Parti Communiste International |
Dans notre interprétation des évènements critiques du mouvement prolétarien en Allemagne de 1918 à 1923, le travail de notre parti a mis en lumière une série d’erreurs théoriques et tactiques commise par la direction communiste lors de ces années cruciales. Ce travail, nous l’affirmons tout de suite, n’a pas pour but d’amoindrir la grandeur du généreux sacrifice de ces prolétaires dans le feu révolutionnaire, ni de porter atteinte d’aucune façon à l’honneur de toute la classe ouvrière allemande, et encore moins d’attribuer une quelconque « faute » à des individus qui se sont trouvés alors à la tête des organes politiques et syndicaux du prolétariat allemand.
En effet, nous affirmons sur la base de notre matérialisme historique que même si le mouvement communiste en Allemagne avait adopté une tactique juste, la victoire n’aurait pas été pour cela assurée. Ce fut la situation objective, en Allemagne comme à l’échelle internationale, qui rendit trop ardue la victoire, voire impossible, et qui ne put produire un parti solide d’un point de vue doctrinal, et suffisamment connecté à sa classe ouvrière.
Notre analyse critique ne doit donc pas être interprétée comme si nous avions ignoré tout ce que le mouvement révolutionnaire allemand eut de méritoire. Toutefois il est d’une importance vitale de comprendre du point de vue des principes comme dans la pratique de l’action les limites et les faiblesses de ce mouvement – dus, comme nous l’avons déjà dit, à des raisons matérielles clairement identifiées dans nos textes.
La plus nuisible de ces circonstances objectives fut la profonde emprise du Parti Social démocrate allemand (SPD) sur la classe travailleuse en général, et sur ses représentants les plus avancés et les plus combatifs en particulier, y compris la direction du jeune Parti Communiste Allemand (KPD) : cette charge pesa lourdement sur leur comportement.
Ceci s’explique clairement par le fait que le SPD était alors le plus grand parti politique du monde, le parti de la classe travailleuse allemande depuis 1875, qu’il avait survécu aux lois antisocialistes de Bismarck, et était devenu le pilote de la deuxième Internationale. Et pourtant, il se révéla être, à l’éclatement de la Première guerre mondiale, un organe assujetti à l’ Etat bourgeois, inextricablement lié au destin de l’impérialisme allemand.
Rétrospectivement, il est facile aujourd’hui de voir que la dégénérescence progressive (1) du SPD l’aurait inévitablement conduit à abandonner l’internationalisme prolétarien. Mais alors sa trahison apparut comme un coup de tonnerre. Quand Lénine eut en main le Vorwärts, journal du SPD, qui proclamait le soutien actif de ce parti à la guerre, il refusa d’y croire, convaincu qu’il s’agissait là d’un faux provenant de l’état major allemand ! Mais il ne fut pas le seul à être frappé de stupeur.
Le désaccord criant avec cet abandon des principes se manifesta dans le courant socialiste de gauche dès août 1914, non seulement en Allemagne mais aussi au niveau international, et s’incarna dans deux des affirmations les plus significatives de Rosa Luxembourg : « Après le 4 août 1914, la social démocratie n’est plus qu’un cadavre puant », constatait‑elle, et pourtant elle affirmait encore : « Le pire des partis de la classe travailleuse est mieux que pas de parti du tout ». Or la social-démocratie n’était plus alors le parti de la classe travailleuse !
En justifiant sa réticence à se couper du SPD, puis du Parti Social démocrate Indépendant (USPD) parce que « c’est là que se trouvaient les masses », la fraction d’opposition conduite par Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht et Léo Jogiches – les Socialistes internationaux, et plus tard les Spartakistes – commettait une grave erreur en ce qu’ils ne pouvaient se préparer au moment où enfin le prolétariat allemand se « réveillerait de son ivresse » guerrière, comme Luxembourg l’exaltait dans son pamphlet signé Junius de 1915 (2). La décision d’ « aller aux masses » était une erreur théorique et tactique qui affaiblissait encore plus le mouvement prolétarien durant la période belliqueuse et post-belliqueuse.
