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Parti communiste d’Italie Section de la Troisième Internationale
LA FONCTION HISTORIQUE DES CLASSES MOYENNES ET DE L’INTELLIGENTSIA
Conférence du 23 mars 1925 du représentant du PC d’Italie Sur notre site, en langue italienne |
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L’accusation récurrente que l’opportunisme de tous bords porte contre notre école est celle de schématisme doctrinaire, entendu comme notre incapacité à voir la multiplicité de la réalité et notre obstination à vouloir couper la société en deux avec la hache : d’un côté tous les bourgeois, de l’autre tous les prolétaires. Contrairement à nous, les opportunistes, ayant abandonné leurs schémas dogmatiques vétérans-marxistes, prétendraient analyser la société dans ses expressions multiformes et leur attribuer un degré de démocratisme ou même... de progressisme. Au bas de l’échelle se trouveraient les propriétaires fonciers et les industriels les plus réactionnaires, partisans d’une réaction pré-bourgeoise. Au niveau suivant, il y aurait la grande bourgeoisie industrielle et financière, conservatrice mais pas réactionnaire. En continuant à monter cette sorte d’escalier sacré, nous arriverions aux classes moyennes qui, écrasées par les classes précédemment citées, réclament la démocratie la plus large possible. Enfin, sur la dernière marche, il y a le prolétariat qui, de temps en temps, doit s’allier avec la bourgeoisie quand elle est menacée par le danger d’une "involution autoritaire" ; avec les classes moyennes quand il s’agit de nouvelles conquêtes démocratiques ; jamais seul, car il ne reconnaît pas ses propres objectifs par rapport à ceux de l’ensemble du corps social.
Nous nous gardons bien de rejeter l’accusation de schématisme doctrinaire ; au contraire, nous revendiquons cette qualité qui est la nôtre.
Nous sommes schématiques dans la mesure où nous refusons tant aux restes de la classe des propriétaires terriens, qui ont survécu à la révolution bourgeoise, qu’aux classes moyennes, la possibilité d’élaborer un programme et des buts historiques propres, dans la mesure où nous affirmons que le cours de la lutte des classes et donc la solution historique seront déterminés par l’issue du choc entre la classe bourgeoise et la classe prolétarienne. Mais cela n’empêche pas le parti de reconnaître et d’analyser, à la lumière de la doctrine marxiste, l’existence de ces couches sociales et des classes moyennes en particulier, et de mettre en œuvre un type d’action tactique à leur encontre afin de les attirer sur le terrain de la lutte prolétarienne, sans pour autant concéder quoi que ce soit à leurs " revendications spécifiques " petites-bourgeoises ; au contraire, il doit prendre garde au danger de voir leur idéologie bâtarde s’introduire dans l’organe de la classe ouvrière. Car si cela devait se produire, le parti perdrait son caractère de classe et serait incapable de jouer un rôle autonome. Ce rôle ne serait même pas joué par les classes moyennes, mais encore une fois par le grand capitalisme mondial, auquel chaque classe moyenne est rattachée. La consigne marxiste consiste donc à réarmer le prolétariat avec sa doctrine et à préparer la mort historique du capitalisme, en rejetant toute idéologie des classes moyennes. La lutte ouverte et déclarée contre toute mentalité et tout préjugé petit-bourgeois ne signifie certainement pas que nous tenons pour acquis le fait que la petite-bourgeoisie, dans son ensemble, prendra parti contre le prolétariat, même si l’expérience historique nous enseigne à être pessimistes quant aux choix de terrain qu’elle fera à l’heure de la lutte suprême. Mais la seule façon d’attirer les classes moyennes petites-bourgeoises du côté de la classe ouvrière est de lutter durement contre leur idéologie et, sans espérer que notre propagande soit largement couronnée de succès, de leur présenter le fait que le capitalisme lui-même les prolétarise inévitablement et que, par conséquent, leur seule issue (non pas en tant que petits-bourgeois, mais en tant que prolétaires de demain) est de soutenir la lutte pour l’émancipation prolétarienne.
La principale caractéristique des classes moyennes est celle de l’indétermination, de leur capacité à passer, avec la plus grande facilité, d’une attitude à l’autre. Un exemple classique est celui de l’Italie dans l’immédiat après-guerre : "La classe moyenne et la petite bourgeoisie avaient tendance à jouer un rôle passif, non pas au service de la grande bourgeoisie, mais dans le sillage du prolétariat qui était sur le point de remporter la victoire (...) Cet état d’esprit a ensuite été radicalement modifié (...) lorsque la classe moyenne s’est aperçue que le parti socialiste était incapable de s’organiser de manière à prendre le dessus, elle a exprimé son mécontentement, a progressivement perdu la confiance qu’elle avait placée dans la fortune du prolétariat et s’est tournée vers le camp opposé (...) L’offensive de la bourgeoisie capitaliste (...) a essentiellement exploité l’état d’esprit dans lequel se trouvait la classe moyenne". (Rapport sur le fascisme au 4e Congrès de l’IC).
