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SOMMAIRE |
TROISEME PARTIE
Prémisse
« Le parti communiste n’est pas une armée, ni un engrenage étatique », rappellent sans cesse nos thèses, celles que nous avons rédigées quand nous nous sommes opposés au « volontarisme organisatif » qui à partir de 1923 prit pied et ruina la III Internationale, comme celles qui ont été le socle de la vie du parti reconstitué dans le second après-guerre, sur la base de cette expérience tragique. Le parti est une organisation « volontaire » ; non dans le sens qu’on y adhère par un choix rationnel libre, ce qu’au contraire nous réfutons, mais dans le sens où chaque militant « est matériellement libre de le quitter quand il veut », et « même après la révolution nous ne concevons pas l’inscription forcée dans nos rangs ». Quand on est dans l’organisation, on est tenu à observer la discipline la plus stricte dans l’exécution des ordres centraux, mais la transgression à cette règle peut être éliminée par le Centre en expulsant les transgresseurs. Le Centre ne dispose pas, pour se faire obéir, d’autres sanctions matérielles.
C’est en partant de cette définition élémentaire que nous devons retracer les éléments qui garantissent dans le parti la discipline la plus absolue ; et cette simple constatation exclut le fait que la discipline dans le parti puisse être obtenue par un ensemble d’obligations de caractères bureaucratique ou par des mesures coercitives. A quoi adhère le militant de parti ? Il adhère à un ensemble de doctrine, programme, tactique ; il adhère à un front d’action et de combat qu’il comprend instinctivement comme étant commun à lui-même et à tous ceux qui l’acceptent avec lui. Qu’est-ce qui peut maintenir le militant sur le front de bataille et le rendre fidèle et obéissant aux ordres qui lui parviennent ? Certes pas les obligations de ces ordres, mais plutôt la reconnaissance qu’ils se placent sur ce terrain commun, qu’ils sont cohérents avec les principes, les buts, le programme, le plan d’action auxquels il a adhéré. C’est donc dans la mesure où l’organe parti sait se placer sur cette base historique, sait l’acquérir, sait en pénétrer toute son organisation et son activité que se posent les conditions réelles pour l’existence de la discipline la plus absolue. Dans la mesure où ceci se vérifie, les cas d’indiscipline, qui ne se ramènent pas à des questions individuelles, deviennent moins fréquents et le parti acquiert un comportement univoque dans l’action. Le travail pour créer une organisation véritablement centralisée et capable de répondre à tout moment à des dispositions unitaires, consiste donc essentiellement à préciser continuellement et à marteler les points cardinaux de la théorie, du programme, de la tactique, et à aligner continuellement avec eux l’action du parti et ses méthodes de lutte.
Par conséquent, dans le parti la priorité est donnée aux explications et éclaircissements des bases sur lesquelles seulement l’organisation peut exister. Afin d’éliminer pour toujours l’équation stupide : centralisme = bureaucratisme, nous rappellerons quelques citations des Thèses du III congrès mondial qui furent reprises et commentées dans nos Notes pour les thèses sur l’organisation de 1964.
Citation 61 - Notes de
1964 pour les Thèses sur la
question d’organisation - 1964
« Point 7 - (...) Les passages suivants montrent déjà quels pourraient être les dangers de la fausse interprétation des formules de centralisme démocratique et démocratie prolétarienne(1). Par exemple, la centralisation du parti communiste ne doit pas être formelle ni mécanique : « elle doit être une centralisation de l’activité communiste, c’est-à-dire la formation d’une direction puissante prête à l’attaque et en même temps capable de s’adapter. Une centralisation formelle et mécanique ne serait que la centralisation du pouvoir entre les mains d’une bureaucratie, dans le but de dominer les autres membres du parti ou les masses du prolétariat révolutionnaire extérieures au parti ». La thèse dément la version mensongère que nos adversaires donnent de notre centralisme.
«On déplore ensuite comme étant une tare du vieux mouvement ouvrier un dualisme qui a la même nature que celui de l’organisation de l’Etat bourgeois, le dualisme entre la « bureaucratie » et le « peuple », c’est-à-dire entre fonctionnaires actifs et masse passive ; malheureusement le mouvement ouvrier hérite en un certain sens de l’ambiance bourgeoise ces tendances au formalisme et au dualisme que le parti communiste doit radicalement dépasser. Le passage successif, qui met en relief les deux dangers opposés et les deux excès opposés : anarchisme et bureaucratisme, explique dans quel sens les communistes ont cherché le salut dans le mécanisme démocratique : « une démocratie purement formelle dans le parti ne peut éviter ni les tendances bureaucratiques ni les tendances anarchistes, parce que c’est précisément sur la base de cette démocratie que l’anarchie et le bureaucratisme, dans le mouvement ouvrier, ont pu se développer. Pour cette raison, la centralisation, c’est-à-dire l’effort pour obtenir une direction forte, ne peut avoir de succès si on tente de l’obtenir sur le terrain de la démocratie formelle ». Toute la suite des thèses, dans les paragraphes qui suivent le 2ème, se base sur la description du travail communiste, de la propagande et agitation et des luttes politiques, mettant en relief que la solution se trouve dans l’action pratique et non dans la codification organisative. Le lien entre le travail légal et celui illégal est particulièrement illustré ».
Nous présentons ensuite les citations de nos textes fondamentaux qui, divisées en chapitres et disposées de façon chronologique, servent à démontrer comment la Gauche, en tirant les leçons d’une tragique expérience historique, a individualisé les « garanties » de la centralisation et de la discipline dans l’organe parti, garanties certes non absolues, dans la mesure où le parti est en même temps produit et facteur de l’histoire ; et par conséquent, son renforcement, son développement, sa centralisation, ou vice-versa sa désagrégation et sa mort, est en premier lieu empêché ou favorisé par le développement des situations historiques, mais ces « garanties » servent cependant à indiquer ce qui peut favoriser la réalisation de la centralisation maxima et de la discipline et ce qui, au contraire, peut favoriser l’indiscipline, le fractionnisme, la désagrégation organisative.
La première série de citations, sous le titre : « Le modèle d’organisation » définit de façon irrévocable que la « garantie » que le parti se meut d’une manière centralisée et disciplinée ne réside précisément pas dans un « modèle » organisatif qui appliqué au parti rendrait impossible le fractionnisme et l’indiscipline. Dire a priori : la structure du parti doit être ceci ou cela et l’indiscipline, la contestation, la dissension naissent du fait que nous ne possédons pas cette structure-modèle, signifie tomber dans l’idéalisme et dans le volontarisme. Notre thèse, répétée dans mille circonstances, est que la structure organisée et centralisée du parti naît et se développe sur la base du déroulement de toute l’activité complexe du parti, comme conséquence et instrument de celle-ci. En 1967, la question se définissait de la façon suivante :
« Force réelle oeuvrant dans l’histoire avec des caractères de continuité rigoureuse, le parti vit et agit non sur la base de la possession d’un patrimoine statutaire de normes, préceptes et formes constitutionnelles, sur un mode hypocritement voulu par le légalisme bourgeois ou ingénument rêvé par l’utopisme pré-marxiste, architecte de structures bien planifiées qui tombent toutes prêtes dans la réalité de la dynamique historique ; le parti agit sur la base de sa nature d’organisme formé par une suite ininterrompue de batailles théoriques et pratiques, sur le fil d’une direction de marche constante. Comme l’écrivait notre Plate-forme de 1945 : « les normes d’organisation du parti sont cohérentes avec la conception dialectique de sa fonction, ne reposent pas sur des recettes juridiques et réglementaires, dépassent le fétiche des consultations majoritaires » ».
C’est dans l’exercice de toutes ses fonctions et non pas d’une, que le parti crée ses propres organes, engrenages, mécanismes ; et c’est au cours de cet exercice même qu’il les défait et les recrée, n’obéissant pas en cela aux lois métaphysiques ou aux paradigmes constitutionnels, mais aux exigences réelles et précisément organiques de son développement. Aucun de ces engrenages n’est théorisable ni a priori ni a posteriori ; rien ne nous autorise à dire, pour donner un exemple très terre à terre, que le maniement de la fonction de laquelle n’importe lequel d’entre eux est né soit mieux garantie par un seul ou plusieurs militants ; la seule requête qu’on puisse faire est que s’il y en a trois ou dix, ils le manient comme une seule volonté, cohérente avec tout le parcours passé et futur du parti, et que s’il y en a un, il le manie de façon à ce que dans son bras et dans son esprit oeuvre la force impersonnelle et collective du parti. Le jugement sur la satisfaction dans un sens ou dans un autre de cette requête est donné par la praxis, par l’histoire, non par les articles du code. La révolution est un problème non de forme mais de force;il en est de même pour le parti dans sa vie réelle, dans son organisation comme dans sa doctrine. Le même critère organisatif de type territorial et non plus « cellulaire » que nous revendiquons n’est ni déduit de principes abstraits et intemporels, ni élevé à la dignité de solution parfaite et intemporelle ; nous l’adoptons seulement parce qu’il est l’autre face de la fonction primaire de synthétiseur (de groupes, de catégories, de poussées élémentaires) que nous attribuons au parti.
La seconde série de citations établit que, le parti organisme étant formé sur la base d’adhésions volontaires, la « garantie » qu’il réponde à la discipline la plus sévère doit être recherchée dans la définition claire des normes tactiques uniques et pour lesquelles tous s’engagent, dans la continuité des méthodes de lutte et dans la clarté des normes organisatives. Quand la Gauche vit l’Internationale se briser dans le fractionnisme et dans l’insubordination, elle n’en tira pas la leçon qu’il fallait des mécanismes organisatifs particuliers ou un centre plus fort et plus capable de réprimer les velléités autonomistes des sections singulières. Elle en tira la leçon que les débandades, l’absence de discipline, la résistance aux ordres étaient dues à l’effet d’une systématisation imparfaite des normes tactiques, d’une discontinuité dans les méthodes d’action du parti et des contours de plus en plus vagues que l’organisation était en train d’assumer avec la méthode des fusions, des filtrages, du noyautage d’autres partis, etc.
La thèse de la Gauche fut que, sans rétablir sur de solides bases ce terrain préjudiciel à n’importe quelle organisation, on n’aurait jamais obtenue, et par aucun esprit de marque, une structure organisative forte et disciplinée, ni un centre mondial fort de l’action prolétarienne. Il en découle des affirmations constantes de la Gauche comme celle selon laquelle « la discipline n’est pas un point de départ, mais un point d’arrivée », « elle est le reflet et le produit de l’activité du parti sur la base de la doctrine, du programme, des normes tactiques homogènes et unitaires ».
La troisième série expose, à la lumière de l’expérience historique, que lorsque se présentent et deviennent fréquents dans le parti les cas de dissension ou de fractionnisme, cela ne signifie pas que « la bourgeoisie est en train de s’infiltrer », mais que « quelque chose ne va pas dans le travail et dans la vie du parti ».
Les fractions sont le symptôme d’une maladie du parti, non la maladie même. La maladie consiste en la désagrégation pour mille et une raisons de cette base homogène de principes, doctrine, programme, tactique sur laquelle s’appuie l’unité et la discipline organisative.
Le remède à la multiplication des dissensions et des fractions ne se trouve donc pas dans la recherche d’une « exaspération inutile de l’autoritarisme hiérarchique », dans l’intensification des pressions et répressions organisatives et disciplinaires, dans le changement de place d’hommes ou de groupes, dans les procès et dans les condamnations et encore moins dans la requête de la « discipline pour la discipline ». La terreur idéologique, les expulsions, la dissolution de groupes locaux, les commandements et les contraintes doivent tendre à disparaître si l’organisme de parti est sain : ces phénomènes tendent à s’intensifier et à devenir la règle de fonctionnement du parti quand celui-ci prend le chemin de la dégénérescence et de la mort. La quatrième série de citations le martèle encore, tandis que la série suivante culmine dans la définition de la vie interne du parti non comme un heurt entre hommes et groupes, entre courants et fractions qui se disputent la direction du parti, mais comme un travail de recherche continue et de définition rationnelle des points cardinaux théoriques, programmatiques et tactiques sur lesquels doit s’appuyer l’action organisative du parti. Dans le parti, l’homogénéité et la discipline ne s’obtiennent pas à travers la « lutte politique interne », mais à travers un travail collectif et rationnel afin de définir toujours mieux et acquérir toujours plus ces points cardinaux qui forment la base de l’action du parti et qui sont communs à tous et acceptés par tous. Pas de lutte politique interne.
Chapitre 1
Le « modèle » d’organisation
Ayant défini le fait que le parti communiste doit, par la nécessité même de son action avant, pendant et après la conquête du pouvoir politique, posséder une structure centralisée et hiérarchique comme le support nécessaire de l’unicité de tactique, nous devons examiner la dynamique réelle par laquelle cette structure se réalise et se potentialise. En effet nous faisons nôtre l’affirmation de Lénine dans Que faire ? : « Sans une organisation solide, préparée à la lutte politique à tout moment et dans toutes les situations, on ne peut parler de ce plan systématique d’action, éclairé par des principes fermes et rigoureusement appliqués qui est l’unique qui mérite le nom de tactique ». Sans une organisation centralisée et unitaire on ne peut parler de réaliser une tactique unitaire ; l’organisation unique est l’instrument matériel d’action sans lequel ne peut exister une tactique unique. Mais la première et déterminante affirmation que nous trouvons constamment dans nos textes et qui répond pleinement à la pensée de Lénine dans Que faire ?, et du troisième congrès de l’Internationale, est celle selon laquelle cette organisation ne naît pas comme un « modèle » dans la tête de quelqu’un pour être ensuite amenée dans la dynamique réelle du parti. Il n’existe pas un « modèle » de parti auquel sa dynamique réelle doive se calquer. Le « modèle bolchevique » ou le modèle « de la Gauche » déterminables et théorisables dans l’abstrait et a priori sur lesquels la structure du parti se calquerait, n’existe pas. L’hypothèse préconçue d’un pareil « modèle » constitue la base de la soi-disant « bolchevisation » de la III Internationale qui ne servit pas à former des partis « bolcheviques », mais à détruire les partis communistes du premier après-guerre.