Dès les premiers jours de l’insurrection de fin 1918 - début 1919, quand les soldats et les marins répondirent aux appels des Spartakistes, quand dans les rues de Berlin la révolution allemande semblait être à l’ordre du jour, la social-démocratie – majoritaires et indépendants réunis – au pouvoir depuis novembre 1918, mit tout en œuvre pour écraser l’impétuosité des masses, se mettant complètement au service de la « Patrie en danger », menacée d’une invasion française, qualifiant les insurgés de « sauvages », et mobilisant toutes les forces de l’ Etat – corps francs et armée prussienne – pour empêcher l’extension du mouvement et massacrer les militants du jeune Parti communiste.
Ce rôle du SPD dans l’anéantissement du mouvement révolutionnaire est bien connu (3). Moins connu est celui des Indépendants de l’ USPD, qui se comportèrent comme des « amis » du prolétariat révolutionnaire, pour ensuite l’abandonner lâchement, « car le Diable a le pouvoir de revêtir une forme séduisante » (Hamlet, acte 2, scène2). Lors des moments décisifs, quand toutes les conditions pour l’assaut au pouvoir semblaient réunies, l’ USPD en désorientant les masses, disposait ainsi d’une arme parmi les meilleures pour la défense du régime bourgeois et complétait le travail de bourreau réalisé vis à vis de la classe ouvrière par les sociaux-démocrates du SPD, les Scheidemann et Noske en tête.
La décapitation sauvage du mouvement communiste qui suivit les journées tragiques de la mi‑janvier à Berlin signe un moment clé dans l’anéantissement du mouvement prolétarien. Mais, malgré le macabre effet de la défaite, ce premier baptême du feu du jeune Parti Communiste dans la lutte armée, et la démonstration du rôle de la Social-démocratie comme chien de garde du régime capitaliste, déterminèrent l’orientation de larges couches de la classe ouvrière vers le communisme, vers la révolution russe. Des millions de prolétaires allemands furent ainsi conquis au communisme révolutionnaire.
Toutefois, au fur et à mesure que se déroulèrent les évènements successifs, chaque avantage obtenu était bientôt suivi d’une reculade ; à chaque pas en avant succédait un pas en arrière.
– Les conseils ouvriers furent rapidement formés en dehors des syndicats réformistes et conquirent le pouvoir dans de nombreuses cités et régions allemandes ; mais ils occultèrent le problème de la prise de pouvoir au niveau national et se vidèrent de tout contenu politique révolutionnaire. Nombre de communistes ne virent dans les « conseils ouvriers » qu’une organisation fétiche qui niait les questions fondamentales du pouvoir politique et négligeait l’armement du prolétariat.
– Le Parti Communiste Allemand (KPD) fut (enfin) fondé fin décembre 1918, avec un programme aux bases clairs ; mais il était totalement impréparé à l’assaut qui se termina par l’assassinat de ses chefs les plus expérimentés, Liebknecht, Luxembourg et quelques mois plus tard Jogiches.
– Des millions de jeunes travailleurs, soldats et marins affluèrent dans le nouveau parti ; mais désorientés par les hésitations et oscillations des chefs des tendances de droite et du centre, comme Levi, par l’exclusion de groupes de gauche lors du congrès « truqué » de Heidelberg de 1919, et pour finir par la fusion avec l’aile gauche de l’USPD pour former le VKPD fin 1920, une partie notable des militants l’abandonnèrent pour s’unir au Parti Communiste des Travailleurs (KAPD) fondé en 1920.
– Le putsch de Kapp de mars 1920, dirigé contre la République de Weimar des sociaux-démocrates, fut stoppé par une grève générale (peut‑être la plus efficace de l’histoire!) et par la lutte armée spontanée du prolétariat ; mais le KPD abandonna la conduite du mouvement aux réformistes dont les objectifs se limitaient à la « défense de la République », soit une manifestation précoce du futur antifascisme.