Vous trouverez ci-dessous le texte d’une conférence donnée sur ce sujet au début de 1925 par un représentant de la Gauche. Vue l’extrême clarté de l’exposé, nous estimons qu’il est inutile de faire le moindre commentaire. Il suffit de rappeler la grande hétérogénéité de cette couche sociale, dont une partie est de toute façon destinée à succomber, même si le régime de production capitaliste perdure ; d’autre part, en raison du caractère non homogène du développement capitaliste, elle est destinée, pendant une certaine période, à survivre à ce régime bourgeois ; et d’autre part, elle est est encore destinée à se fondre dans la nouvelle organisation économique socialisée.
Mais surtout, nous ne nous
lassons pas de répéter que le prolétariat et son parti ont "une fonction
originale qui s’accomplira pleinement le jour où il sera enfin clair que ces
classes tampons, ces classes intermédiaires, n’ont pas le droit de représenter
quoi que ce soit dans l’histoire".
Un problème qui ne peut manquer d’intéresser au plus haut point ceux qui suivent la doctrine et la pratique de la lutte des classes est celui de l’attitude et de la fonction historique des classes intermédiaires. Une objection courante contre l’idée socialiste, dont nous sommes partisans, est que nous réduisons tout le jeu de l’histoire à la collision de deux classes seulement, dans lesquelles nous prétendons qu’il est possible de classer jusqu’au dernier individu composant l’ensemble social.
Or, notre conception n’est pas aussi simpliste ; ce n’est pas du tout une objection à l’ensemble de notre doctrine et de nos directives de montrer qu’il peut exister, au-delà des groupes fondamentaux que nous voyons : " bourgeoisie capitaliste " et " prolétariat salarié ", d’autres groupes sociaux.
Le problème est tout autre : il s’agit de voir quel est le duel qui définit le passage historique qui se prépare devant nous ; il s’agit de voir si l’époque actuelle doit être suivie par l’époque de la domination de la classe prolétarienne, ou si ce résultat ne sera pas séparé par l’avènement à la direction de l’affaire sociale d’autres couches intermédiaires qui peuvent se ranger dans la situation actuelle.
Nous ne nions donc pas l’existence d’autres groupements : nous voulons seulement discuter de leur nature et de leur fonction. Les classes intermédiaires peuvent représenter, en quelque sorte, le dernier élément d’une époque qui nous sépare de celle propre au prolétariat.
Quelle est la fonction de ces classes intermédiaires ? Je n’ai pas besoin de citer ici nos textes fondamentaux pour montrer comment la doctrine et l’analyse marxistes sont pessimistes quant à l’attitude de ces classes sociales et les considèrent plus comme des alliés possibles de la réaction et de la conservation bourgeoises que de l’avancée prolétarienne. Une leçon qui nous vient dès le début, dès le "Manifeste communiste".
Cette thèse n’a pas été sans soulever d’opposition à travers tous les événements successifs des écoles politiques qui se sont succédé, de sorte qu’aujourd’hui tous les problèmes sont liés à la considération : que devons-nous faire de ces classes intermédiaires qui se trouvent entre nous et celles qui sont des adversaires déclarés.
L’examen de la position des classes intermédiaires permet donc de remplacer le schéma simpliste de deux seules classes aux intérêts opposés : "bourgeoisie" et "prolétariat", par un schéma un peu plus conforme à la situation sociale réelle des pays les plus importants qui nous intéressent.
Quant à la
classe dominante, nous ne la voyons pas seulement dans la grande bourgeoisie
industrielle, bancaire ou commerciale : nous devons considérer avec elle, alliée
à elle, mais son vieil adversaire et ennemi, une autre classe très importante
qui est clairement alignée autour du champ économique : la classe des grands propriétaires fonciers. Cette classe représente le résidu de la classe
dominante qui a précédé la bourgeoisie capitaliste, qui a été détruite par cette
dernière sans aucun espoir de retrouver ses positions perdues, mais qui survit
néanmoins dans ces résidus qui, ayant presque définitivement abandonné
l’illusion de restaurer les formes de domination qui étaient les siennes, se
considèrent aujourd’hui comme des alliés de la bourgeoisie capitaliste dans la
défense commune des institutions actuelles.
Entre ces deux classes et notre propre classe - la classe du prolétariat qui ne possède rien et salarié - viennent les classes intermédiaires, que nous pouvons immédiatement subdiviser en deux catégories qui permettent une clarté suffisante : les classes moyennes urbaines et les classes moyennes agraires.
Dans les classes moyennes urbaines, nous trouvons les restes de l’artisanat, les petits artisans, les petits producteurs de ces mêmes produits qui sont manipulés sur une grande échelle par la grande industrie, les petits commerçants, les petits boutiquiers ; et enfin nous avons dans les villes une autre couche sociale que nous pouvons considérer parmi celles que nous examinons, c’est la couche que l’on appelle "l’intelligentsia" ou la couche de tous ceux qui possèdent une certaine culture et qui ont un rôle sans doute très important dans le monde de la production.
