne.

11 - Les trois grands courants trotskistes en France sont la Ligue Communiste Révolutionnaire devenue le NPA (active dans le syndicat SUD et CGT), Lutte Ouvrière (active dans les syndicats CGT et FO) et le courant lambertiste (actif à FO et à la CGT).

12 - Le Courant Communiste International ou CCR est une tendance trotkyste au sein du NPA : le FT QI (Fraction trotkyste de la 4ème Internationale) qui a son centre en Argentine, et est née dans les années 1980. Son organe est Révolution permanente  et a un site très visité: il soutient le front unique syndical avec la critique des directions syndicales comme celles de FO et la CGT pour la reconquête du syndicat et le front unique politique. Il est composé de nombreux militants très activistes (Gaël Guirante de Sud PTT92) qui sont très actifs dans des sections de SUD et de la CGT.

13 - Précisions que la Bourse du Travail à Paris, constituée de très nombreux bâtiments et de salles de réunion, est dans les mains des confédérations FO et CGT !

14 - BRAV‑M : Brigades de répression de l’action violente motorisées il s’agit d’une unité de police motorisée organisée en binôme sur une moto, créée en 2019 et déployée lors des manifestations des gilets jaunes, la manifestation du 1er mai, afin de disperser, pourchasser et interpeller les manifestants.

15 - Le taux de grévistes selon la SNCF du 5 décembre – 17 janvier : de 85,7% le 5 décembre à 37,5% le 31 décembre, 66% le 9 janvier, 19% le 17 janvier chez les conducteurs  ; de 73,6 le 5 décembre à 19,2 le 31, 12,9% le 17 janvier chez les contrôleurs ; de 57% le 5 décembre à 9,7 le 31, 9,9% le 17 janvier chez les aiguilleurs  ; de 55,6% le 5 janvier à 7,7% le 31, 4,6% le 17 janvier au total (commerciaux, agents, …).

16 - Il permet au gouvernement de faire passer un texte de loi sans vote du parlement.

17 - Nous trouvons des renseignements sur le site de l’ARC (Alternative révolutionnaire communiste), ex tendance Claire du NPA !! La coordination francilienne est citée dans le site de la tendance Révolution permanente du NPA!!Une guerre de tendances ??

18 - L’ordinovisme est un courant de l’aile gauche du Parti socialiste italien au début du 20ème siècle, lié à la revue turinoise « Ordine Nuovo » dont le théorien fut Antonio Gramsci.

19 - CGIL Confédération générale italienne du travail (Confederazione Generale Italiana del Lavoro)