Le credo du Centre de Moscou désormais dégénéré fut dès 1924 : « les partis communistes d’Europe sont impuissants à exploiter les occasions révolutionnaires, à appliquer la politique révolutionnaire juste, parce qu’ils manquent d’une structure organisative comme celle que possède le parti bolchevique de Russie ». Le problème était ainsi inversé car on confiait la réalisation de la position révolutionnaires des partis à l’existence ou non d’une certaine structure organisative, précisément d’un modèle. Et ce fut la fin des partis et de l’Internationale. S’il est vrai, en effet, que la discipline n’est pas un point de départ, mais un point d’arrivée, le point d’arrivée de l’activité collective du parti, sur la base d’une théorie, d’un programme, d’une tactique unique et homogène, il est vrai également que la structure organisée du parti est elle aussi « un point d’arrivée et non un point de départ » ; c’est le point d’arrivée, le reflet du mouvement du parti sur ses bases théoriques, programmatiques et tactiques dans des conditions déterminées historiques, sociales et politiques où cette activité complexe se déroule. L’organisation par cellule d’usine du parti bolchevique ne répondait certes pas à un modèle d’organisation inventé par Lénine ou quelqu’autre organisateur d’opérette ; c’était seulement le reflet en termes d’organisation de l’activité d’un organe collectif implanté de façon cohérente sur la base du marxisme révolutionnaire dans les conditions historiques, sociales, politiques de la Russie tsariste. Et cette structure permit au parti bolchevique de vaincre en Russie non parce qu’elle était la plus adéquate par rapport au modèle de parti communiste, mais parce qu’elle était la plus apte à mener la lutte politique dans les conditions de la Russie. C’était le reflet le plus adéquate de l’activité du parti en Russie. La même structure, appliquée à l’Occident européen, devait donner des résultats obligatoirement négatifs et briser l’organisation au lieu de la renforcer.
Mais la structure « territoriale » des partis occidentaux ne constituait également pas un « modèle » ni inférieur, ni supérieur, à celui bolchevique.Il était simplement un résultat historique, une donnée de fait : l’activité des partis communistes occidentaux assumait organiquement la forme structurale des sections territoriales à la place de celle des cellules d’usines pour mille raisons matérielles qui faisaient que cette forme se présentait comme la plus adaptée à l’accomplissement des tâches qui se posaient au parti. Nous pouvons au maximum dire que la structure des sections territoriales répondait mieux à la tâche d ’organe synthétiseur des poussées immédiates et partielles, de groupe, de catégorie, de localités que nous attribuons au parti. Mais ceci aussi n’est pas un principe ou un modèle a priori. L’organisation du parti est en effet un produit de son activité dans des conditions déterminées ; elle « naît et se développe sur la base de l’action cohérente du parti, de l’accomplissement de ses tâches révolutionnaires » dont elle représente l’instrument technique nécessaire et irremplaçable. C’est pour cela qu’il est faux et antimarxiste de rechercher chez Lénine le « modèle d’organisation du parti » comme il est tout aussi faux de rechercher un modèle dans la structure de tout autre parti, y compris le nôtre.
La Gauche a prétendu, dans le second après-guerre, édifier une organisation de parti centralisée sans recourir à l’utilisation des mécanisme de démocratie interne, et, par conséquent, sans codifications statutaires et légales. Mais celle-ci ne répondait également pas au « modèle de la Gauche », mais à une évaluation correcte du développement historique qui a permis au parti d’aujourd’hui d’utiliser moins d’instruments et de pratiques qui avaient dû être adoptées par les partis d’hier. Notre parti a eu et a construit depuis sa naissance une « forme structurelle de son activité », c’est-à-dire une structure centralisée adéquate avec l’activité que le parti était appelé à réaliser ; la forme structurelle ne répondait pas à une « invention » ou à un « modèle », mais aux données ultérieures réelles : base théorique et programmatique homogène et unitaire (non pas avec des cercles ou des courants comme dans la Russie de 1900), plan tactique unique et défini depuis le début dans ses bases fondamentales sur le socle des leçons historiques (refus du parlementarisme révolutionnaire, obligation de travailler dans les syndicats, refus des fronts uniques politiques, tactique non équivoque dans les zones de double révolution). Ces données permirent à l’organisation de se structurer dès le début autour d’un journal unique, répondant à une position politique unique et ses différents partis se manifestèrent non comme des « cercles locaux » mais comme les sections territoriales d’une organisation unique avec des dispositions et des ordres provenant dès le début d’un seul et unique point (le Centre international).
D’autres données ont défini la structure organisative : activité théorique 99 %, activité externe au sein du prolétariat 1 %, effectifs du parti limités à quelques dizaines ou centaines d’éléments. Ce sont tous des facteurs, comme on le voit, indépendants de la volonté de quiconque. L’organisation du parti, sa structure « de travail » fut celle qui devait et pouvait être la conséquence de ces données réelles, non de la volonté de tel ou tel type. Ce fut une structuration organique de l’activité de parti développée dans des conditions réelles données et avec des effectifs déterminés. Cette structuration se modifiera dans la mesure où se modifieront les conditions matérielles dans lesquelles se développe l’activité du parti, dans la mesure où les rapports quantitatifs entre les différents secteurs d’activité subiront des changements avec le contrecoup de la reprise de la lutte prolétarienne, dans la mesure où les effectifs du parti augmenteront, etc.; restent fermes les résultats historiques de fait (homogénéité de théorie, de programme, de tactique, élimination pour toujours des mécanismes démocratiques et donc « bureaucratiques » internes).
Le travail du parti exige des organes, des instruments de centralisation, de coordination, de position ; ces instruments, mécanismes, etc. sont l’expression d’exigences réelles que l’activité exprime. C’est l’action du parti qui a besoin d’une structure adéquate et qui pousse à la construire, à la réaliser, à la solliciter. Ce n’est pas à l’inverse une structure déterminée qui est collée sur la réalité et qui définirait le parti indépendamment de son activité. Soutenir que le parti doit, pour pouvoir se définir comme tel, posséder, à tout moment de sa vie une structure déterminée, des organes déterminés, signifie tomber dans le plus abstrait volontarisme antimarxiste. Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont tous nos textes qui le disent, c’est Lénine qui le dit quand il n’est pas lu par des philistins à la recherche de recettes sûres pour le succès. Parce ce que nécessairement, nous l’avons déjà dit, le fait de présupposer un « modèle d’organisation » conduit de suite à une autre déviation encore plus grave du sain matérialisme : il conduit à reconnaître dans l’existence et la réalisation de cette structure type la « garantie » que le parti se place sur la ligne de la « politique révolutionnaire juste ». Notre série classique se renverse alors, et la structure organisation en vient à garantir la tactique, le programme, les principes mêmes. Pour Marx, pour Lénine, pour la Gauche, l’unique « garantie » par laquelle peut exister et se développer l’organisation fortement structurée et complexe dont le parti a besoin, consiste dans l’accomplissement des tâches du parti sur la base d’une homogénéité de théorie, de programme et de tactique. Pour les idéalistes de tout temps, comme pour les staliniens, la structure organisative du parti, la centralisation, la discipline, sont assumées comme données a priori et ce sont elles qui « garantissent » l’unicité et homogénéité de théorie, de programme, de tactique. Pour Lénine, l’organisation est l’arme sans laquelle la tactique unique ne peut se réaliser : organisation unique comme reflet et produit organique d’une activité se développant sur des prémisses uniques et selon une direction unique. Pour les « léninistes » du type Staline, l’organisation unique, le centralisme, la discipline, sont la prémisse pour parvenir à posséder une tactique et une direction d’action uniques. Le marxisme énonce ceci : si le mouvement accepte une théorie unique, un programme unique, un plan tactique unitaire, une structure organisative centralisée et disciplinée se développe à travers le déroulement de l’activité du parti sur ces bases, ; si ces bases viennent à manquer, l’organisation, la centralisation, la discipline sautent, et il n’existe pas de recettes organisatives pour empêcher que tout se désagrège. Pour Staline, il peut y avoir des tactiques divergentes, non claires, oscillantes, changeantes, mais pourvu que la centralisation et la discipline existent, tout va bien : les divergences, les dissensions, les courants et les fractions s’éliminent par des mesures organisatives, en renforçant la structure organisative, en dotant le parti d’instruments et de mécanismes organisatifs qui ont en soi le pouvoir de tenir le parti sur le droit chemin. Comme on le voit, le processus est complètement renversé : les « léninistes » du type Staline lisent le Que faire ? en partant du dernier chapitre, et le font parce qu’ils suivent le mythe petit-bourgeois du modèle de parti, garanti, en vertu de sa structure, aujourd’hui, demain et pour toujours, des erreurs et des déviations. La petite bourgeoisie cherche toujours des assurances pour la... réussite de la révolution.
Citation 62 - Le principe démocratique - 1922
« (...) Toutes ces considérations n’ont rien d’absolu, et cela nous ramène à notre thèse selon laquelle aucun schéma constitutionnel n’a valeur de principe, et la démocratie majoritaire, au sens formel et arithmétique du terme, n’est qu’une méthode possible pour coordonner les rapports qui se présentent au sein des organismes collectifs. De quelque point de vue qu’on se place, il est impossible de lui attribuer un caractère de nécessité ou de justice intrinsèque : ces expressions n’ont pour nous, marxistes, aucun sens, et d’ailleurs notre propos n’est pas de remplacer l’appareil démocratique que nous critiquons par un autre projet mécanique d’appareil qui serait exempt par lui-même de défauts et d’erreurs » (les italiques sont les nôtres ).
Citation 63 - Pour se remettre à
l’ABC. La nature du parti
communiste - 1925
« (...) En conclusion de tout ceci, il faut rétablir une thèse fondamentale marxiste selon laquelle le caractère révolutionnaire du parti est déterminé par des rapports de forces sociales et par des processus politiques et non par des formes vaines, par le type d’organisation.(...) Dans toutes ces manifestations, il s’agit d’une survivance antimarxiste et antiléniniste de l’utopisme, selon laquelle on affronte les problèmes non pas en partant de l’analyse des forces historiques réelles, mais en écrivant à la main une magnifique constitution ou un plan organisatif ou un règlement. Il en est de même de l’origine de la fallacieuse position idéologique du problème fractionniste auquel nous assistons, où tout se réduit à codifier sur le papier l’interdiction et la destruction des fractions ».
Citation 64 - Thèses de la Gauche au 3 e congrès du PC d’Italie
(Thèses de Lyon) - 1926
« I, 2 - Nature du parti (...) Quant aux dangers de dégénérescence du mouvement révolutionnaire, ils ne peuvent être éliminés par aucune formule d’organisation, parce qu’il n’en existe pas qui puisse assurer la continuité nécessaire à l’orientation politique des chefs et des simples militants ».
Citation 65 - Force, Violence, dictature
dans la lutte de classe -
1948
« V - Dégénérescence russe et dictature (...) La position de la Gauche communiste italienne sur ce que nous pourrions appeler la "question des garanties révolutionnaires" est avant tout qu’il ne peut y avoir de garanties constitutionnelles ou contractuelles ».
Citation 66 - Normes générales
d’orientation - 1949
« (...) Leur juste rapport dans leur fonction entre les organes centraux et ceux périphériques du mouvement ne se base pas sur des schémas constitutionnels, mais sur tout le développement dialectique de la lutte historique de la classe ouvrière contre le capitalisme ».
Citation 67 - Notes de 1964 pour les thèses sur la question
d’organisation - 1964
« 6 - (...) Un premier paragraphe traite des généralités et établit que la question d’organisation ne peut être réglée par un principe immuable, mais doit s’adapter aux conditions et aux buts de l’activité du parti, durant la phase de la lutte de classe révolutionnaire et durant la période de transition ultérieure vers la réalisation du socialisme – ce premier niveau de la société communiste. Les différentes conditions d’un pays à l’autre doivent être considérées, mais à l’intérieur de certaines limites. « La limite (ils l’ont tous oubliée aujourd’hui) dépend de la ressemblance des conditions de la lutte prolétarienne dans les différents pays et dans les différentes phases de la révolution prolétarienne, qui constitue, au delà de toutes les particularités, un fait d’importance essentielle pour le mouvement communiste. C’est cette ressemblance qui donne la base commune des partis communistes dans tous les pays : c’est sur cette base qu’il faut développer l’organisation des partis communistes, et ne pas tendre à la fondation de quelque nouveau parti modèle à la place de celui qui existe déjà, ou suivre une formule d’organisation absolument correcte, et des Statuts idéaux ».
Citation 68 - Thèses sur la tâche historique, l’action et la
structure... (Thèses de Naples) - 1965
« Thèse 11 - (...) Une autre thèse fondamentale de Marx et de Lénine sur laquelle la Gauche est très ferme, c’est que le remède aux vicissitudes et aux crises historiques auxquelles le parti prolétarien est nécessairement exposé, ne peut se trouver dans une formule constitutionnelle ou organisationnelle qui aurait la vertu magique de le préserver des dégénérescences. Cette illusion relève de celles petites-bourgeoises qui remontent à Proudhon et, à travers une longue chaîne, aboutissent à l’ordinovisme italien, c’est-à-dire à la conception selon laquelle le problème social peut être résolu par une formule d’organisation des producteurs économiques. Indéniablement, dans l’évolution suivie par les partis, on peut opposer à la ligne ascendante du parti historique la ligne tourmentée des partis formels, avec ses zigzags, ses hauts et ses bas, voire ses chutes brutales. Les marxistes de gauche s’efforcent précisément d’agir sur la ligne brisée des partis contingents pour la ramener à la courbe continue et harmonieuse du parti historique. Ceci est une position de principe, mais il est puéril de vouloir la transformer en recette d’organisation. Selon notre ligne historique, nous utilisons non seulement la connaissance du passé et du présent de l’humanité, de la classe capitaliste et de la classe prolétarienne, mais aussi une connaissance directe et sûre de l’avenir de la société et de l’humanité, tel que le prévoit avec certitude notre doctrine qui culmine dans la société sans classes et sans Etat, qui en un sens peut-être sera aussi une société sans parti, à moins que l’on n’entende par parti un organe qui ne lutte pas contre d’autres partis mais assure la défense de l’espèce humaine contre les dangers que lui fait courir la nature physique avec ses processus évolutifs et sans doute aussi ses catastrophes.