Si nous passons aux classes moyennes agraires, nous nous trouvons face à un problème plus complexe ; mais nous pouvons considérer en gros qu’à la campagne, à côté de la grande classe des propriétaires latifundistes, à côté d’une autre véritable bourgeoisie agraire-capitaliste, qui dans les centres agricoles représente la classe dominante des premières couches urbaines, nous avons le propriétaire moyen, le petit propriétaire de terre, nous avons le petit métayer, jusqu’à ce que nous arrivions à cette catégorie de travailleurs agricoles qui est parfaitement, ou presque, identique au prolétariat urbain : c’est-à-dire la catégorie des ouvriers agricoles et des ouvriers salariés.
Maintenant, après avoir tracé ce schéma des classes, examinons un peu plus quel est, au point de vue de notre théorie sociale, le sort réservé à ces classes dans le cours de l’évolution. Je ne puis abandonner ici le thème spécial que nous nous sommes fixé pour aller à la recherche des faits qui confirment nos vues générales sur le devenir du capitalisme, sur sa concentration, sur l’approfondissement du contraste entre les classes, sur la nécessité pour ces contrastes d’avoir une solution révolutionnaire. La tendance à la concentration de la production à grande échelle est récemment devenue ces derniers temps de plus en plus évidente à mesure que la crise intime de la production moderne s’étendait. Or, dans cette évolution, quelle place prennent les classes intermédiaires ?
Elles ne prennent pas toutes la même place, mais des situations très différentes. En ce qui concerne le petit artisan et le petit commerçant de la ville, nous pouvons certainement affirmer que, du point de vue marxiste, ces catégories sont appelées à disparaître. Nous avons déjà clairement délimité la grande et précise tendance de la grande entreprise industrielle productive, destinée à vaincre de façon décisive les restes de la petite entreprise industrielle ; et nous avons aussi, moins rapidement, moins avancée, mais tout aussi évidente, la tendance des grandes organisations commerciales à absorber la fragmentation des échanges et la circulation des produits.
Par conséquent, nous devons dire que la société capitaliste actuelle nous a déjà offert un cadre de développement suffisant pour que, avant que le prolétariat n’arrive au pouvoir, il soit déclaré que ces classes intermédiaires sont destinées à disparaître, à n’avoir aucun rôle dans la société de demain, qu’il s’agisse d’une société capitaliste plus développée ou de l’héritage immédiat du prolétariat de l’administration économique de l’humanité.
Nous
verrons ensuite quelles conclusions dans les relations entre le prolétariat et
ces classes doivent être tirées de ces prévisions : à savoir que ces classes
moyennes sont destinées à être éliminées, absorbées par le régime capitaliste et
donc poussées vers le prolétariat.
Si l’on se tourne vers les intellectuels, on ne peut évidemment pas arriver aux mêmes conclusions. Et c’est ici qu’une autre objection, relative à la conception socialiste, doit être rejetée : c’est l’antithèse entre l’activité manuelle et l’activité intellectuelle qui se croisent, qui se complètent dans la production ; la valorisation de la première par opposition au mépris de la seconde ; l’exaltation du travail matériel et mécanique par opposition au second.
En rejetant cette affirmation, nous ne pouvons cependant pas en arriver à une identification de la situation des travailleurs intellectuels avec celle des travailleurs de la grande industrie et des grandes usines. Pour une part, c’est une fonction nécessaire, très utile, qui devra être dépassée par une organisation ultérieure, potentialisant les forces productives. Pour cette partie de classe, les intellectuels s’identifieront sans aucun doute au prolétariat dans une organisation différente et socialiste de la production, dans laquelle l’importance du travail manuel sera assimilée à celle du travail intellectuel, qui se fondra de plus en plus dans la grande harmonie de l’activité humaine.
Mais cela n’enlève rien au fait que la classe de l’intelligentsia, surtout dans certaines strates, en vient graduellement à avoir des intérêts qui s’identifient à ceux de la classe dominante. Graduellement, on trouve encore des intellectuels qui sont encore de purs travailleurs, même s’ils sont mieux payés ; à mesure qu’on avance, on commence à les trouver impliqués dans le profit du capital ; leur fonction n’est plus seulement une fonction de contribution, d’effort productif, mais prend la figure d’une fonction de garde du capitalisme, de surveillance du prolétariat pour que dans son évolution il ne brise pas les contraintes du système capitaliste bourgeois. Cette seconde fonction doit être rejetée et combattue par le prolétariat qui, voyant dans ces intellectuels la position fondamentale de défenseurs de la classe capitaliste, devra les traiter comme les alliés des adversaires. La classe des intellectuels, dans sa partie de fonction strictement technique, n’est pas destinée à disparaître, mais à se fondre dans les grands rangs du prolétariat, enfin émancipé et qui, dans une nouvelle organisation de la vie économique et intellectuelle, verra l’effort de la production de mieux en mieux harmonisé.
Et ce qui sépare de nous la large couche de la classe intellectuelle, ce n’est pas seulement cette seconde fonction de garde blanche qui lui est confiée, mais aussi l’influence idéologique fondamentale exercée sur elle par la société bourgeoise. Cette classe se leurre en pensant qu’elle est une avant-garde, qu’elle détient la clé de notre chemin vers l’avenir.