– Dans la Ruhr et dans une partie de la Saxe, la classe travailleuse s’arma et passa à l’offensive contre le putsch de Kapp. Mais certaines sections locales où les militants communistes participaient à une coalition de différents courants (SPD, USPD, etc.), voire à des « gouvernements de travailleurs », ainsi que la direction du KPD qui donna alors la consigne d’une « opposition loyale » au gouvernement, empêchèrent activement les ouvriers de mieux s’armer.
– Il y eut une ascension rapide du syndicalisme ouvrier combatif (hors des syndicats réformistes) dans les zones industrielles durant les années 1919‑1920 ; mais les divisions furent nombreuses et le syndicat AAUD‑E (4) sous la direction de Otto Rühle (anarco-syndicaliste) refusa de participer à l’insurrection de mars 1921 organisée principalement par le KAPD.
– La centrale du VKPD, à la grande joie du KAPD, et sous la poussée du Komintern, promulga l’appel à « l’offensive révolutionnaire » avec la grève générale en mars 1921 mais sans avoir apprécié correctement la situation; sur le terrain, seuls les militants du KAPD furent les plus offensifs et organisèrent une « Armée rouge » en Saxe avec les ouvriers les plus combatifs. Les masses industrielles ne suivirent pas, l’échec fut lamentable et la répression bourgeoise terrible.
– Le KAPD, formé de militants « écartés » par l’aile centriste du KPD qui remplaça les grands chefs prolétariens du KPD, assassinés lors du carnage de 1919, tout en ayant des positions qui pouvaient apparaître comme proches des nôtres, s’éparpilla bien vite en de nombreuses factions embrassant des positions non marxistes (ouvriérisme, anti-intellectualisme, conseillisme, terrorisme, national-bolchévisme, etc.).
– La classe ouvrière révolutionnaire offrit une « ultime résistance » héroïque en 1923, principalement à Hambourg. Mais « la préparation militaire du parti, commencée avec une rapidité fébrile, ne reflétait pas son activité politique, qui avait été mis en avant lors de la période de paix précédente ; les masses en comprenaient pas le parti et ne réussissaient pas à le suivre » (Trotski). La nouvelle direction attribua hypocritement la faute de l’échec au « spontanéisme hérité de Luxembourg ».
Les autres facteurs
D’autres facteurs étaient en effet à l’oeuvre.
L’histoire n’avait pas encore produit un véritable parti communiste mondial, sur des bases marxistes cohérentes, solides et partagées par tous ; un parti bien préparé pour affronter, uni internationalement, dans les rues et dans les journaux, les ennemis politiques communs ; un parti enraciné dans les organisations ouvrières et estimé pour la continuité et l’efficacité de ses directives.
La Troisième Internationale, coincée entre les nécessité de promouvoir la révolution mondiale et celle de soutenir l’ embryonnaire Etat socialiste en Russie, n’était en mesure d’envoyer que des signaux et des consignes contradictoires et peu d’assistance matérielle. Etant donnée la faiblesse théorique du parti communiste allemand, même le texte de Lénine « L’extrémisme, maladie infantile du communisme », désorienta une partie des communistes allemands et favorisa d’ultérieures scissions. Et la tactique désastreuse de la III Internationale, immédiatement combattue par notre courant, du front unique et du gouvernement ouvrier, ne fit qu’accélérer la défaite du mouvement prolétarien allemand et en conséquence de nombreux autres survenus dans différents pays (Hongrie, Bulgarie).