«La Gauche communiste a toujours considéré que sa longue lutte contre les tristes vicissitudes contingentes des partis formels du prolétariat s’est déroulée en affirmant des positions qui s’enchaînent de façon continue et harmonieuse dans le sillage lumineux du parti historique, qui traverse sans se briser les années et les siècles, depuis les premières affirmations de la doctrine prolétarienne naissante jusqu’à la société future, que nous connaissons bien, dans la mesure même où nous avons bien appris à connaître les tissus et les centres nerveux de l’odieuse société présente, que la révolution devra abattre (...)
«Mais l’idée de fabriquer un modèle de parti parfait serait tout aussi vaine, et peut-être, davantage encore. Une telle idée se ressent des faiblesses de la bourgeoisie décadente qui, impuissante à défendre son pouvoir, à conserver son système économique qui s’en va en morceaux, et même à maîtriser sa pensée doctrinale, se réfugie dans une absurde technologie robotisée, cherchant dans ces stupides modèles formels automatiques une garantie de survie, pour échapper à la certitude scientifique qui nous a fait porter sur l’époque bourgeoise et sur sa civilisation un diagnostic infaillible : la mort ! ».
Chapitre 2
Les « garanties »
Les citations qui se succèdent et qui vont de 1922 à 1970 suivent une ligne de continuité dans la conception communiste des questions d’organisation. Selon cette ligne, l’organisation centralisée et disciplinée du parti s’appuie non sur la consultation démocratique des opinions de la majorité, encore moins sur les commandements d’un chef ou d’un groupe de chefs, mais sur la clarté, sur l’éclaircissement continu des lignes de doctrine, principe, programme, finalité et sur l’acquisition de plus en plus profonde de ces lignes par l’organisation. Elle s’appuie, par conséquent, sur la délimitation et la clarté des normes tactiques qui doivent être connues de tous et clarifiées dans toutes leurs implications possibles. Le travail de construction organisative est donc un travail nécessaire qui vise constamment à clarifier et à rendre irrévocable pour toute l’organisation le patrimoine historique d’expériences et de bilans dynamiques dont l’organisation n’est que l’expression actuelle. S’il existe l’homogénéité et l’acceptation par tous les adhérents des bases théoriques, programmatiques, tactiques, il existera aussi nécessairement, comme résultat, l’homogénéité et la discipline organisative ; l’obéissance générale et spontanée aux ordres du Centre.
Si cette homogénéité n’existe pas, il est vain de chercher un remède aux divergences au travers de la pression disciplinaire, le commandement forcé des ordres centraux, l’existence d’un organe central fort capable d’imposer ses décisions à la périphérie. Il faudra au contraire travailler à reconstituer cette base homogène en martelant et en précisant les lignes de la doctrine, du programme et de la tactique à la lumière de notre tradition. Ceci ne veut pas dire que le parti ne doit pas avoir des organes centraux avec des pouvoirs absolus non contestables par personne. Ceci signifie que la garantie de l’obéissance aux ordres du Centre ne se trouve pas dans la capacité qu’il a de punir les désobéissants, mais de faire en sorte qu’il n’y ait pas de désobéissants, et ceci ne s’obtient pas par des mesures organisatives, mais par un travail continu, constant de toute l’organisation, cherchant à acquérir ses bases de doctrine, de programme, de tactique.
Quand on dit que « surgissent des divergences sur des problèmes de théorie, de programme, de tactique, parce que nous n’avons pas une centralisation organisative suffisante, parce que le Centre n’est pas capable d’imposer par l’amour ou par la force ses solutions à l’organisation », l’on renverse le problème, et l’on sort du socle historique tracé par la Gauche. De plus : on détruit le parti, parce qu’on pose au début ce qui doit rester à la fin d’un processus. La discipline n’est pas un point de départ, mais un point d’arrivée, et si dans un moment déterminé les ordres du centre rencontrent une résistance dans l’organisation, ceci signifie que ou bien les ordres du centre dévient des bases traditionnelles sur lesquelles s’appuie l’organisation (et alors la résistance est positive), ou bien l’organisation dans son ensemble n’a pas acquis ses bases traditionnelles. Dans les deux cas, le commandement, la mesure administrative, la punition peut servir dans l’immédiat à faire bouger le parti, mais ne résout certainement pas la situation. C’est une objection vile contre la Gauche, celle qui dit que, tout en possédant l’homogénéité théorique, programmatique, tactique, il n’est pas dit qu’elle possède automatiquement l’organisation centralisée. On doit construire l’organisation, il est vrai, mais elle doit s’appuyer sur les bases déjà vues. La construction de l’organisation devient alors un fait technique, la conséquence logique en termes d’instruments pratiques qui servent à coordonner, harmoniser, diriger tout le travail et l’action du parti. Cela nous vaudra un organe central qui fonctionne et d’où émanent les dispositions ; cela nous vaudra des responsables des différents secteurs d’activité ; cela nous vaudra mille instruments de travail et et ils devront être mis sur pied avec labeur. Et oui ! Mais ils ne serviraient à rien s’ils ne s’appuient pas sur cette base. Et gare à ceux qui pensent que dans un moment déterminé on obtient de ces instruments formels la garantie du bon fonctionnement du parti et de sa discipline interne. Il s’agit d’instruments techniques que le parti doit utiliser pour pouvoir agir de manière coordonnée et centralisée, mais ils ne constituent absolument pas la garantie de l’action même, de la centralisation et de la discipline.
Citation 69 - Thèses sur la tactique au 2e Congrès du PC d’Italie (Thèses de Rome) - 1922
« Thèse 29 - (...) Le programme du Parti n’a pas le caractère d’un simple but que l’on pourrait atteindre par n’importe quelle voie,mais celui d’une perspective historique dans laquelle les voies suivies et les objectifs atteints sont intimement liés. Dans les diverses situations, la tactique doit donc être en harmonie avec le programme et, pour cela, les règles tactiques générales pour les situation successives doivent être précisées dans certaines limites, non rigides, mais toujours plus nettes et moins fluctuantes, à mesure que le mouvement se renforce et approche de la victoire générale. C’est ce seul critère qui peut permettre de se rapprocher de plus en plus du centralisme maximum dans les Partis et dans l’Internationale pour la direction de l’action de façon à ce que l’exécution des dispositions prises centralement soient acceptées sans résistance non seulement par les Partis communistes, mais même par une partie des mouvements de masse qu’ils sont parvenus à encadrer. On ne doit en effet pas oublier qu’à la base de l’acceptation de la discipline organique du mouvement, il y a non seulement l’initiative d’individus et de groupes résultant des développements de la situation, mais une progression continue et logique d’expériences les amenant à rectifier la voie à suivre pour obtenir la plus grande efficacité dans la lutte contre les les conditions de vie que l’organisation sociale actuelle impose au prolétariat. C’est pourquoi le parti et l’Internationale doivent exposer de façon systématique l’ensemble des normes tactiques générales pour l’application desquelles ils pourront appeler à l’action et au sacrifice les rangs de leurs adhérents et les couches du prolétariat qui se rapprochent d’eux ».
Citation 70 - Thèses du PC d’Italie sur la
Tactique de l’IC au
4e Congrès de Moscou - 1922
« Constitution des partis communistes et de l’Internationale Communiste (...) Pour éliminer les dangers opportunistes et les crises de discipline, l’Internationale Communiste doit faire reposer la centralisation organisationnelle sur la clarté et la précision des résolutions tactiques et sur la définition exacte des méthodes à appliquer.
«Une organisation politique, c’est-à-dire une organisation fondée sur l’adhésion volontaire de tous ses membres, ne répond aux exigences de l’action centralisée que lorsque tous ses adhérents ont vu et accepté l’ensemble des méthodes dont le Centre peut ordonner l’application dans les différentes situations.
«Le prestige et l’autorité du Centre, qui ne reposent pas sur des sanctions matérielles, mais mettent en jeu des paramètres qui rentrent dans le domaine des facteurs psychologiques, exigent absolument la clarté, la continuité et la décision dans les déclarations programmatiques et dans les méthodes de lutte. C’est là que réside la seule garantie de pouvoir constituer un centre d’action véritablement unitaire du prolétariat international.
«Une organisation solide ne peut naître que de la stabilité de ses normes d’organisation ; en assurant à chacun que les normes seront appliquées avec impartialité, cette stabilité réduit au minimum les rébellions et les désertions. Tout autant que l’idéologie et que les normes tactiques, les statuts organisatifs doivent donner une impression d’unité et de continuité ».
Citation 71 - Discours du représentant de la
Gauche au 4e Congrès
de l’IC - 4e séance - 1922
« (...) Nous sommes pour le maximum de centralisation et de pouvoir aux organes centraux suprêmes. Mais un sermon solennel sur la discipline, d’un côté, et de l’autre les plus sincères engagements à la respecter, ne peuvent assurer l’obéissance aux initiatives du centre dirigeant (...) La garantie de la discipline doit être recherchée ailleurs, si, à la lumière de la dialectique marxiste, nous nous souvenons de la nature de notre organisation, qui n’est pas un mécanisme, qui n’est pas une armée, mais qui est un complexe unitaire réel, dont le développement est en premier lieu un produit et en second lieu un facteur du développement de la situation historique. La garantie de la discipline ne peut être trouvée que dans la définition précise des limites à l’intérieur desquelles nos méthodes d’action doivent s’appliquer, dans la définition précise des programmes, des résolutions tactiques fondamentales et des mesures d’organisation ».
Citation 72 - Organisation et discipline
communiste - 1924
« C’est renverser à la manière des sophistes le problème que de considérer la discipline totale et parfaite, ce qui éviterait le consensus universel pour la considération critique de tous les problèmes du mouvement, non comme un résultat, mais comme un moyen infaillible à employer avec une conviction aveugle, en disant tout court (2): l’Internationale est le parti communiste mondial et on doit suivre fidèlement ce qui émane de ses organismes centraux.
«Nous devons rappeler, pour commencer notre analyse de la question, que les partis communistes sont des organismes à adhésion "volontaire". Ceci est un fait inhérent à la nature historique des partis (...) C’est un fait que nous ne pouvons obliger personne à prendre notre carte, nous ne pouvons pas faire une conscription de communistes, nous ne pouvons pas établir des sanctions contre la personne qui ne suit pas la discipline interne : chacun de nos adhérents est matériellement libre de nous quitter quand il veut.
« (...) Par conséquent, nous ne pouvons adopter la formule, certes très avantageuse, de l’obéissance absolue dans l’exécution d’ordres venus d’en haut. Les ordres qui émanent des hiérarchies centrales sont non le point de départ, mais le résultat de la fonction du mouvement entendu comme collectivité.
« (...) Il n’existe pas de discipline mécanique bonne pour la réalisation d’ordres et de dispositions supérieurs "quels qu’ils soient" ; il existe un ensemble d’ordres et de dispositions répondant aux origines réelles du mouvement qui puissent garantir le maximum de discipline, c’est-à-dire d’action unitaire de tout l’organisme, tandis qu’il existe d’autres directives qui, émanées du centre, peuvent compromettre la discipline et la solidité organisative.
« (...) Nous résumons ainsi notre thèse, et nous croyons être fidèles à la dialectique du marxisme : l’action que le parti mène et la tactique qu’il adopte, c’est-à-dire la manière dont le parti agit envers "l’extérieur", ont à leur tour des conséquences sur l’organisation et la constitution "interne" de celui-ci. Celui qui, au nom d’une discipline illimitée, prétend disposer du parti pour une action, une tactique, une manœuvre stratégique "quelles qu’elles soient", c’est-à-dire sans limites bien déterminées et connues de l’ensemble des militants, compromet fatalement le parti.
« On ne parviendra efficacement au maximum d’unité et de solidité disciplinaire qu’en affrontant le problème sur cette plate-forme, et non en prétendant qu’il soit déjà d’une manière préjudicielle résolu par une règle banale d’obéissance mécanique ».
Citation 73 - Discours du représentant de la
Gauche au 5e Congrès
de l’IC - 13e séance - 1924
« (...) Nous voulons une centralisation véritable, une discipline véritable. Et pour cela il faut de la clarté dans la directive tactique et de la continuité dans la positions de nos organisations face aux autres partis ».
Citation 74 - Thèses de la Gauche au 3e Congrès du PC d’Italie
(Thèses de Lyon) - 1926
« I, 3 - Action et tactique du parti (...) Nier cette possibilité et nécessité de prévoir la tactique dans ses grandes lignes revient à nier la tâche du parti et nier du même coup la seule garantie que nous ayons qu’en toutes circonstances les inscrits du parti et les masses répondront aux ordres du centre dirigeant. Dans ce sens, le parti n’est ni une armée ni un quelconque autre organe étatique, car dans ces organes le rôle de l’autorité hiérarchique est prépondérant et celui de l’adhésion volontaire nul ; il est évident que le membre du parti a toujours la possibilité de ne pas exécuter des ordres sans encourir de sanctions matérielles : sortir du parti. La bonne tactique est celle qui n’entraîne aucune répercussion inattendue et contraire au développement de la campagne révolutionnaire dans le sein du parti et du prolétariat, masses, même quand, à un tournant donné de la situation, le centre dirigeant n’a le temps de consulter ni le premier ni à plus forte raison les secondes. Tout l’art de la tactique révolutionnaire est précisément de prévoir comment le parti réagira aux ordres et quels ordres susciteront la bonne réaction ; il ne peut être confié qu’à une utilisation collective de l’expérience des actions passées, résumées en règles d’action claires (...) Le parti étant lui même perfectible et non parfait, nous n’hésitons pas à dire qu’il faut beaucoup sacrifier à la clarté et au pouvoir de persuasion des règles tactiques, même au prix d’une certaine schématisation (...) Ce n’est pas seulement le bon parti qui fait la bonne tactique, mais aussi la bonne tactique qui fait le bon parti, et la bonne tactique ne peut être qu’une de celles que tous ont comprises et choisies dans leurs lignes fondamentales ».