Mais ce n’est pas le cas. Précisément parce que, en tant que marxistes, nous avons effectué une critique fondamentale de la conception démocratique évolutionniste progressiste, nous nions que le processus de l’humanité se présente d’abord comme un fait intellectuel, puis comme un fait économique. C’est précisément le contraire. La culture d’une époque, ses conceptions idéologiques, ne sont que le reflet des conditions matérielles dans lesquelles se déroule et se développe la lutte des classes. La théorie la plus avancée nous est fournie non pas par ceux qui ont pu puiser dans la grande culture des classes dominantes, mais précisément par la classe sacrifiée, la classe opprimée. Et nous en arrivons à ce paradoxe historique que j’aime à répéter : c’est-à-dire que la théorie et la culture de demain se trouvent chez les ignorants et non chez les savants.
Par conséquent, nous devons lutter contre cette classe d’intellectuels et de semi-intellectuels, car c’est celle qui a été le mieux travaillée par toute l’organisation culturelle de la société actuelle, qui est une organisation de conservation, qui est une organisation de contre-révolution. Aussi, nous ne devons pas tomber dans l’erreur de croire que la classe intellectuelle des experts, des techniciens, est amenée par cette même supériorité intellectuelle à venir spontanément vers nous, vers le prolétariat.
Cependant,
nous devons considérer que la révolution prolétarienne, devant tenir compte de
l’indispensable collaboration avec les experts, avec les techniciens de la
production et de la science, devra se rendre compte, examiner cette difficulté,
qui devient de plus en plus tragique parce que ces groupes sociaux croient être
une avant-garde, jouer une fonction autonome, alors qu’en réalité ils ont dans
notre société bourgeoise une boule de plomb attachée aux pieds.
Les classes moyennes des campagnes
Et maintenant, nous en venons à parler des classes moyennes de la campagne. Et là, nous devrons arriver à des conclusions bien différentes de celles auxquelles nous sommes arrivés pour les petits artisans, etc.
Dans l’état actuel de l’histoire sociale, nous ne pouvons pas condamner dans le même sens historique la petite entreprise agricole comme nous avons condamné la petite entreprise industrielle et commerciale. Dans un sens technique général, nous sommes d’avis que le développement doit se faire dans l’agriculture dans le même sens que dans l’industrie : c’est-à-dire concentration de l’activité productive, division et spécialisation du travail, prédominance d’une grande activité productive sur l’exploitation individuelle.
Il est indéniable que le processus de concentration de la production, de spécialisation des fonctions de production, est beaucoup plus avancé dans l’industrie que dans l’agriculture. C’est un fait évident. Les révolutionnaires ne doivent pas refuser de reconnaître les faits réels ; au contraire, nous reconnaissons ce fait dans toute son étendue précisément pour nous tenir à l’écart de la conception contre-révolutionnaire à laquelle pourrait nous conduire la conclusion réformiste selon laquelle la révolution dépendrait d’une industrialisation préventive de l’agriculture.
Ce processus n’a pas encore eu lieu. Permettons au capitalisme, bourgeois industriel, qui n’a pas su potentialiser dans son esprit d’organisation supérieure concentrée également toute la production agricole, de façon à ce que alors seulement, selon la conception réformiste erronée, le Socialisme soit possible.
L’histoire révolutionnaire contemporaine a donné une réponse très différente au problème. Il est bien vrai que nous ne pouvons penser, dans les conditions actuelles où nous vivons, à confier à la gestion collective du prolétariat l’ensemble du mécanisme industriel et l’ensemble du mécanisme agricole ; mais nous concluons néanmoins que le prolétariat possède déjà dans la situation actuelle les prémisses pour prendre le pouvoir et commencer l’organisation d’un nouveau type de société économique.
Dans
l’agriculture, cela ne se produit que dans quelques exploitations spéciales,
dont certaines sont déjà mûres pour une gestion socialisée ; mais dans toutes
les autres, aussi grandes, vastes du point de vue territorial et juridique
soient-elles, en réalité, les conditions ne sont pas réunies pour permettre une
gestion collective et une exploitation intensive comme cela se produit déjà à
grande échelle dans le domaine industriel. Le latifundium n’est pas la grande
entreprise agricole ; au sens économique, le latifundium est encore un ensemble
de petites exploitations personnelles et familiales parfaitement autonomes et
totalement immatures pour une gestion collective.
La classen des petit agriculteurs persistera encore
Ainsi, si nous posons le problème des classes moyennes rurales dans ces termes, clarifiés par le génie de Lénine et de l’Internationale communiste, nous devons reconnaître que dans de nombreux pays, importants du point de vue du développement historique et social, la classe des petits paysans a encore un avenir devant elle, c’est-à-dire qu’elle devra survivre à la révolution pendant un certain temps avant de se fondre pleinement avec le prolétariat des villes. Parce que face au latifundium féodal qui survit encore, et aux formes d’exploitation auxquelles il soumet les paysans, ce sera un progrès, les premiers temps, de confier à chaque famille l’ensemble du produit qu’elle cultive, sans avoir réellement effectué une division au-delà des registres du cadastre, puisque dans l’économie cette division existe déjà réellement.