Suite aux actions de 1919, 1920, 1921, 1923, hormis ceux assassinés, des dizaines de milliers des meilleurs militants révolutionnaires furent condamnées à de longues peine de détention. Une bonne partie de l’énergie du KPD fut utilisée pour défendre leur amnistie. Ceci accéléra le processus d’intégration du KPD dans le cadre de la république bourgeoise de Weimar, de ses tribunaux, des différentes commissions parlementaires, des lobby et des groupes de pression, etc. Quand ces militants furent enfin relâchés (un grand nombre en 1928), le KPD était déjà complètement stalinisé. Les communistes qui revenaient au KPD étaient mis devant l’obligation d’accepter la nouvelle discipline du parti, ou d’en être écarté : Max Höetz, chef d’insurrection en 1920 et 21, fut expédié à Moscou, et exécuté lors de la purge anti-allemande organisée par Staline au début des années 30. La bourgeoisie adore les révolutionnaires morts.
Notre parti a qualifié de « tragédie » les évènements qui se déroulèrent en Allemagne de 1918 à 1923. Ce fut en effet une tragédie au sens shakespearien du terme dans la mesure où le protagoniste, le prolétariat allemand, entreprit une lutte héroïque et admirable, mais fut battu en raison de la combinaison de ses faiblesses et des forces adverses hors de son contrôle.
Ce n’est pas un hasard si la contre-révolution, physique et théorique, qui suivit fut en Allemagne plus brutale et plus dévastatrice que partout ailleurs. Ernst Thälmann, le chef du KPD dès 1925, perfectionna bien vite l’art stalinien de s’exprimer dans un langage pseudo-révolutionnaire – que les trotskistes interprétèrent de façon erronée comme « ultra‑gauche » – pour dénoncer nos grands camarades allemands. Il en appela ainsi à « la lutte la plus intense contre les vestiges du luxembourgisme », qu’il qualifia de « plate‑forme théorique de mots d’ordre contre-révolutionnaires ». Et dans l’ Allemagne divisée après 1945, l’héritage de Rosa Luxembourg fut dénaturé des deux côtés du Mur de Berlin. Walter Ulbricht, président du Parti Socialiste Unifié (SED en RDA) définit Rosa Luxembourg comme « une mutation de la social-démocratie », et sa « Dialectique de la spontanéité et de l’organisation », critiquée par Lénine dans son « Que faire ? » de 1915, est sortie du contexte de la lutte contre le révisionnisme d’alors, et liquidée d’une façon que Lénine n’a jamais envisagée.
Plus tard, parce que la RDA avait alors besoin d’icônes, Liebknecht et Luxembourg y prirent le statut de martyrs, et le sont encore pour le Parti de la Gauche allemande (Die Linke), dont le principal centre de recherche politique qui publie de misérables documents pérorant sur le « capitalisme vert », s’appelle « Fondation Rosa Luxembourg ». Sans compter l’appropriation encore plus nauséabonde que font de Rosa Luxembourg différents partis libéraux, des « socialistes démocratiques », des libertaires et penseurs new age ! La bourgeoisie adore les révolutionnaires quand ils sont morts.
Rappelons que Rosa Luxembourg a toujours cru dans la nécessité du parti politique et en décembre1918 elle fonda avec Liebknecht le premier Parti Communiste après celui russe. Mais l’héritage du jeune parti fut bien vite dénaturé par la tendance menée par Paul Levi. Levi entreprit l’alignement du KPD avec la fraction Serrati lors du congrès de fondation du PCd’Italie à Livourne en 1921 ; il entreprit la jonction du KPD avec l’aile gauche de l’ USPD en 1920 et enfin il rejoignit le SPD en 1922. En 1921, alors qu’il entrait en conflit avec le Komintern et avec des membres du KPD, il prévit de republier les seuls écrits de Luxembourg qui portait sur ses divergences avec Lénine. Ce dernier rétorqua abruptement dans ce passage désormais célèbre de fin février 1922 (5): « Paul Levi désire maintenant, tout particulièrement, gagner les faveurs de la bourgeoisie (et par conséquent, des Internationales II et II 1/2, ses agents) en rééditant précisément les oeuvres de Rosa Luxembourg dans lesquelles celle‑ci s’est trompée. A cela nous répondrons par deux vers d’une bonne fable russe : il arrive aux aigles de descendre plus bas que les poules, mais jamais les poules ne pourront s’élever aussi haut que les aigles. [...] Mais malgré ses erreurs, elle était et elle reste un aigle ; et non seulement son souvenir sera toujours précieux pour les communistes du monde entier, mais encore sa biographie et ses œuvres complètes [...] constitueront une leçon très utile pour l’éducation de nombreuses générations de communistes du monde entier. [...] Tandis que dans l’arrière-cour du mouvement ouvrier, parmi les tas de fumier, des poules comme Paul Levi, Scheidemann, Kautsky et toute cette confrérie admireront surtout, comme l’on pense, les erreurs de la grande communiste. A chacun son bien. » Et de terminer par cette phrase suprême : « Si nous ne craignons pas de reconnaître nos erreurs, si nous ne craignons pas le travail cent fois repris en vue de les corriger, nous atteindrons le sommet ».