Citation 75 - Discours du représentant de la
Gauche au 6e Exécutif
élargi de l’IC - 1926
« (...) C’est un fait que nous devons avoir un parti absolument homogène, sans divergences d’idées et sans regroupements différents en son sein. Mais ceci n’est pas un dogme, n’est pas un principe a priori ; c’est un but pour lequel on doit et on peut combattre, au cours du développement qui mène à la formation d’un véritable parti communiste, à la condition que toutes les questions idéologiques, tactiques et organisatives soient posées et résolues correctement ».
« On doit chercher la cause de ces revers dans le fait que les divers mots d’ordres tactiques successifs pleuvaient sur les partis et leurs cadres comme autant d’improvisation inattendues, sans que l’organisation communiste soit le moins du monde préparée aux différentes éventualités. Or, les plans tactiques du parti, tout en prévoyant une variété de situations et de comportement, ne peuvent ni ne doivent devenir le monopole ésotérique de cercles de hiérarchies suprêmes ; au contraire ils doivent être étroitement liés à la cohérence théorique, à la conscience politique des militants, aux traditions du mouvement, et doivent imprégner l’organisation de telle sorte qu’elle soit toujours préparée à l’avance et qu’elle puisse prévoir quelles seront les réactions de la structure unitaire du parti devant les événements favorables ou défavorables du cours de la lutte. Ce n’est pas avoir une conception plus complète et plus révolutionnaire du parti que d’en attendre autre chose ou plus, que de croire qu’il peut résister à des coups de gouvernail imprévus dans le domaine de la tactique ; au contraire, comme le prouvent les faits historiques, c’est le processus classique défini par le terme d’opportunisme, qui amène le parti révolutionnaire, ou bien à se dissoudre et à faire naufrage dans l’influence défaitiste de la politique bourgeoise, ou bien à se trouver plus vulnérable et plus désarmé devant la répression ».
Citation 77 - Force, violence, dictature dans
la lutte de classe -
1948
« V - Dégénérescence russe et dictature (...) A la base du rapport entre militant et parti, il y a un engagement ; de cet engagement nous avons une conception que, pour nous se libérer de l’antipathique terme de contractuel, nous pouvons définir simplement de dialectique. Le rapport est double, et constitue un double flux en sens inverses, du centre à la base et de la base au centre ; en répondant à la bonne fonctionnalité de ce rapport dialectique, répondront les saines réactions de la base à l’action dirigée par le centre.
« Le problème de la fameuse discipline consiste donc à poser aux militants de base un système de limites qui soit le reflet intelligent des limites posées à l’action des chefs ».
Citation 78 - La Russie dans la grande
révolution et dans la
société contemporaine - 1956
« III. 29 - Vie interne du parti de classe (...) L’adjectif démocratique signifie que l’on décide dans les les organisations de base puis après dans les congrès, avec le compte des votes. Mais le compte des votes suffit-il à établir que le Centre obéit à la base et non vice-versa ? Pour celui qui connaît les aspects néfastes de l’électoralisme bourgeois, quel sens a ceci ?
« Nous rappellerons brièvement les garanties que nous avons si souvent avancées et illustrées (encore dans le Dialogue avec les Morts). Doctrine : le Centre n’a pas la faculté de la changer de celle établie, depuis les origines, dans les textes classiques du mouvement. Organisation : unique à l’échelle internationale, elle ne varie pas par agrégations ou fusions, mais seulement par admissions individuelles ; les organisés ne peuvent restés dans d’autres mouvements. Tactique : les possibilités de manœuvre et d’action doivent être prévues par des décisions de congrès internationaux avec un système fermé. La base ne peut initier des actions non établies par le Centre : le Centre ne peut inventer des nouvelles tactiques et mouvements sous prétexte de faits nouveaux. Le lien entre la base du parti et le centre prend une forme dialectique. Si le parti exerce la dictature de la classe dans l’Etat, et contre les classes contre lesquelles l’Etat agit, il n’y a pas dictature du Centre du parti sur la base. La dictature ne se nie pas avec une démocratie mécanique interne formelle, mais avec le respect de ces liens dialectiques ».
Citation 79 - Dialogue avec les morts -
1956
« Troisième journée (soirée) - 77 - Où sont les garanties ? (...) 1- Théorie. Comme nous l’avons déjà dit la théorie ne surgit pas à n’importe quel moment de l’histoire – et elle n’attend pas non plus pour le faire la venue du Grand homme, du Génie. Elle naît à certains tournants du développement de la société humaine, mais si l’on connaît la date de cette naissance, on ignore à qui en revient la paternité.
« Notre théorie devait naître après 1830 sur la base de l’économie anglaise. Même si l’on admet qu’il est vain de se donner pour but la vérité et la science intégrales, et que tout ce que l’on peut faire est de progresser dans la lutte contre la grandeur de l’erreur, elle constitue une garantie,mais à condition qu’on la maintienne fermement sur les lignes directrices qui font d’elle un système complet. Historiquement, elle est placée devant une alternative : ou se réaliser ou disparaître. La théorie du parti est un ensemble de lois qui régissent l’histoire, et son cours passé et futur. La garantie que nous proposons est donc la suivante : interdiction de revoir et même d’enrichir la théorie. Pas de créativité.
« 2- Organisation. Elle doit être continue au cours de l’histoire, c’est-à-dire à la fois rester fidèle à sa propre théorie et ne pas laisser se rompre le fil des expériences de lutte. Les grandes victoires ne viennent que lorsque cette condition est réalisée dans de vastes espaces du globe et pour de longues périodes.
« Contre le Centre du parti, la garantie consiste à lui dénier tout droit de créer, et à ne lui obéir qu’autant que ses directives d’action rentrent dans les limites précises de la doctrine et de la perspective historique du mouvement, qui a été établie pour de longs cycles et pour le monde entier. Il faut donc réprimer toute tendance à exploiter les situations locales ou nationales "spéciales", des événements imprévus, des contingences particulières. En effet, ou il est possible d’établir que dans l’histoire certains phénomènes généraux se reproduisent d’un lieu et d’une époque à l’autre, aussi éloignés qu’ils soient dans l’espace et le temps, ou bien il est inutile de parler d’un parti révolutionnaire luttant pour une forme future de société. Comme nous l’avons souvent développé, il existe de grandes subdivisions historiques et "géographiques" qui déterminent des développés fondamentaux à l’action du parti : à des moitiés de continents et à des cinquantaines d’années ; aucune direction de parti ne peut proclamer des développés de ce genre d’une année à l’autre. Nous avons un théorème qui s’appuie sur mille vérifications expérimentales : annonceur de "cours nouveau" égale traître.
« Contre la base et contre la masse, la garantie est l’action unitaire et centrale, la fameuse "discipline" : on l’obtient quand la direction est bien attachée à ces règles théoriques et pratiques et quand les groupes locaux se voient interdire de "créer" pour leur compte des programmes, des perspectives et des mouvements autonomes.
« Cette relation dialectique entre la base et le sommet de la pyramide (qu’à Moscou il y a trente ans nous avons demandé de renverser), est la clef qui assure à l’organe impersonnel et unique qu’est le parti la faculté exclusive de déchiffrer l’histoire, la possibilité d’y intervenir et la capacité de signaler cette possibilité lorsqu’elle apparaît. De Staline au comité actuel de sous-staliniens, rien n’a été renversé dans cette relation.
« 3- Tactique. Le mécanisme du parti interdit les "création" stratégiques. Le plan des opérations est public et notoire, et il en décrit les limites précises, c’est-à-dire les domaines historiques et territoriaux. Un exemple évident : en Europe, depuis 1871, le parti ne soutient plus aucune guerre d’Etat. En Europe depuis 1919, le parti ne participe pas (ou n’aurait pas dû participer...) aux élections. En Asie et en Orient, aujourd’hui encore, le parti appuie les mouvements révolutionnaires démocratiques et nationaux et l’alliance de lutte du prolétariat avec d’autres classes, y compris la bourgeoisie locale elle-même. Nous donnons ces exemples pour qu’on ne puisse pas parler de l’unicité et de la rigidité d’un schéma qui soi-disant resterait le même en tous temps et en tous lieux, et pour éviter l’accusation courante selon laquelle notre construction doctrinale dériverait de postulats immuables d’ordre éthique, esthétique ou même mystique, alors qu’elle est intégralement matérialiste et historique. La dictature de classe et de parti ne dégénérera pas en formes diffamées comme les oligarchies, à condition d’être ouvertement une dictature, de se déclarer publiquement liée à un stade historique que la doctrine prévoit de longue durée, et afin de ne pas conditionner hypocritement son existence à des contrôles majoritaires, mais seulement à l’issue de l’épreuve de force avec l’ennemi. Le parti marxiste ne rougit pas des conclusions tranchantes de sa doctrine matérialiste et aucune position d’ordre sentimental ou décoratif ne peut l’empêcher de les tirer.
« Le programme doit contenir de façon nette les grandes lignes de la société future comme négation de toute l’ossature de la société présente et déclarer qu’elle constitue le point d’arrivée de tous les temps et de tous les lieux. Décrire la société présente n’est qu’une partie des tâches révolutionnaires. Ce n’est pas notre affaire d’en déplorer l’existence ou de la diffamer, non plus de construire dans ses flancs la société future. Mais les rapports de production actuels devront être impitoyablement rompus selon un programme clair qui prévoit scientifiquement comment sur ces obstacles brisés surgiront les nouvelles formes d’organisation sociale, connues exactement par la doctrine du parti ».
Citation 80 - Thèses sur la tâche
historique du parti communiste mondial... (Thèses
de Naples) -
1965
« Thèse 13 - (...) Dans la conception du centralisme organique, la garantie de la sélection de ses membres est celle que nous avons toujours proclamée contre les centristes de Moscou. Le parti continue inlassablement à graver toujours plus nettement les lignes directrices de sa doctrine, de son action et de sa tactique au moyen d’une méthode unique, dans l’espace et dans le temps. Tous ceux qui se trouvent mal à l’aise devant ces positions ont la ressource évidente d’abandonner les rangs du parti ».
Citation 81 - Prémisse aux Thèses du PC
d’Italie sur la Tactique au 4e
Congrès de l’IC - 1965
« (...) Certains points intéressent le problème de l’organisation. Toute tradition de fédéralisme doit être éliminée, pour assurer centralisation et discipline unitaire. Mais ce problème historique ne se résout pas avec des expédients mécaniques. La nouvelle Internationale elle-même, pour éviter des dangers opportunistes et des crises disciplinaires internes, doit fonder la centralisation sur la clarté non seulement du programme, mais aussi de la tactique et de la méthode de travail. Depuis lors on a affirmé que celle-ci est la seule garantie sur laquelle le Centre peut baser fermement son autorité ».
Citation 82 - Thèses supplémentaires... (Thèses de Milan) - 1966
« Thèse 7 - (...) Dans le parti révolutionnaire, en plein développement vers la victoire, l’obéissance est spontanée et totale mais non aveugle ni forcée, et la discipline centrale, comme le montrent les thèses et la documentation présentée à l’appui, équivaut à une harmonie parfaite entre les fonctions et les actions de la base et du Centre et ne peut pas être remplacée par l’exercice bureaucratique d’un volontarisme antimarxiste ».
Citation 83 - Prémisse aux Thèses du PC
d’Italie sur la Tactique au 4e
Congrès de l’IC - 1970
« (...) Du même coup, c’est le fondement d’une discipline internationale non factice, non mécanique, non basée sur l’exégèse des articles d’un code civil ou pénal, qui saute ; cette discipline organique est remplacée par une discipline formelle imposée par un organe à la fois délibératif et exécutif, dont on admet a priori qu’il est capable de maintenir le fil de la continuité théorique, pratique et organisationnelle à travers le jeu compliqué et imprévisible des manœuvres, en vertu d’une immunisation supposée permanente.
« (...) La discipline est le produit de l’homogénéité et de la continuité pratique. Introduisez la variable indépendante de l’improvisation : vous aurez beau l’entourer de clauses limitatives, au terme du processus il n’y aura plus que le Knout, ou, si vous préférez, Staline ».
Citation 84 - Prémisse aux Thèses de la
Gauche au Congrès de Lyon de 1926 - 1970
« (...) Il faut donc jeter les bases de la discipline en la faisant reposer sur le socle inébranlable de la clarté, de la fermeté et de l’invariance des principes et des directives tactiques. Autrefois, au cours d’années que leur éclat faisait paraître éloignées, la discipline provenait d’un processus organique qui plongeait ses racines dans la force doctrinale et la pratique de granit du parti bolchevique ; aujourd’hui ou bien on la reconstruit sur les fondements collectifs du mouvement mondial, dans un esprit de sérieux et dans la compréhension fraternelle de la gravité du moment, ou bien tout est perdu.
« (...) On avait dévié de la discipline à l’égard du programme clair et tranchant des origines : pour empêcher que cette indiscipline ne provoquât la débandade, on prétendit fabriquer in vitro de « véritables partis bolcheviques ». On sait ce que deviendront sous la botte stalinienne ces caricatures du parti de Lénine. Au 4e Congrès, nous avions lancé une mise en garde : "la garantie de la discipline ne peut être trouvée que dans la définition des limites à l’intérieur desquelles nous devons appliquer nos méthodes, dans la précision des programmes et des résolutions tactiques fondamentales ainsi que des mesures d’organisation". Nous répétâmes au 5e Congrès qu’il était illusoire de poursuivre le rêve d’une discipline de tout repos, si la clarté et la précision dans ce qui est le préalable de toute discipline et de toute homogénéité dans l’organisation faisaient défaut ; qu’il était vain de se bercer de l’illusion d’un parti mondial unique, si la continuité et le prestige de l’organe international étaient continuellement détruits par le "libre choix", concédé non seulement à la périphérie mais aussi au sommet, des principes qui déterminent l’action pratique ; qu’il était hypocrite d’invoquer une "bolchevisation" qui ne signifierait pas l’intransigeance dans les fins, et l’adéquation des moyens aux fins ».
Citation 85 - Prémisse aux Thèses après 1945
- 1970
« (...) Si le parti possède une telle homogénéité théorique et pratique (possession qui n’est pas une donnée de fait garantie pour toujours, mais une réalité à défendre avec les ongles et les dents, et s’il le faut, à reconquérir chaque fois), son organisation – c’est-à-dire sa discipline – naît et se développe de façon organique sur la base unique du programme et de l’action pratique, et exprime dans ces diverses formes d’explications, dans la hiérarchie de ses organes, l’adéquation parfaite du parti à l’ensemble de ses fonctions, sans exception aucune ».