Au fond, nous en venons à dire que dans le domaine des classes moyennes rurales, nous n’avons pas encore les conditions préalables pour passer demain à une socialisation immédiate sans intervalle de transformation. Nous devrons entamer une nouvelle phase du système agro-industriel tel qu’il existe aujourd’hui. Pour cela une lutte est nécessaire car il faut libérer le paysan qui travaille sa propre terre de la conception archaïque ; il faut l’encourager à lutter pour se libérer des conditions de servitude dans lesquelles il est tenu par la classe capitaliste bourgeoise sous ses mille formes.
Nous avons donc un élément de lutte de classe qui n’est pas du tout parallèle dans un sens historique à celui du prolétariat urbain, mais nous avons une situation de classe qui peut être utilisée pour le développement de la révolution prolétarienne. Par conséquent, nous devons affirmer que la classe des petits producteurs, des petits propriétaires, des petits locataires agricoles n’est pas destinée à disparaître à la même époque historique et aussi rapidement que le petit artisan, le petit commerçant.
De même, même si nous acceptions un instant l’hypothèse d’une phase ultérieure de domination de la bourgeoisie industrielle capitaliste, nous ne pouvons penser - à condition qu’elle surmonte la crise actuelle - à ce renforcement rapide de l’agriculture, à ce déversement de grandes quantités de capitaux dans la terre. Nous ne pouvons pas penser que le problème de la modernisation de l’agriculture puisse progresser rapidement dans une nouvelle phase de la domination capitaliste, et ce pour une raison très simple : pour développer et moderniser l’agriculture, il faut d’énormes investissements de capitaux qui ne pourraient rapporter un bénéfice qu’après de très longues années, après des générations entières. Seul un intérêt supérieur et social peut conduire à verser pour la terre d’énormes capitaux nécessaires pour amener l’agriculture au point de développement que l’industrie a au contraire déjà atteint.
Pour la société actuelle, ce système d’investissement de capitaux serait trop lent, le profit serait trop lointain, aussi les bourgeois préfèrent-ils investir leurs capitaux dans l’industrie qui offre un rendement plus important et surtout immédiat, car le capitalisme moderne se caractérise par une course toujours plus violente au profit, toujours plus rapide et immédiat, qui est de loin préféré à la lente réorganisation de la production.
Même si dans la pire des hypothèses nous voulons accorder à la bourgeoisie une longue survie [nous sommes en 1925 !], nous ne pouvons certainement pas espérer qu’elle parvienne à surmonter cette impasse : seul un régime prolétarien aura la possibilité de réaliser ce problème, seul un régime d’administration au nom d’un intérêt collectif qui puise l’énergie productive dans le consentement mutuel pour la consacrer au renforcement de la grande production agricole, de la production technique. C’est donc uniquement le régime prolétarien qui posera ce problème.
Mais il ne pourra le poser ni en un jour ni en une semaine, et peut-être même pas en une génération, parce que nous ne pouvons pas espérer, même dans la meilleure des hypothèses, hériter de la bourgeoisie capitaliste un mécanisme de production industrielle si parfait et si renforcé qu’il nous donnera aussi la possibilité d’investir immédiatement le superflu d’énergie dans l’agriculture. Non. Parce que la bourgeoisie a créé un énorme écart dans les richesses ; parce que, même dans la meilleure des hypothèses, une lutte sera nécessaire pour lui arracher le pouvoir, une lutte qui ne peut que paralyser l’appareil économique existant. Et donc surmonter la crise et la stagnation sera déjà un problème.
Nous devons poser, nous devons prévoir une époque, au lendemain de la conquête, pour prendre possession de la grande économie industrielle et commerciale, dans laquelle vivront encore, sur une grande échelle, la petite entreprise et la petite propriété agraire libérées par la révolution de l’exploitation du latifundiste féodal, par laquelle se réalisera un régime de coexistence avec le prolétariat révolutionnaire devenu maître du régime industriel et du régime financier ; ce nouveau régime ne sera pas d’importance égale, de parallélisme complet ; il ne s’agira pas d’élever le paysan au même niveau que le prolétariat industriel, qui aura accompli l’effort suprême d’avant-garde révolutionnaire.
Cela
signifie voir courageusement une formule pour résoudre le problème social, qui
doit être soumis à la révolution comme un problème d’aujourd’hui, de demain, et
non comme un problème de l’avenir. Nous devons considérer sérieusement la classe
dont la vie historique n’est pas terminée : celle du petit propriétaire agricole
qui survivra même après la révolution prolétarienne, qui représentera encore
dans le cadre de la production un facteur qu’il n’est pas possible d’ignorer.
Les
classes moyennes se voient refuser toute autonomie d’action
Ayant ainsi envisagé ce que peut être l’avenir réservé aux différentes classes moyennes, nous en venons à considérer quels réflexes se produisent dans le domaine de la lutte pour les idéologies sociales ou politiques sur la base fournie par la condition économique de ces classes.
Ce problème est lié à tous les problèmes d’activité et de tactique du parti du prolétariat. Anticipant les conclusions auxquelles nous arriverons plus tard, disons tout de suite que nous devons être très pessimistes quant à la consistance et à la valeur des programmes et des idéologies de ces classes.