L’autre courant de gauche qui aurait pu émerger avec une certaine crédibilité se trouvait à l’intérieur du KAPD. Dès le début, la Gauche italienne avait critiqué les « tendances libertaires et syndicalistes » du KAPD (cf à la troisième partie du rapport que nous republions). Mais cette critique n’empêcha pas « Il Soviet » de reconnaître la combativité du KAPD durant le putsch de Kapp contrastant avec la passivité du KPD. Dans l’article de Il Soviet n°18, du 11 juillet 1920, intitulé : « La situation en Allemagne et le mouvement communiste », nous écrivions : « (...)la nouvelle organisation [KAPD] est en grande partie plus combative et révolutionnaire et elle développe une plus large activité dans les masses ; ses partisans sont les ouvriers qui ne tolèrent ni le manque d’intransigeance dont le vieux parti fait périodiquement preuve, ni sa conversion au parlementarisme, laquelle le rapproche des Indépendants, qui profitent de sa tactique pour mieux se faire valoir aux yeux du prolétariat allemand et de l’Internationale. »
Notre parti espérait initialement voir le KAPD réintégrer le KPD et estimait que le plus grand danger (comme en Italie avec Serrati) provenait de l’opportunisme de la gauche de l’ USPD. Mais en Allemagne, comme en Italie (et ailleurs), l’ Internationale poussait à la fusion des communistes avec les sociaux-démocrates de gauche afin de créer un « parti de masse » – qui fut en Allemagne, le Parti Communiste Unifié (VKPD). Cette tactique se révéla désastreuse. Les communistes ne jugent pas la force d’un parti au nombre de ses adhérents. Mais les instructions du Komintern était « d’aller là où les masses se trouvaient ».
Cependant le problème fondamental avec le KAPD et la cause de sa désintégration en de nombreuses fractions résidait précisément dans ses origines : il avait réuni divers courant qui n’avaient en commun que le dégoût du centrisme et de l’opportunisme du KPD. Il attirait les militants combatifs, mais ses programmes étaient inévitablement une mixture confuse. Une fois la vague révolutionnaire en reflux, ces différents courants se dispersèrent un par un. Quand le KAPD coupa ses liens avec la Troisième Internationale, la confrontation avec la Gauche italienne et les autres partis communistes non seulement en Allemagne, mais aussi en Angleterre, aux Pays Bas, en Bulgarie, devint impossible et les liens se distendirent de plus en plus. « J’étais, je suis, je serai »
L’unique tentative jusqu’à aujourd’hui de révolution communiste accomplie par le prolétariat d’un pays moderne, hautement industrialisé et doté d’un système politique démocratique constitutionnelle, est celle de l’ Allemagne de 1918‑1923.
Malgré les nombreuses erreurs de nos « infantiles » camarades communistes, la défaite allemande reste une leçon magistrale pour le parti de la classe travailleuse d’aujourd’hui et de demain. Le prolétariat communiste allemand et international doit revendiquer cet épisode historique dans la guerre de classe, et rejeter les commentaires fallacieux des hagiographes à la solde de la bourgeoisie.