Chapitre 3
Courants et fractions
Dans la conception de la Gauche, la naissance à l’intérieur du parti de dissensions et de fractions est donc le symptôme, la manifestation extérieure d’une maladie qui a frappé l’organe parti. Il ne s’agit pas par conséquent tant de combattre les symptômes que de rechercher les causes du mal, qui proviennent toujours d’une façon incorrecte de développer le travail collectif du parti et des fonctions centrales. Le travail du parti est inadéquate ou incorrect par rapport à la ligne historique sur laquelle il doit s’appuyer ; le processus d’assimilation par l’organisation des bases théoriques, programmatiques et tactiques est inadéquate : par conséquent peuvent naître les divergences et les fractions. C’est la thèse de la Gauche. Ou bien, le parti est en présence d’un processus dégénératif opportuniste et le fractionnisme est une saine réaction de l’organe vitale à cette déviation. C’est tout le contraire, comme on le voit, de la thèse soutenue à plusieurs reprises par le Centre actuel, selon laquelle ce sont les fractions qui amènent l’opportunisme au sein du parti.
La thèse de la Gauche mène à une conclusion pratique : la formation de fractions est une sonnette d’alarme qui indique que quelque chose ne va pas dans la conduction générale du parti ; il faut pour cela retrouver dans le travail de parti les causes qui ont amené la naissance des fractions. Le travail et l’action du parti replacés sur leurs bases classiques, les fractions disparaissent et n’ont plus de raison de se manifester. L’accent est mis également ici sur le développement correct du travail sur le plan théorique, programmatique, tactique, sur la clarification interne au travers du travail, sur la résolution substantielle, c’est-à-dire sur le plan théorique, programmatique, tactique, des dissensions qui surgissent dans le parti.
La thèse du Centre conduit à la conclusion opposée : les fractions sont la maladie ; elles sont dues au virus opportuniste et petit-bourgeois qui cherche à pénétrer le parti ; par conséquent, il faut expulser, détruire, tuer les fractions ; les faiseurs de fractions expulsés, la vie du parti redevient normale et régulière. Pour la Gauche, l’opportunisme pénètre dans le parti sous la bannière de l’unité, de la prosternation aux chefs, de la discipline pour la discipline.
Pour le Centre, l’opportunisme pénètre dans le parti sous la bannière du fractionnisme, de l’indiscipline, etc. Pour la Gauche, la répression du fractionnisme n’est pas la tâche du parti, mais au contraire la prévention de celui-ci se fait au travers de la « politique révolutionnaire juste ». Pour le Centre, la répression du fractionnisme, la discipline pour la discipline, l’absolue obéissance aux hiérarchies centrales deviennent la principale tâche du parti. Pour la Gauche, une certaine souscription au PC serait présentée ainsi : « contre les causes qui ont permis la manifestation du fractionnisme » ; pour le Centre, la même souscription est : « contre le fractionnisme ». Pour la Gauche, ce n’est pas la jambe pourrie qui menace de faire pourrir tout l’organisme, mais l’organisme malade qui faire pourrir la jambe. Pour le Centre, il suffit d’amputer la jambe pour que l’organisme redevienne sain
Les conséquences de ces conceptions opposées sont nécessairement les suivantes : pour la Gauche, les mesures disciplinaires, les compressions organisatives, la terreur idéologique, l’énergie répressive, non seulement ne sont pas un remède contre le fractionnisme, mais représentent un symptôme d’un opportunisme latent ; pour le Centre, au contraire, la chasse au fractionnisme, l’énergie répressive, les mesures disciplinaires, la méfiance entre les camarades, sont des indices de vitalité et de force de l’organe parti. Pour la Gauche, les mesures disciplinaires doivent devenir de plus en plus rares pour finalement disparaître. Pour le Centre, cet « ignoble bagage » doit devenir la règle de fonctionnement du parti. Pour la Gauche, le parti fonctionne bien quand il n’a pas besoin d’adopter des mesures répressives. Pour le Centre, le parti fonctionne d’autant mieux qu’il est capable d’adopter plus de mesures de ce genre.
Le Centre actuel du parti chemine donc sur une route opposée à celle du marxisme révolutionnaire de la Gauche ; son comportement, basé sur la destruction quotidienne de fractions, est précisément, selon la Gauche, le symptôme d’un opportunisme latent.
Citation 86 - Projet de Thèses du PC d’Italie sur la Tactique de l’IC au 4e Congrès de Moscou - 1922
« Constitution des PC et de l’IC (...) Dans la mesure où l’Internationale emploiera ces expédients, on assistera à des manifestations de fédéralisme et à des ruptures de la discipline. Si le processus d’élimination progressive de ces anomalies devait marquer le pas ou même s’inverser, ou si elles devaient être élevées au rang de système, on serait en présence d’un danger de rechute dans l’opportunisme d’une extrême gravité ».
Citation 87 - Déclaration de la Gauche sur le
projet d
’organisation de l’IC au 4e Congrès - 1922
« (...) Je dois cependant insister sur le fait que, si nous voulons réaliser une centralisation effective, c’est-à-dire une synthèse des forces spontanées de l’avant-garde du mouvement révolutionnaire dans les divers pays, pour pouvoir éliminer les crises disciplinaires que nous constatons aujourd’hui, nous devons centraliser notre appareil organisatif, mais dans le même temps unifier nos méthodes de lutte et bien préciser tout ce qui se réfère au programme et à la tactique de l’IC. A tous les groupes et camarades appartenant à l’IC, nous devons expliquer exactement ce que signifie le devoir d’obéissance inconditionnée qu’ils acceptent en entrant dans nos rangs ».
Citation 88 - Organisation et discipline
communiste - 1924
« (...) Précisément parce que nous sommes antidémocratiques, nous pensons qu’en matière une minorité peut avoir des vues correspondant mieux que celles de la majorité à l’intérêt du processus révolutionnaire. Ceci advient certes de façon exceptionnelle, et le cas qui présente ce renversement disciplinaire est d’une extrême gravité, comme ceci survint dans la vieille Internationale ; et il est souhaitable que cela ne survienne plus dans nos rangs. Mais sans penser à ce cas extrême, il y a d’autres situations moins aiguës et critiques dans lesquelles toutefois la contribution de groupes demandant que soient précisées les directives tracées par le centre dirigeant est utile et indispensable ».
Citation 89 - Motion de la Gauche à la
Conférence Nationale de
Côme du PC d’Italie - 1924
« Point 10 - Il est indiscutable que dans l’Internationale, fonctionnant en tant que parti communiste mondial, la centralisation organique et la discipline excluent l’existence de fractions ou de groupes qui puissent ou non s’adosser à la direction des partis nationaux, comme cela survient aujourd’hui dans tous les pays. La Gauche du PC d’Italie est pour que cet objectif soit atteint le plus rapidement possible, mais elle considère qu’il ne se réalise pas par des décisions et des commandements mécaniques, mais au contraire en assurant le développement historique juste du Parti Communiste International, qui doit être parallèle au travail de précision de l’idéologie politique, dans la définition non équivoque de la tactique, et dans la consolidation organisative ».
Citation 90 - Réplique de la Gauche à
Zinoviev au 5e Congrès de
l’IC à Moscou - 1924
« (...) Je disais exactement la même chose dans cet article, c’est-à-dire : "Il est un fait qu’au sein de l’Internationale, dans tous les pays, existent des fractions qui se combattent dans les congrès et luttent pour la conquête de la direction des partis respectifs. Nous sommes également d’avis que dans l’Internationale ces fractions ne doivent pas exister, si l’Internationale doit devenir un parti mondial communiste véritablement centralisé. Mais qu’est-ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ? A cette fin il ne suffit pas de blâmer et de rappeler plus ou moins énergiquement les personnes à la discipline : il est au contraire nécessaire de mener le travail comme nous l’avons réclamé, c’est-à-dire en imprimant à l’Internationale Communiste une ligne organisative unitaire et cohérente. Si cette voie n’est pas suivie, mais celle opposée, on n’obtiendra pas alors la disparition des fractions internationales, et on devra prendre en considération la constitution d’une fraction internationale" ».
Citation 91 - Le danger opportuniste et
l’Internationale - 1925
« (...) Nous ne voyons pas de graves inconvénients à avoir une préoccupation exagérée envers le danger opportuniste. Certes le criticisme et l’alarmisme pratiqués comme un sport sont très déplorables ; mais étant donnés qu’ils sont – au lieu d’être le reflet précis de "quelque chose qui ne va pas bien", et l’intuition de déviations graves qui se préparent – un pur produit d’élucubrations de militants, il est certains qu’ils n’affaibliront aucunement le mouvement et seront facilement dépassés. Alors que le danger est grave, à l’opposé, comme malheureusement cela s’est produit dans nombre de précédents, si la maladie opportuniste domine avant qu’on ait osé quelque part donner vigoureusement l’alarme. La critique sans l’erreur ne nuit pas plus du millième de ce que nuit l’erreur sans critique ».
Citation 92 - La Plate-forme de la Gauche
- 1925
« (...) L’apparition et le développement des fractions est l’indice d’un mal général dans le parti ; c’est un symptôme d’une absence de répondant des fonctions vitales du parti à ses finalités, et il se combat en individualisant le mal pour l’éliminer, non en abusant des pouvoirs disciplinaires pour résoudre de façon nécessairement formelle et provisoire la situation ».
Citation 93 - Thèses de la Gauche au 3e Congrès du PC d’Italie
(Thèses de Lyon) - 1926
« II - Questions internationales - 5. Discipline et fractions - Un autre aspect de la parole bolchevisation est celui de considérer la centralisation disciplinaire complète et l’interdiction sévère du fractionnisme comme une garantie certaine de l’efficacité du parti.
« L’ultime instance appelée à trancher toutes les questions controversées est l’organe central international dans lequel le Parti Communiste Russe se voit attribuer une hégémonie sinon hiérarchique, du moins politique.
« En réalité, cette garantie n’existe pas et tout le problème est posé de façon inadéquate. En fait, on n’a pas évité le déchaînement du fractionnisme dans l’Internationale,mais on en a par contre encouragé des formes dissimulées et hypocrites. D’ailleurs, du point de vue historique, le dépassement de fractions dans le parti russe n’a jamais été un expédient ni une recette aux effets magiques appliquée sur le terrain statutaire, mais le résultat et l’expression d’une heureuse façon de poser les problèmes de doctrine et d’action politique.
« Les sanctions disciplinaires sont un des éléments qui garantissent contre les dégénérescences, mais à condition que leur application reste dans les limites de cas exceptionnels et ne devienne pas la norme et presque l’idéal de fonctionnement du parti (...)
« Les partis communistes doivent réaliser un centralisme organique qui, avec le maximum possible de consultations de la base, assure l’élimination spontanée de tout regroupement tendant à se différencier. On ne peut obtenir cela à coups de prescriptions hiérarchiques formelles et mécaniques mais, comme le disait Lénine, par une juste politique révolutionnaire.
« Ce n’est pas la répression, mais la prévention du fractionnisme, qui est un aspect fondamental de l’évolution du parti.
« Il est absurde, stérile et extrêmement dangereux de prétendre que le parti et l’Internationale sont mystérieusement assurés contre toute rechute dans l’opportunisme ou toute tendance à y retomber. Ces effets pouvant au contraire provenir soit de changements de la situation, soit du jeu des traditions social-démocratiques résiduelles, on doit admettre, pour résoudre nos problèmes, que toute différenciation d’opinion non réductible à des cas de conscience ou à un défaitisme individuel peut se développer utilement pour préserver le parti et le prolétariat en général de dangers graves.
« Si ces dangers s’accentuaient, la différenciation prendrait inévitablement, mais utilement la forme du fractionnisme. Cela pourrait conduire à des scissions, non pas pour la raison enfantine que les dirigeants auraient manqué d’énergie dans la répression,mais uniquement parce que la maudite hypothèse d’une faillite du parti et de son asservissement à des influences contre-révolutionnaires se serait vérifiée (...)
« Le danger d’influences bourgeoises sur le parti de classe ne se manifeste pas historiquement par l’organisation de fractions, mais plutôt par une pénétration adroite usant d’une démagogie unitaire et opérant comme une dictature d’en haut qui a pour effet de paralyser les initiatives de l’avant-garde prolétarienne.
« Ce n’est pas en posant la question de la discipline pour faire obstacle aux tentatives de fraction qu’on réussit à identifier et à éliminer ce facteur de défaite : c’est en réussissant à orienter le parti et le prolétariat contre ce piège au moment où il se manifeste non seulement comme une révision de la doctrine, mais comme une proposition positive en faveur d’une importante manœuvre politique aux effets anti-classistes ».
Citation 94 - Discours du représentant de la
Gauche au VI e
Exécutif Elargi de l’IC à Moscou - 1926
« (...) Mais, quand des divergences surgissent, ceci signifie que la politique du parti est tombée dans l’erreur, que le parti ne possède pas la capacité de combattre victorieusement ces tendances déviationnistes qui, dans des moments donnés de la situation générale, se produisent dans le mouvement ouvrier. Quand se vérifient des cas d’indiscipline, ils représentent un symptôme que le parti n’a pas encore atteint cette capacité. La discipline est donc un point d’arrivée, non un point de départ, non une plate-forme qui puisse être inébranlable. Ceci est lié, du reste, au caractère volontaire de l’adhésion à notre organisation de parti. Ce n’est donc pas dans une espèce de code pénal du parti qu’on peut chercher un remède aux cas fréquents d’indiscipline (...)