La caractéristique fondamentale de ces attitudes, de ces programmes, de ces solutions, est la plus grande indétermination, la plus grande facilité à passer d’une thèse à une autre thèse opposée. C’est donc avec la plus grande méfiance que le parti des ouvriers doit considérer ces manifestations.
Il est indéniable que la guerre mondiale a, dans une certaine mesure, jeté ces éléments intermédiaires sur la scène politique. La guerre mondiale a été accueillie par une grande partie d’entre eux comme l’échec de la théorie directe et précise de la lutte des classes. Déjà dans la période précédant la guerre mondiale, il y avait une tendance à endormir cette théorie dans l’illusion de la collaboration, dans l’illusion d’un pont construit entre les deux classes opposées : la bourgeoisie et le prolétariat. La guerre aurait ainsi signé alors, de ce point de vue trivial, la défaite de la lutte des classes, puisqu’il y avait une solidarité nationale.
Prononciateur et arbitre de cette union sacrée auraient été les classes moyennes qui auraient réussi à transfuser leurs idéologies patriotiques dans le prolétariat.
Et donc, au lendemain de la guerre, sous une forme ou une autre, ces classes voudront apparaître dans le terrible bourbier comme capables d’apporter des solutions, d’avoir des programmes qui pourraient réparer le chaos social actuel. Ce sont ces problèmes qui méritent toute l’attention du prolétariat, car la considération exacte qu’il leur accorde lui apportera de grands avantages et de grands dangers.
Les classes moyennes, qui se sont lancées dans la vie politique avec beaucoup d’audace, ont prétendu posséder une autonomie et être en mesure d’offrir une soi-disant solution au problème social. Mais un examen très rapide de ces rapports nous amène à la conclusion qu’il faut dénier tout pouvoir d’autonomie, toute capacité originale, toute possibilité d’action et de lutte indépendante à ces couches moyennes. Nous sommes assez négatifs quant aux solutions que nous devons tirer de ces programmes.
Au lendemain de la guerre, ceux qui sont revenus des tranchées semblaient être revenus avec un tout nouveau bagage idéologique au nom duquel ils prétendaient pouvoir prendre la direction de l’administration commune des choses.
Il est trop facile de montrer quelles déceptions énormes ont suivi, quelles confessions ouvertes ont été faites.
En réalité, notre concept, face à tous ces programmes qui pullulent dans tous les pays du monde, et nos conclusions sont les suivantes : il ne s’agit pas de mouvements originaux, il ne s’agit pas de découvertes fructueuses, il ne s’agit pas de recettes ingénieuses pour de nouveaux horizons : il s’agit presque toujours d’une mobilisation pure et simple de ces couches moyennes par une autre classe, par la classe capitaliste bourgeoise dominante, par la haute banque, par la haute industrie, par la haute classe agraire, qui parviennent, par leur idéologie confuse, à réaliser leurs manœuvres et conversions conservatrices-réactionnaires.
On pourrait se demander pourquoi nous nous intéressons au programme des classes moyennes alors que nous disons qu’elles sont totalement dépourvues de toute fonction autonome. A première vue, on pourrait croire que les classes moyennes pourraient demain apporter des solutions de droite à la situation sociale, c’est-à-dire des solutions rétrogrades qui nous feraient reculer. Dans un jugement hâtif, on pourrait conclure que la place du prolétariat et de son Parti est dans la défense et la solidarité avec les formes les plus modernes et les plus avancées de l’organisation bourgeoise.
Ou bien, si
l’on voulait reconnaître dans ces classes intermédiaires la possibilité
d’accepter un programme de gauche, un programme de progrès, d’avancement par
rapport aux formes pures du capital, on pourrait aussi penser que ces classes
moyennes nous offrent un pont, jeté entre les deux classes adversaires, la
bourgeoisie et le prolétariat ; que nous avons tout intérêt à favoriser cette
première transition, car derrière la nouvelle forme de régime réalisée par les
classes moyennes, nous trouverons de meilleures conditions pour accomplir
ensuite, dans une nouvelle époque historique, à notre tour, notre avancée et
notre révolution.
Les programmes des classes moyennes
Pour arriver à ces conclusions, nous devons examiner les programmes avec lesquels les classes moyennes prétendent se présenter dans la vie politique comme une force autonome, dans le conflit d’irréconciabilité de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat, avec de nouvelles formules et solutions qui sont quotidiennement contredites par les événements et dans lesquelles un nouvel examen montre de façon très clair que les antagonistes fondamentaux sont toujours ceux-ci : d’une part, le grand capitalisme bourgeois, d’autre part, la classe prolétarienne, qui, à travers les erreurs, les douleurs, les coups, les sacrifices, les martyrs, trouve toujours son chemin dans ce grand canal révolutionnaire que la doctrine marxiste lui a tracé.
Et disons quelque chose du type de droite, du type nationaliste, du type fasciste, de la doctrine qui a été élaborée dans l’après-guerre et qui, d’ailleurs, avait déjà ses prémisses élaborées auparavant, dans les classes intermédiaires. Dans plusieurs pays, et aussi dans le nôtre, des groupements politiques se sont formés au lendemain de la guerre sur la base d’une survalorisation de l’esprit national, d’une survalorisation de l’idéologie patriotique, d’un esprit de lutte contre tout ce qui sentait le socialisme plus ou moins révolutionnaire ; des groupements qui ont prétendu mettre fin à une politique de concessions et de capitulation ; qui ont prétendu créer un gouvernement fort ; qui ont prétendu créer une révolution, donner une nouvelle direction à l’histoire.