Ce moment historique fournira une arme essentielle pour l’arsenal doctrinaire du prolétariat non seulement allemand mais international lorsque qu’il jaillira une nouvelle fois de sa torpeur, comme telle est sa destinée. Les leçons tirées des évènements en Allemagne de 1918 à 1923 ont joué un rôle majeure dans les énoncés du programme de notre parti, le Parti Communiste International, faisant écho aux derniers mots de Rosa Luxembourg : « J’étais, je suis, je serai »(6).
Les idéologues de tout le spectre politique bourgeois ont fait de leur mieux pour étouffer ce cri. Mais nous le reprenons avec ferveur en souvenir admiratif des révolutionnaires allemands. Les morts d’hier resurgiront ainsi pour inspirer les révolutionnaires de demain.
« Nous mourrons peut‑être, mais notre programme, lui, vivra ! (7)»
1. Lire l’analyse faite par Rosa Luxembourg de la lente dégénérescence de la social-démocratie allemande, dans sa brochure signé Junius: “La crise de la social-démocratie” de 1905, et dans son discours au congrès de fondation du KPD le 31‑12‑1918. (Ecrits politiques 1917‑1918, collection Maspéro 1971, p101‑129) - https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19181231.htm
2. Chapitre 8 de la brochure de Junius : “La lutte contre l’impérialisme”.
3. Il faut tout de même ajouter qu’aujourd’hui encore, en 2019, la social-démocratie allemande occulte totalement cette responsabilité, et se garde bien de l’évoquer lors des
répugnantes commémorations auxquelles elle se prête pour la mort de la “grande militante” Rosa Luxembourg.
4. L’AAUD (Allemeine
Arbeiter Union-Deuschlands), fondée en avril 1920, rassemblait des organisations de travailleurs créées en dehors des syndicats réformistes et était dominée par le KAPD. L’AAUD au contraire participa avec le KAPD très activement à
l’insurrection de mars 1921; alors que l’ AAUD‑E (purement anarco-syndicaliste ; E pour unité Einheitorganisation) issue d’une scission fin décembre 1920 de l’ AAUD refusa d’y participer du fait de l’intervention des partis politiques ! La direction du KPD pressée par le Komintern (Zinoviev, Bela Kun, Radek) prit l’initiative de l’insurrection sans tenir compte de la situation et des réticences des militants locaux (ils pensaient bien que les masses ne suivraient pas) et attendit le 1eravril pour proclamer l’arrêt du mouvement alors que la déroute était évidente depuis plusieurs jours.
5. Note d’un publiciste” fin février 22 (en mai, la santé de Lénine s’aggravait brutalement): paragraphe III : « A propos de la chasse au renard, de Levi et de Serrati » ; œuvres complètes éditions sociales tome 33 p 211. Ce texte ne fut publié dans la Pravda que le 16 avril 1924. Oeuvres complètes, éditions sociales, 1977, p 211‑213.
6. Il s’agit des derniers mots de l’article de Rosa Luxembourg écrit la veille de son assassinat : “L’ordre règne à Berlin”, publié dans Die Rote Fahne du 14 janvier 1919 :
« L’ordre règne à Berlin !” sbires stupides ! Votre “ordre” est bâti sur le sable. Dès demain la révolution “se dressera de nouveau avec fracas” proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi : J’étais, je suis, je serai ! » inspiré du poème de F.Freiligrath : “La
révolution”.
7. Karl Liebknecht dans son article paru le 15 janvier 1919 dans Die Rote Fahne, intitulé “Malgré tout” terminait ainsi :« Et que nous vivions encore [ou non] quand il sera atteint [le but] – notre programme, lui, vivra ; il dominera le monde de
l’humanité libérée. Malgré tout ! » Und ob wir dann noch leben werden, wenn es erreicht wird - leben wird unser Programm; es wird die Welt der erlösten Menschheit beherrschen. Trotz alledem!