« Et j’en arrive aux fractions. A mon avis, la question des fractions ne se pose pas du point de vue de la morale, du point de vue du code pénal. Y-a-t-il dans l’histoire un seul exemple qu’un camarade ait organisé une fraction pour se divertir ? Non, un pareil cas n’est jamais survenu. Y-a-t-il dans l’histoire un seul exemple que l’opportunisme se soit infiltré dans le parti par la voie de la fraction, que l’organisation de fraction ait servi de base à la mobilisation défaitiste de la classe ouvrière et le parti révolutionnaire ait été sauvé grâce à l’intervention des tueurs de fraction ? Non, l’expérience prouve que l’opportunisme pénètre toujours dans nos rangs derrière le masque de l’unité. Il est dans son intérêt d’influencer la masse la plus large possible ; c’est donc derrière l’écran de l’unité qu’il avance ses propositions insidieuses. L’histoire des fractions montre, en général, qu’elle ne font pas honneur aux partis à l’intérieur desquels elles se forment, mais font honneur aux camarades qui les créent. L’histoire des fractions est l’histoire de Lénine ; c’est l’histoire non des attentats à l’existence des partis, mais de leur cristallisation et de leur défense contre les influences opportunistes (...)
« La genèse d’une fraction indique qu’il y a dans le parti quelque chose qui ne va pas. Pour remédier au mal, il faut remonter aux causes historiques qui l’ont produit, qui ont déterminé la naissance de la fraction ou de la tendance à la constituer ; et ces causes résident dans des erreurs idéologiques et politiques du parti. Les fractions ne sont pas la maladie ; elles sont un symptôme, et, si l’on veut combattre l’organisme malade, il faut non pas combattre les symptômes, mais chercher à établir les causes du mal. Par ailleurs, dans la majorité des cas, on se trouve face à des camarades qui n’ont pas du tout cherché à créer une organisation indépendante, ou même à des points de vue et des tendances qui cherchaient le chemin du travail normal, régulier et collectif du parti ».
Citation 95 -
Force, violence, dictature dans la lutte de
classe -
1948
« V- Dégénérescence russe et dictature - (...) Quand cette crise éclate, précisément parce que le parti n’est pas un organisme immédiat et automatique, les luttes internes, les divisions en tendances, les fractures surviennent ; ce sont dans de tel cas un processus utile comme la fièvre qui libère l’organisme de la maladie, mais que toutefois nous ne pouvons "constitutionnellement" admettre, ni encourager et tolérer.
« Pour éviter donc que le parti ne tombe dans la crise d’opportunisme ou doive nécessairement y réagir en se fractionnant, il n’existe pas de règlements et de recettes. Il y a cependant l’expérience de la lutte prolétarienne de nombreuses décennies qui nous permet d’individualiser certaines conditions dont la recherche, la défense, la réalisation doivent être la tâche infatigable de notre mouvement ».
Citation 96 -
Dialogue avec les morts -
1956
« Troisième journée (soirée) - 76 - Sens du déterminisme - (...) La classe trouve dans l’histoire un guide, dans la mesure où les facteurs matériels qui la meuvent se cristallisent dans le parti, et où il possède une théorie complète et continue, une organisation elle aussi universelle et continue, qui ne se fait ni se défait à chaque tournant par des agrégations et des scissions. Ces scissions sont cependant la fièvre, c’est-à-dire la réaction utile de l’organisme du parti à ses crises pathologiques ».
Citation 97 -
Thèses sur la tâche historique, l’action et la structure... (Thèses de
Naples) -
1965
« Thèse 10 - (...) Pourtant, cent passages des textes mentionnés ci-dessus montrent que la Gauche, dans sa pensée fondamentale, a toujours considéré que la vie conduisant à la suppression des élections de camarades ou des votes des thèses générales conduisait également à l’abolition des radiations, des expulsions et des dissolutions de groupes locaux, autre ignoble bagage du démocratisme politicard. Nous avons plusieurs fois énoncé en toutes lettres la thèse selon laquelle ces procédés disciplinaires devaient devenir de plus en plus exceptionnels et disparaître peu à peu.
« Si c’est le contraire qui se produit, et, pire encore, si ces questions disciplinaires, au lieu de servir à sauver des principes sains et révolutionnaires, servent à imposer les positions conscientes ou inconscientes d’un opportunisme naissant – comme ce fut le cas en 1924, 1925, 1926 – cela signifie seulement que le Centre n’a pas rempli correctement sa fonction, que cela lui a fait perdre toute influence réelle sur la base, et qu’il peut d’autant moins obtenir la discipline qu’il chante plus fort les louanges d’une rigueur disciplinaire parfaitement artificielle.
« Thèse 11 - La position de la Gauche a cependant toujours été ferme et constante : si les crises disciplinaires se multiplient au point de devenir la règle, cela signifie que quelque chose ne va pas dans la direction générale du parti, et que le problème mérite d’être étudié. Naturellement, nous ne renierons pas nos propres principes en commettant la sottise de croire que le salut consiste dans la recherche d’individualités plus capables ou dans le renouvellements des chefs, grands et petits, car il s’agit là d’un bagage que nous retenons caractéristique du phénomène opportuniste et historiquement antagoniste au chemin du marxisme révolutionnaire de Gauche ».
Chapitre 3
La place juste de la terreur idéologique et des pressions organisatives
Voici la conception de la Gauche, fruit entre autre du bilan sanguinaire de la contre-révolution stalinienne : si les bases de la discipline organisative reposent sur la possession par l’organisation collective du parti de ses positions théoriques, programmatiques et tactiques, possession qui n’est pas donnée une fois pour toute, mais doit engager constamment et quotidiennement le parti dans une œuvre de défense, éclaircissement, reproposition, martelage de ces points cardinaux ; si l’apparition dans le parti de dissensions, d’actes d’insubordination, de phénomènes de fractionnisme, n’est que le symptôme de quelque chose qui ne va pas dans le déroulement de ce travail et la réaction saine à une position de celui-ci inadéquate et incorrecte, il est clair que les pressions disciplinaires doivent tendre à disparaître dans la mesure où le parti est sain et lutte en s’appuyant sur ses bases classiques. Il est clair que ces méthodes organisatives doivent devenir des exceptions et finalement disparaître ; il est tout aussi clair que lorsqu’elles deviennent le mode normal ou presque l’idéal de la vie interne du parti, le parti même n’est plus garanti de rien et par conséquent se trouve (alors oui!) exposé véritablement à la déviation opportuniste. Sur cette base, la Gauche a maintenant mis à la juste place un autre anneau de notre inaltérable chaîne : la fonction des hommes, des chefs et des hiérarchies de parti. Celles-ci doivent exister en tant qu’instruments techniques de coordination et de direction de tout le travail de parti, mais leur existence ne garantit pas le parti des erreurs et des déviations. Par conséquent, quand des déviations et des erreurs se vérifient, la solution ne se trouve pas dans la façon de juger le travail des hommes, dans le choix d’hommes meilleurs, dans la substitution d’hommes par d’autres. La solution se trouve dans la recherche correcte et rationnelle par l’organe collectif parti du fil historique que la déviation et l’erreur ont brisé. Les hommes peuvent rester les mêmes (à moins qu’ils ne soient des traîtres) pourvu que l’organe parti retrouve sa route. C’est pourquoi la Gauche affirme que la « personnification des erreurs », le « choix d’hommes plus adaptés », le remplacement d’un homme par un autre, entendu comme des remèdes à l’erreur et à la déviation, sont le symptôme d’une vision déformée de la vie et de la dynamique de l’organe parti. La Gauche affirme que cette méthode incorrecte ne peut qu’être accompagnée d’autres phénomènes qui, malheureusement, se rencontrent aussi dans notre organisation actuelle : le carriérisme, le bureaucratisme, l’optimisme aveugle de bureau pour lequel tout va bien, et la présomption orgueilleuse par laquelle celui qui se permet de douter n’est qu’un casse-pieds qui doit débarrasser le plancher ; enfin en superposant à la base inerte et terrorisée du parti un corps de fonctionnaires choisis sur l’unique critère d’une aveugle fidélité au Centre du parti. Les sévices des découvreurs et des tueurs de fractions, la délation, la méfiance systématique entre camarades, la diplomatie à usage interne : tous ces phénomènes qui tendent déjà aujourd’hui à se manifester dans l’organisation ne sont que le corollaire nécessaire d’une position renversée de la conception du parti et de son fonctionnement correct.
Dans la conception de la Gauche, le parti n’est pas une colonie d’hommes-microbes. Dans la conception de la Gauche, le parti distribue de manière organique, fonctionnelle, les différents membres dans les différentes fonctions techniques, y comprise la fonction centrale de direction qui a besoin d’hommes ou d’un homme unique mais dans laquelle n’existe absolument pas la garantie d’un mouvement correct du parti. La parole, encore une fois, est donnée à notre tradition ininterrompue de parti.
Citation 98 - Le péril opportuniste et l’Internationale - 1925
« (...) Dans la mentalité qui fait son chemin parmi les éléments directifs de notre mouvement, nous commençons à voir le vrai danger du défaitisme et du pessimisme latents. Au lieu de s’opposer virilement aux difficultés dont est entourée en cette période l’action communiste, de discuter courageusement les dangers multiformes et de reconstruire face à eux les raisons vitales de notre doctrine et de notre méthode, ils veulent se réfugier dans un système intangible. Leur grande satisfaction est de prouver, avec le grand secours du « il a dit du mal de Garibaldi », par des enquêtes, les supposées idées et intentions intimes non encore manifestées, par lesquelles un tel et un tel enfreignent les prescriptions écrites sur leur calepin, afin de crier : Ils sont contre l’Internationale, contre le léninisme (...)
« Ceci serait la véritable, la pire façon de liquider le parti et l’Internationale, en l’accompagnant de tous les phénomènes caractéristiques et bien connus du philistinisme bureaucratique. Le symptôme de ceci est l’aveugle optimisme de bureau : tout va bien, et celui qui se permet d’en douter n’est qu’un casse-pieds dont il faut se débarrasser. Nous nous opposons à cette attitude précisément parce que, confiants dans la cause communiste et dans l’Internationale, nous nions qu’elle doive se réduire à gaspiller vulgairement « son patrimoine » de puissance et d’influence politique (...)
« Mais dépassons un peu cette affaire de la bolchévisation, et précisons notre méfiance ouverte envers elle. Car elle se concrétise dans l’organisation par cellule, que domine par sa toute-puissance le réseau des fonctionnaires, sélectionnés selon le critère du respect aveugle des prescriptions qui voudraient être le léninisme, selon une méthode tactique et de travail politique qui s’illusionne de répondre le mieux sur le plan exécutif aux dispositions les plus inattendues, et dans une situation historique de l’action communiste mondiale où le dernier mot doit toujours se trouver dans les précédents du parti russe interprétés par un groupe privilégié de camarades ».
Citation 99 - La Plate-forme de la
Gauche - 1925
« (...) Par analogie, le problème de la discipline se pose comme la canalisation et l’utilisation des forces qui se développent et que le système organisatif doit être capable d’harmoniser. En se sens les nouvelles expériences deviennent le patrimoine du parti, qui les interprète, les assimile : elles ne deviennent pas une découverte de quelques fonctionnaires qui les imposent au parti passif selon des interprétations le plus souvent erronées. Les sanctions disciplinaires deviennent donc des répressions de phénomènes sporadiques et non des pression générales sur tout le parti ; elles doivent au contraire constituer une limite à certaines manifestations individuelles aberrantes ».
Citation 100 - Thèses de la Gauche au 3e Congrès du PC d’Italie
(Thèses de Lyon) - 1926
« II. 5- Discipline et fractions (...) Les sanctions disciplinaires sont un des éléments qui garantissent contre les dégénérescences, mais à condition que leur application reste dans les limites de cas exceptionnels et ne devienne pas la norme et presque l’idéal de fonctionnement du parti (...)
« Ce n’est pas la répression, mais la prévention du fractionnisme qui est un aspect fondamental de l’évolution du parti (...)
« Les résultats de cette méthode nuisent au parti et au prolétariat et retardent la réalisation du « véritable » parti communiste. Appliquée dans de nombreuses sections de l’Internationale, elle est elle-même un grave symptôme d’opportunisme latent ».
Citation 101 - Discours du représentant
de la Gauche al 6e Exécutif Elargi à Moscou - 1926(3)
Prémisse de Programma Comunista n°17, 1965 - « (...) Nous choisissons les passages qui concernent l’histoire des erreurs tactiques et de la défaite allemande, la fameuse campagne de discipline sous haute pression et de prétendue interdiction du fractionnisme, appelée "bolchevisation" ».
Texte : « 5e séance - (...) Ensuite, face aux erreurs entraînées par cette tactique, face surtout à la défaite d’octobre 1923 en Allemagne, l’Internationale reconnut qu’elle s’était trompée. Il ne s’agissait pas d’un accident mineur : cette erreur, nous devions la payer de l’espoir de conquérir, après le premier mois acquis à la révolution prolétarienne, un autre grand pays, ce qui aurait eu, du point de vue de la révolution mondiale, une importance énorme.
« On se limita malheureusement à dire : il ne s’agit pas de revoir de façon radicale les délibérations du 4e Congrès ; il est seulement nécessaire d’écarter certains camarades qui se sont trompés dans l’application de la tactique du front unique ; il est nécessaire de trouver les responsables. On les trouva dans l’aile droite du parti allemand, sans vouloir admettre que la responsabilité revenait à toute l’Internationale (...)
« Mais si nous fûmes contre les décisions du 5e Congrès, c’est surtout parce qu’elles n’éliminaient pas les grandes erreurs et parce que, à notre avis, il n’est pas bon de limiter la question à un procès contre des personnes, alors que c’est un changement de l’Internationale elle-même qui est nécessaire. On ne voulut pas prendre cette voie saine et courageuse. Nous avons critiqué maintes fois le fait que, parmi nous, avec l’ambiance dans laquelle nous travaillons, se crée une mentalité parlementaire et diplomatique. Les thèses sont très à gauche, les discours sont très à gauche, mais ceux contre qui elles sont dirigées les votent parce qu’ils croient s’immuniser de cette façon (...)
« Et j’en viens à un autre aspect de la bolchevisation : le régime intérieur en vigueur dans le parti et dans l’Internationale communiste. On a fait ici une autre découverte : ce qui manque à toutes les sections, c’est la discipline de fer des bolcheviques, dont le parti russe donne l’exemple. On formule donc une interdiction absolue des fractions et on introduit dans les statuts l’obligation de participer au travail commun pour tous les militants de quelqu’opinion qu’ils soient. Je suis d’avis que là encore la question de la bolchevisation a été posée d’une manière tout à fait démagogique (...)