Et les classes moyennes se sont jetées dans ces mouvements la tête baissée, avec enthousiasme. En Italie, nous avons connu une période d’idéologies de ce type. Jusqu’alors, les classes moyennes avaient assisté inertes aux oscillations, aux vacillements, aux collisions entre le grand capitalisme et la classe prolétarienne. Il leur semblait qu’après la guerre, elles avaient acquis un poids plus important ; il leur semblait que le moment était venu de pouvoir dicter la loi, de pouvoir constituer un parti aspirant à conquérir le gouvernement afin d’administrer l’économie dans leur propre intérêt.
Mais en réalité, pour les trois quarts de ces éléments qui ont cru un instant à cette possibilité, la déception s’est déjà installée.
Ce n’était pas, non, un mouvement original : c’était purement et simplement leur mobilisation au service du maître éternel, du souverain éternel. C’était une mobilisation idéologique, une mobilisation dans laquelle la bourgeoisie était devenue très experte après les mobilisations matérielles ou militaires de ses classes qui lui étaient subordonnées. Et cette mobilisation, qu’elle a su si bien mener dans la guerre, elle l’a ensuite menée dans le domaine idéologique au milieu de toutes ces couches dans lesquelles elle a trouvé des éléments encore naïfs, capables, disons-le, d’esprit de sacrifice, qui se sont mis en route en croyant ouvrir une voie pour leur classe sociale.
Aujourd’hui, cette thèse qui, peut-être, présentée par nous il y a quelques années au moment de l’émergence du phénomène fasciste, pouvait sembler trop simpliste, dictée uniquement par notre penchant pour les vieux schémas, devient désormais évidente : ces éléments se sont révélés n’être rien d’autre que des éléments de défense de la bourgeoisie capitaliste.
Qu’ont-ils apporté de nouveau ? Rien. Ils ont volé des réformes aux programmes traditionnels des partis démocratiques, ils ont cru emprunter une partie du socialisme, en en prenant en réalité ce qui en est en quelque sorte la caricature vide, à savoir le pur syndicalisme coopératif.
Mais tout ce bric-à-brac a été rapidement jeté et la véritable essence du mouvement est apparue.
Suit un examen critique du prétendu parallélisme entre la doctrine et la méthode politique communistes et la doctrine et la méthode politique des fascistes en ce qui concerne la violence, la dictature et l’anti-démocratie, ainsi qu’une analyse des éléments qui composent l’opposition actuelle au fascisme. Un examen et une analyse qui permettent à l’orateur de conclure que derrière le mirage de l’idéologie de la petite bourgeoisie, le prolétariat ne peut avoir aucune illusion sur les solutions et les compromis possibles au problème fondamental de la lutte des classes.
L’orateur pose ensuite la
question de l’attitude du prolétariat à l’égard des classes moyennes, et
poursuit.
Le prolétariat et les classes moyennes
La fonction de la classe prolétarienne se dresse face à la fonction de ces classes intermédiaires comme une force originale ; elle se dresse au-delà d’elles comme la force animatrice de l’histoire, et la solution que nous devons donner au conflit est une solution clairement de classe, une solution qui doit reposer uniquement sur les seules forces prolétariennes selon le vieil enseignement de Karl Marx.
Mais quand nous disons que la solution doit être de classe, prolétarienne, de manière autonome, originale, nous ne voulons pas nous réduire à la formule simple et banale du pur ouvriérisme. Le travaillisme [labourisme] est une autre erreur de nature exquisément petite-bourgeoise : et de même la thèse selon laquelle un parti de classe doit se ramener à une lutte confiée uniquement aux corporations économiques d’ouvriers salariés, est l’erreur syndicaliste. Car nous ne devons pas oublier que lorsque nous parlons de ces agglomérats sociaux fondamentaux dont nous avons passé en revue les fonctions, nous ne devons pas perdre de vue la possibilité d’un échange, d’un passage d’élément humain, et parfois d’éléments directifs. Le Manifeste communiste lui-même prévient que la victoire du capitalisme et de la démocratie sur l’aristocratie a été possible parce que de nombreux éléments de l’aristocratie sont passés aux nouvelles idées.
Le prolétariat doit créer ses propres organes de lutte. L’organe de lutte du prolétariat doit être un parti politique qui combine l’expérience et la volonté révolutionnaire des masses, qui rassemble ses adhérents essentiellement dans le prolétariat, mais aussi dans ces autres éléments qui se placent idéologiquement sur la plate-forme du prolétariat. C’est un danger, mais c’est aussi une nécessité. Il y a un danger dans le fait que nous devons nous préparer à voir ces personnes qui nous viennent de l’autre camp, qui sont souvent amenées pour leurs qualités à des postes dirigeants, décrire, au moins à 90%, une parabole qui ramène lentement au camp de départ ; néanmoins, elles remplissent une fonction indispensable car, pour réaliser la véritable unité de classe et la synthèse de l’effort de libération du prolétariat dans le monde entier, il est nécessaire de créer un organisme dont le caractère fondamental, l’unité, consiste à dépasser les intérêts individuels et les poussées individuelles, au profit d’un intérêt, au profit d’une poussée collective qui est en même temps toute la pensée, toute la théorie, toute l’action, toute la lutte politique que la classe ouvrière, en tant que telle, doit mener.