« Or, ces derniers temps, un régime de terreur s’est instauré dans nos partis, une espèce de sport qui consiste à intervenir, à punir, à réprimer, à anéantir, et ceci avec un goût tout particulier comme s’il s’agissait d’un idéal de vie du parti.
« Les héros de ces brillantes opérations semblent même croire qu’ils donnent ainsi une preuve de leur capacité et de leur énergie révolutionnaire. Je crois, au contraire, que les vrais, les bons révolutionnaires sont en général les camarades victimes de ces mesures d’exception qu’ils supportent patiemment pour ne pas briser le parti. Je pense que cette dépense d’énergie, ce sport, cette lutte intérieure n’ont rien à voir avec le travail révolutionnaire que nous devons accomplir. Le jour viendra où il s’agira de frapper et d’anéantir le capitalisme : c’est sur ce terrain-là que notre parti donnera la preuve de son énergie révolutionnaire. Nous ne voulons aucune anarchie dans le parti, mais nous ne voulons pas davantage d’un régime de représailles permanentes qui serait la négation même de son unité et de son homogénéité.
« Aujourd’hui, le point de vue officiel est le suivant : le Centre dirigeant actuel est éternel et il peut faire tout ce qu’il veut car, lorsqu’il prend des mesures contre ceux qui lui résistent, lorsqu’il évente des complots et met l’opposition en déroute, il a toujours raison. Mais le mérite ne consiste pas à écraser les révoltes, mais à faire qu’il n’y en ait pas. On juge l’unité du parti aux résultats obtenus et non sur l’existence du régime de menaces et de terreur. Il est clair qu’il faut prévoir des sanctions dans nos statuts, mais elles doivent s’appliquer à des cas exceptionnels et non pas devenir la procédure normale et permanente. Lorsque des militants abandonnent de toute évidence la voie que nous suivons tous, il est clair qu’il faut prendre des mesures contre eux. Mais lorsque le recours au code pénal devient la règle d’une société, cela prouve qu’elle n’est pas des plus parfaites. Les sanctions doivent frapper des cas exceptionnels et non devenir la règle, une sorte de sport, l’idéal des dirigeants du parti. Voilà ce qu’il faut changer, si nous voulons construire un bloc solide au plein sens du terme (...)
« Avant de parler d’écraser les fractions, il faudrait au moins prouver qu’elles sont en liaison avec la bourgeoisie ou avec des cercles d’esprits bourgeois, ou qu’elles nouent des rapports personnels avec eux. Si ce n’est pas le cas, il faut rechercher les causes historiques de la formation des fractions au lieu de les condamner a priori (...)
« Avec la méthode de la chasse aux fractions, des campagnes de scandales, de la surveillance policière et de la méfiance envers les camarades – méthode qui constitue en réalité le pire fractionnisme qui s’est diffusé dans les couches supérieures du parti – n’ont fait qu’empirer les conditions du mouvement en poussant toute critique mesurée et objective vers le fractionnisme.
« Ce n’est pas par de telles méthodes qu’on peut créer l’unité du parti : avec elles, on ne fait qu’instaurer un régime d’incapacité et d’impuissance. Une transformation radicale de nos méthodes de travail est absolument nécessaire. Dans le cas contraire, les conséquences seront d’une extrême gravité ».
Citation 102 - Thèses sur la tâche
historique, l’action et la structure...
(Thèses de Naples) - 1965
« Thèse 3 - (...) Le troisième point que la Gauche dénonce depuis lors, et de plus en plus vigoureusement les années qui suivirent, est le danger croissant opportuniste : ce troisième argument concerne la méthode de travail à l’intérieur de l’Internationale que le Centre représentant de l’Exécutif de Moscou utilise envers les partis, et même envers les sections des partis qui sont tombés dans des erreurs politiques, méthode non seulement de « terreur idéologique », mais surtout de pression organisative, ce qui constitue une application erronée et avec le temps une falsification totale des principes justes de la centralisation et de la discipline sans exception. Cette méthode de travail s’accentua dans tous les pays, mais particulièrement en Italie après 1923 – où la Gauche, suivie par tout le parti, donna une preuve de discipline exemplaire en passant la direction à des camarades de la droite et du centre désignés par Moscou – puisqu’on agita gravement le spectre du « fractionnisme » et de la menace constante de jeter hors du parti un courant accusé artificiellement de préparer une scission ; et cela à seule fin de faire prévaloir les dangereuses erreurs centristes dans la politique du parti. Ce troisième point vital fut discuté à fond dans les congrès internationaux et en Italie, et il est aussi important que la condamnation des tactiques opportunistes et des formules d’organisation de type fédéraliste (...)
« Thèse 4 - (...) A cette honteuse influence de l’argent, qui disparaîtra dans la société communiste, mais seulement après une série d’événements dont l’instauration de la dictature prolétarienne n’est que la premier acte, s’ajoutait dans l’Internationale l’utilisation d’une arme que la Gauche dénonça ouvertement comme une manoeuvre digne des parlements et des diplomaties bourgeoises, ou de la la très bourgeoise Société des Nations : on encourageait ou on flétrissait selon les cas le carriérisme et les vaniteuses ambitions personnels des chefaillons qui pullulaient dans les rangs du mouvement ; si bien que chacun d’eux se trouvait placé devant l’alternative inexorable de choisir ou bien une notoriété immédiate et commode s’il acceptait docilement les thèses de la toute-puissante Centrale, ou bien un anonymat irrémédiable et peut-être la misère s’il voulait défendre les justes thèses révolutionnaires dont la Centrale avait déviées.
« C’est aujourd’hui une évidence historique que ces Centrales internationales et nationales étaient sur la voie de la déviation et de la trahison ; selon ce qu’a toujours affirmé la Gauche, c’est là la raison qui doit leur retirer tout droit à exiger au nom d’une discipline hypocrite l’obéissance aveugle de la base ».
Citation 103 - Prémisse au Discours
du représentant de la Gauche au 5e Congrès de l’IC - 1965
« (...) La position de la Gauche italienne fut qu’on ne devait pas s’en prendre aux hommes, mais à la méthode tactique erronée dont toute l’Internationale était responsable, comme nous l’avions déjà dénoncé lors du 4e Congrès de 1922 ».
Citation 104 - Prémisse à « Force,
violence, dictature dans la lutte de classe » - 1965
« (...) Les passages que nous reportons ici sont compris dans la conclusion, et les deux thèmes soulignés : le contrôle démocratique par le bas n’est en rien un remède mais une tromperie classique de l’opportunisme, tandis que la froide et cynique pression disciplinaire par le haut est à éliminer pareillement de nos méthodes et de notre vie interne de parti ».
Citation 105 - Thèses supplémentaires
sur la tâche historique, l’action... (Thèses
de Milan) - 1966
« Thèse 7 - L’histoire de la III Internationale comporte une autre leçon (que la Gauche mit souvent en évidence à l’époque par ses critiques et qu’on peut retrouver dans nos textes) ; celle de la vanité de la « terreur idéologique ». Alors que la diffusion de notre doctrine se fait par la rencontre de celle-ci avec les forces réelles en ébullition dans le milieu social, cette méthode désastreuse consistait à vouloir remplacer ce processus naturel par une catéchisation forcée des éléments récalcitrants et égarés, soit pour des raisons plus fortes que les hommes et que le parti, soit pour des raisons tenant à une imparfaite évolution du parti lui-même, en les humiliant et en les mortifiant publiquement dans des congrès, sous le yeux mêmes de l’ennemi de classe, même quand ils avaient représenté notre parti et dirigé notre action dans des épisodes de portée politique et historique. Imitant la méthode fidéiste et piétiste de la pénitence et du mea culpa, on prit l’habitude de contraindre ces éléments à une confession publique de leurs erreurs, en les plaçant le plus souvent devant l’alternative de retrouver ou de perdre une position importante dans les rouages de l’organisation. Ce moyen vraiment philistin et digne de la morale bourgeoise n’a jamais amendé aucun membre du parti ni protégé celui-ci contre les menaces de dégénérescence. Dans le parti révolutionnaire, en plein développement vers la victoire, l’obéissance est spontanée et totale mais non aveugle ni forcée, la discipline centrale, comme le montrent les thèses et la documentation présentée à l’appui équivaut à une harmonie parfaite entre les fonctions et les actions de la base et du Centre et ne peut pas être remplacée par l’exercice bureaucratique d’un volontarisme antimarxiste.
« (...) L’abus croissant de pareilles méthodes ne fait que marquer la progression triomphale de la dernière vague opportuniste, la plus terrible de toutes ».
Citation 106 - Prémisse aux Thèses du PC
d’Italie sur la Tactique pour le 4e Congrès
de l’IC - 1970
« (...) En second lieu, et pour les mêmes raisons, la Gauche avertit l’Internationale qu’une fois engagée sur ce chemin tortueux, et à moins de s’arrêter à temps elle devrait nécessairement dévaler toute la pente : un expédient en entraînerait un second, au besoin contraire du précédent ; en cas d’échec, on chercherait la responsabilité, puis la « faute », non dans la contradiction entre la nature même de cet expédient et le but final, mais dans sa « mauvaise » utilisation par tel individu ou par tel groupe ; on s’efforcerait anxieusement d’y remédier par de brusques virages et par des jugements sommaires de « chefs », sous-chefs et militants de base, minant ainsi les fondements même de cette discipline internationale, non formelle mais réelle, qu’on voulait pourtant à juste raison instaurer (...)
« Le cri d’alarme lancé avec de plus en plus d’insistance par la Gauche à partir de 1922 au sujet d’une rechute possible dans l’opportunisme, concernait (et c’est pour nous, surtout pour les jeunes militants, une autre leçon de première grandeur) un phénomène non subjectif mais objectif qu’on ne pouvait certes pas imputer aux bolcheviques ; son apparition ne peut, en effet, s’expliquer banalement par les « erreurs » de tel ou tel puisqu’au contraire chacun agit comme la voie prise lui impose d’agir (...) Nous n’avons jamais réclamé la tête de personne, pas même lorsqu’on a réclamé et obtenu la nôtre : nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour que les têtes et les bras se remettent au travail et pour qu’on retrouve cette unique voie révolutionnaire qui, pour nous, n’aurait jamais pu ou dû être remise en question (...)
« Nous ne voulons pas tomber, et l’on doit nous donner acte que nous ne l’avons pas fait, dans le jeu infernal des oppositions d’individus, dans lequel Trotski se laissera entraîner après 1927 par son indignation plus que légitime à l’égard du stalinisme. Nous défendons le marxisme, et non la propriété intellectuelle de qui que ce soit ; nous condamnons une déviation avec ses conséquences inéluctables, et non un homme mis sur la sellette pour la douteuse satisfaction du juge et le plaisir morbide du parterre (...)
« Quand on se met par malheur à poser le problème des « garanties », il est inévitable que surgisse la question : qui gardera les gardiens ? De deux choses l’une : ou bien la direction et la « base » sont unies par un lien commun et supérieur (qui ne peut être que le programme invariant et impératif pour tous) ou bien on voit nécessairement renaître tout l’appareil judiciaire des tribunaux de premier, second et troisième ordre, avec le troupeau des avocats, des ministères publics et, naturellement, des professeurs de droit constitutionnel ; et cet appareil n’est pas une entité métaphysique, c’est la superstructure de l’organisme qu’il devrait théoriquement contrôler et juger : le juge et l’accusé sont une seule et même personne. Il ne reste donc plus qu’à le soumettre lui aussi à l’autorité suprême : non pas celle du bon dieu (qui, jusqu’ici du moins, est exclu), mais du policier, puis du commissaire, et enfin du maréchal ».
Citation 107 - Prémisse aux
Thèses de Lyon, 1926 - 1970
« (...) Le 5e Congrès de l’Internationale Communiste (17 juin - 8 juillet 1924) reflète le profond désarroi des partis après le bilan catastrophique de deux années de brusques tournants tactiques et d’ordres équivoques : Togliatti lui-même demande que l’on dise enfin clairement ce qu’il faut faire exactement ! Alors que les dirigeants des sections nationales s’immolent une nouvelle fois sur l’autel de l’infaillibilité de l’Exécutif, c’est encore la Gauche qui fait entendre la seule voix sévère, mais sereine et dépouillée de toute fioriture personnelle et locale. S’il avait jamais été dans ses habitudes de se réjouir de voir ses prévisions confirmées de façon éclatante par la preuve terrible du sang prolétarien inutilement versé, ou de demander à son tour que des têtes de « rois » ou de « corrompus » tombent pour céder la place à des têtes « innocentes » et « incorruptibles », cela aurait été le moment de le faire. Mais ce n’est pas ce que la Gauche demande et veut : elle demande et elle veut que l’on plonge courageusement le bistouri dans les déviations de principes dont ces « erreurs » étaient le produit inévitable, alors que les « têtes » n’en étaient que l’expression occasionnelle (...)
« En continuant d’égrener le chapelet des innovations tactiques, on redonnait chaque fois de la vigueur aux courants centrifuges qui sommeillaient dans tous les partis, et les tournants brusques qui se succédaient suscitaient la confusion et des ruptures mêmes chez les militants le plus solides. Aussi le problème de la « discipline » se posait-il nécessairement, non en tant que produit naturel et organique d’une homogénéité théorique préalable et d’une saine convergence dans l’action pratique, mais au contraire en tant que manifestation morbide de la discontinuité dans l’action et de l’hétérogénéité dans le patrimoine doctrinal. La « poigne de fer » s’imposait dans la mesure même où on constatait des erreurs, des déviations, des fléchissements, auxquels on essayait de remédier en remaniant les comités centraux ou les exécutifs, et elle était d’autre part idéalisée comme méthode et règle interne du Komintern et de ses sections, et comme antidote souverain, non pas contre les adversaires et les faux amis, mais contre les camarades. La ronde infernale des procès contre... soi-même, l’époque de ce que la Gauche, au 6e Exécutif Elargi, appela « le sport de l’humiliation et du terrorisme idéologique » (exercé souvent par d’« ex-opposants humiliés ») avait commencé : et il n’est pas de procès sans geôlier.