Par conséquent, lorsque nous disons que la solution au chaos social actuel dans lequel l’humanité est enveloppée doit être une solution prolétarienne dans le sens de l’autonomie et de l’originalité, nous ne devons pas tomber dans le malentendu ouvriériste ou travailliste, car dans le concept absolu de la corporation professionnelle apparaît une nouvelle forme d’individualisme socio-économique qui ne conduirait certainement pas à l’organisation unitaire de l’effort productif.
Que signifie la nécessité de notre action de classe autonome et originale face à la bourgeoisie agraire et industrielle, puis face aux manœuvres et aux fonctions idéologiques complexes dont les classes intermédiaires sont si généreuses ?
Cela signifie qu’en face des éléments des classes intermédiaires, nous ne pouvons avoir d’autre attitude que de leur dire : " Vous êtes les prolétaires de demain et par conséquent vous devez vous solidariser avec l’ascension du prolétariat ", sans toutefois espérer que cette propagande ait beaucoup de succès car dans les classes moyennes l’esprit individualiste prédomine, et dans leur grande majorité tous ces gens aspirent à pouvoir monter un jour sur l’Olympe des maîtres bourgeois ; nous ne pouvons que leur dire : "Rappelez-vous que vous tomberez dans le prolétariat, que par la même tendance accapareuse du capital vous êtes poussés vers le prolétariat, et que par conséquent plus le prolétariat est avancé, plus il sera en mesure conquérir son indépendance économique, et mieux ce sera pour vous aussi".
Face à "l’intelligentsia", l’attitude du prolétariat se précise différemment. Le prolétariat révolutionnaire ne se dissimule pas du tout la nécessité d’avoir avec lui les techniciens et les intellectuels, qui devront être ses alliés indispensables, qui recevront en parallèle tous les avantages que le prolétariat gagnera.
Le prolétariat doit insister pour faire remarquer que l’organisation des forces productives au sens communiste ne réprime pas violemment les fonctions techniques, culturelles et intellectuelles qui, dans la société actuelle, sont calculées comme de pures marchandises que les classes intellectuelles vendent dans l’intérêt du profit capitaliste. Ils seront convaincus de l’erreur qui consiste à croire que les classes intellectuelles peuvent être les artisans et les façonneurs de systèmes. C’est aussi dans ce sens idéal que les éléments de "l’intelligentsia" devraient se rapprocher du prolétariat, en se persuadant que la culture est elle-même un produit des nouvelles formations économiques.
Mais le prolétariat n’oubliera pas la prédominance des influences idéologiques bourgeoises qui s’exercent puissamment sur ces éléments, et se préparera donc à les combattre lorsqu’au moment culminant du conflit ils auront pris une position définie ; c’est-à-dire qu’il les utilisera dans la mesure où ils deviendront des participants à la production et travailleront aux côtés du prolétariat pour la consolidation d’un nouvel ordre économique.
La solution à la question des classes agraires est plus ardue. Mais elle a été donnée clairement et définitivement par Lénine. Chaque fois que Lénine écrit sur la question agraire, il souligne que le plus important est de sauver le prolétariat industriel et le parti de toute contagion de la psychose petite-bourgeoise. Je répète que c’est la thèse de Lénine ; mais en même temps le prolétariat doit se rendre compte que la situation sociale et la situation historique lui donnent la possibilité d’utiliser pour la lutte décisive contre le capitalisme l’émancipation du petit producteur agricole de l’esclavage dans lequel il est tenu par le latifundiste, le capitalisme et l’État bourgeois.
Notre propagande auprès des paysans doit donc consister à leur offrir une alliance directe et complète avec le prolétariat industriel, sans leur faire oublier que, derrière le prolétariat industriel, ils peuvent vaincre, à condition de reconnaître le prolétariat industriel comme son guide.
Enfin, de l’examen des partis qui émanent idéologiquement de ces groupes, se dégage la thèse concluante de l’autonomie de la fonction du prolétariat, sans se laisser tromper par la théorie de l’objectif commun, et par l’invitation à participer à des blocs avec des éléments qui demain seront tous unis contre le prolétariat lui-même dans la défense de l’intérêt bourgeois du capitalisme.
Il conclut :
Nous avons une fonction originale qui s’accomplira dans son maximum le jour où il sera enfin clair que ces classes tampons, ces classes intermédiaires, n’ont pas le droit de représenter quoi que ce soit dans l’histoire. C’est pourquoi nous devons affirmer qu’il y aura un moment où le prolétariat devra faire cavalier seul, un moment où il sera seul contre tous, un moment où il n’aura pas d’alliés, mais fera face à un front unique d’ennemis.
Université prolétarienne milanaise 1924-25