« On avait dévié de la discipline à l’égard du programme clair et tranchant des origines : pour empêcher que cette indiscipline ne provoquât la débandade, on prétendit fabriquer in vitro de « véritables partis bolcheviques ». On sait ce que deviendront, sous la botte stalinienne, ces caricatures du parti de Lénine (...)
« Allant plus loin, nous abordions le problème bien plus vaste et général vers lequel convergeaient toutes les questions qui allaient devenir brûlantes dans la lutte interne du parti russe en 1925-1926: nous dénoncions, avant qu’il ne fût trop tard, la fureur et la manie de la « lutte contre le fractionnisme », cette chasse aux sorcières qui célébrera ses saturnales pendant l’ignoble campagne de 1926-1928 contre la gauche russe (...), cette chasse aux sorcières qui, franchissant les frontières de l’Etat russe, accouchera d’abord de l’ignoble personnage de l’accusateur public, ensuite du délateur professionnel, et enfin du bourreau (...)
« Et si, malgré tout, une crise intérieure se produisait, ses causes et les moyens de la résoudre doivent être cherchés ailleurs, c’est-à-dire dans le travail et la politique du parti ». Curieuse déduction, en effet, pour une Internationale dont les Congrès avaient finis par devenir le siège de procès intentés à des partis, à des groupes ou à des individus considérés comme responsables des tragiques insuccès du communisme en Europe et dans le monde : tout devenait maintenant le produit de « conjonctures défavorables », de situations « adverses ».
Chapitre 5
La lutte politique dans le parti
Les citations qui suivent démontrent que dans la vision correcte marxiste de la Gauche, la façon de se mouvoir du parti communiste, sa dynamique interne, ne se présente pas comme lutte politique, heurt entre des positions opposées dont l’une doit prévaloir sur l’autre et dicter sa position au parti. La suprématie d’une telle dynamique dans l’organe parti indique qu’il n’est plus l’expression des intérêts homogènes et unitaires d’une seule classe, mais celle des intérêts opposés de plusieurs classes qui expriment logiquement diverses positions politiques. La lutte politique interne représentait la dynamique des partis de la II Internationale, précisément parce qu’en eux convergeaient une aile prolétarienne révolutionnaire et une aile petite-bourgeoise réformiste et gradualiste. Et lorsque une dynamique de lutte politique s’imposa dans la III Internationale, ceci signifia sa conquête graduelle par une aile contre-révolutionnaire. La Gauche ne conduisit pas dans la III Internationale une lutte politique interne, mais au contraire elle accepta volontairement en 1923 d’être remplacée à la direction du parti italien par des éléments centristes, se limitant à expliquer quelles étaient les erreurs et les faiblesses de l’organisme international sur les divers problèmes, et quels étaient les dangers auxquels ce dernier s’exposait ; elle revendiqua toujours une recherche rationnelle et objective de la part de toute l’Internationale pour trouver la solution la meilleure aux problèmes qui se posaient au parti, et les « Thèses de Rome » de 1922. Ces thèses non seulement préservent l’absolue discipline exécutive vis-à-vis de la centrale de Moscou, mais aussi ne se veulent pas opposées aux positions de la centrale même ; bien au contraire elles constituent une contribution de la section italienne à la solution rationnelle et conforme aux principes communs des questions tactiques.
C’est seulement après 1923 que la Gauche, reconnaissant les dangers de retomber dans l’opportunisme, qui devenait de plus en plus évident dans l’Internationale, prévoira la possibilité, si la ligne de Moscou ne se renversait pas, d’en arriver à la constitution d’une fraction internationale de gauche pour défendre l’Internationale de l’aile opportunisme ressuscitée. C’est seulement en 1926 au Congrès de Lyon que la Gauche présentera un corps de thèses globalement opposé à celui de la centrale italienne, reconnaissant en elle le caillot d’éléments qui n’avaient jamais été sur le terrain du marxisme révolutionnaire, et en y opposant sa tradition, la seule adhérent au communisme et au marxisme. Pour la Gauche, même si le parti communiste se constitue sur la base d’une doctrine unique, d’un programme unique, de principes clairement énoncés et posés comme base à l’adhésion individuelle au parti, et même si sur cette base homogène sont rationnellement définies les grandes lignes de la tactique, ce n’est pas pour autant que cessent de se poser au parti des problèmes graves et complexes qu’il doit résoudre tous les jours de sa vie. Mais l’homogénéité de base sur laquelle le parti s’appuie fait en sorte que ces problèmes peuvent trouver une solution au travers d’un travail et d’une recherche commune à tout le parti, dans une clarification constante de ces points cardinaux que tous les militants déclarent accepter et dont on ne doit jamais sortir pour obtenir la solution de n’importe quel problème. Le fait que dans des moments déterminés puissent se présenter diverses solutions à un même problème et que sur ces diverses solutions les militants se mettent sur divers rangs, ne doit pas faire oublier le patrimoine commun sur lequel le parti s’appuie et auquel toute solution doit être liée. La solution d’un problème que le Centre du parti décide d’appliquer ne doit pas ainsi être l’expression d’un rapport de force entre des groupes opposés à l’intérieur du parti et de la prévalence d’un groupe sur un autre, mais être conforme aux lignes dorsales fixées par la doctrine, le programme et par la tactique du parti, et cette fidélité au patrimoine commun doit être exigée de n’importe quelle position sur n’importe quel problème. La solution des problèmes qui assaillent le parti est donc demandée à un travail collectif développé sur une base commune acceptée de tous et pour cela susceptible de recherche objective et rationnelle.
On doit une obéissance et une discipline totale au Centre, en tant qu’il montre ne pas être l’expression d’une majorité d’avis individuels, mais d’être sur le terrain de cette continuité.
L’existence de dissensions sur une question déterminée de tactique ou de travail pratique, alors qu’elle engage tous les membres de l’organisation à exécuter fidèlement les ordres venant du centre, n’autorise personne à soutenir que le parti s’est divisé en courants et fractions en lutte entre eux, dans la mesure où les deux positions sur le problème qui est l’objet de dissension, sont le fruit d’une même façon de présenter les problèmes sur la base de la tradition commune de parti. Les erreurs qui peuvent se vérifier dans la solution d’un problème déterminé n’autorisent ainsi personne à soutenir qu’elles sont dues à la présence dans le parti d’une position tactique générale divergente de celle commune ou à accuser des individus ou des groupes de l’avoir commise en tant que dissidents de la position générale du parti. La Gauche ne tira pas du fait que la direction de Moscou appliquait la tactique du front unique politique et celle du gouvernement ouvrier la conclusion qu’il existait dans le parti une aile divergent de la position générale ou qui avait des conceptions diverses des nôtres sur les questions fondamentales, et quand ces tactiques montrèrent en pratique qu’elles étaient erronées, elle ne réclama la tête de personne, ne demanda pas qu’on changeât les dirigeants des partis et de l’Internationale. Elle partit toujours, lors de dissensions concernant les solutions que l’Internationale donnait à des problèmes variés, de « l’idéaliste » et « métaphysique » conception que les partisans du front unique politique et du gouvernement ouvrier, comme nous, étaient en principe des camarades qui acceptaient une base commune, et elle réclama que la solution fût trouvée dans l’éclaircissement et dans la précision de cette base.
Le fait de renier cette notion selon laquelle dans le parti communiste tous sont en principe des camarades même quand ils se trompent et font que tout le parti se trompe, signifie donc renier toute la tradition de la lutte de la Gauche dans l’Internationale ; ceci signifie ne plus trouver de réponse aux questions suivantes : pourquoi la Gauche ne demanda jamais le remplacement du Centre de Moscou, partisan du front unique politique, par un autre Centre qui soutînt des positions correctes ? Pourquoi la Gauche abandonna spontanément aux partisan du front unique et du gouvernement ouvrier la direction du parti italien, bien que cette dernière fût complètement sur ces positions ? Pourquoi n’accusa-t-elle pas Zinoviev, voire Lénine lui-même, d’être un agent infiltré dans le parti ? On sait que la Gauche ne fit rien de tout ceci, mais réclama au contraire que l’on cherchât des solutions tactiques correctes qui engagent tout le parti dans un travail collectif de clarification et de définition du patrimoine commun à nous tous, et vit dans les procès faits aux hommes qui avaient commis des erreurs, dans la personnification des erreurs, dans les critiques et dans les autocritiques, un éloignement de cette saine dynamique, et par conséquent, un danger de retomber dans l’opportunisme.
Ayant à faire à des gens qui aiment oublier trop facilement, nous somme contraints de donner un exemple pratique. Dans notre petit parti la divergence sur le problème syndical a conduit à un heurt dans lequel une partie des camarades a été définie comme atteinte d’activisme et de volontarisme, et par conséquent tout le travail entrepris pour résoudre la question(si on peut dire) a été celui de décharger cette partie de ses responsabilités pour les donner à la partie saine ; d’une erreur tactique possible comme celle de la « défense de la CGIL », on a tiré la déduction qu’on était en présence d’un courant « anarcho-syndicaliste » à l’intérieur du parti, et qu’il était nécessaire non seulement de corriger l’erreur, mais aussi de démasquer ce courant dont l’erreur n’était qu’une manifestation (4).
De 1922 à 1926, la direction de l’Internationale Communiste a mené à la ruine un parti de millions d’hommes et a « objectivement » saboté la lutte révolutionnaire de tout le prolétariat européen et mondial, mais ne sortit jamais de la plume ou de la bouche de la Gauche en ces quatre années, et ni même après, que l’Internationale était dirigée par des anti-marxistes ou par des opportunistes, et qu’il fallût à cause de cela arracher la direction de l’organisation à ceux qui étaient coupables de fatales erreurs. On ne trouvera jamais non plus dans un écrit ou dans un discours de la Gauche l’affirmation que nous luttions contre l’Exécutif de Moscou dont les erreurs tactiques provenaient d’un courant opportuniste infiltré dans le parti. Nous ne l’avons jamais dit non plus en 1926 quand tout était perdu. Et nous n’avons pas personnifié l’erreur en Zinoviev ou en Kamenev ou en Trotski en leur collant des étiquettes qui valent pour ceux qui se trouvent hors du parti, non par un stupide respect vis-à-vis de la « dignité de la personne », mais parce nous les considérions et les considérons encore aujourd’hui comme des « erreurs » non déterminées par les hommes. Cette position est complètement opposée à celle qui affirme au contraire : « on combat les positions erronées, mais quand celles-ci se radicalisent, on combat aussi les hommes qui sont les vecteurs de ces positions » ; et ceci est faux dans la première comme dans la seconde partie, car notre travail dans l’Internationale ne fut jamais de combattre politiquement, mais de contribuer aux éclaircissements. Nous n’avons pas combattu politiquement ni les positions erronées, ni les hommes-vecteurs de ces positions. Nous avons démontré que les positions étaient erronées et nous avons cherché à imposer un travail collectif et impersonnel afin de rechercher sur la base de la confiance réciproque, sur un terrain déblayé de toute négociation, diplomatie, heurts, pressions, la position juste à la lumière de nos principes.
Ou la condition de notre travail était qu’Amadeo Bordiga, comme Zinoviev, « étaient en principe des camarades », même quand ils donnaient au même problème deux solutions opposées et divergentes, et que pour cela le problème n’était pas de « condamner » la solution de Zinoviev, mais de rechercher la solution valide pour tout le mouvement communiste, ou toute l’histoire de la Gauche peut être mise au pilon.
Citation 108 - La politique de l’Internationale - 1925
« (...) Mais on dira donc : demandez-vous par principe qu’aux prochains congrès communistes il y ait une lutte et une dissension ouverte et violente sans possibilité d’une solution commune ?
« Nous répondons tout de suite que l’idéal serait que l’unanimité s’obtînt par l’étude et la considération objective et supérieure des problèmes ; mais que l’unanimité artificielle est toujours plus dommageable que la dissension ouverte lors de la consultation du Congrès, pourvu que la discipline exécutive soit assurée ».
Citation 109 - Organisation et discipline
communiste - 1924
« (...) mais pour s’assurer qu’elle procède effectivement et de la meilleure façon possible dans cette direction, et conformer cet objectif à notre travail de communistes, il faut associer notre foi dans la nature et la capacité révolutionnaires de notre glorieuse organisation mondiale, à un travail continu basé sur un contrôle et une appréciation rationnelle de son orientation politique et des événements qui se produisent en son sein ».
Citation 110 - Thèses de la Gauche au 3e Congrès du PC
d’Italie (Thèses de Lyon) - 1926
« I - Thèse 3 :Action et tactique du parti (...) Ce que nous nions essentiellement est qu’on puisse mettre une sourdine à l’effort et au travail collectifs du parti pour définir les règles de sa propre tactique, et exiger une obéissance pure et simple à un homme ou à un comité ou à un seul parti de l’Internationale et à son appareil dirigeant traditionnel.
« II - Thèse 5 : Discipline et fractions - (...) Un des aspects négatifs de ce qu’on appelle la bolchevisation est le remplacement de l’élaboration politique complète et consciente au sein du parti, qui correspond à un progrès effectif vers un centralisme plus compact, par l’agitation bruyante et superficielle de formules mécaniques sur l’unité pour l’unité et la discipline pour la discipline.
« III - Thèse 10:La direction et la question du fractionnisme. La campagne qui a atteint son paroxysme pendant la préparation de notre 3e Congrès a été délibérément déclenchée après le 5e Congrès mondial, non comme un travail de propagande et d’élaboration des directives de l’Internationale pour créer une véritable conscience collective plus avancée, mais comme une agitation visant, par les méthodes les plus expéditives et comportant le minimum d’efforts, à obtenir des camarades qu’ils renoncent aux positions de la Gauche. On ne s’est pas demandé si cette méthode était utile ou au contraire nuisible au parti et à son efficacité face à ses ennemis extérieurs, on s’est seulement efforcé d’atteindre à tout prix ce but intérieur ».
Citation 111 - Discours du représentant de
la Gauche au 6e
Exécutif Elargi de l’IC - 1926
« Les perspectives (...) La question doit être posée autrement. Même si les conditions et les perspectives nous sont absolument ou relativement défavorables, nous ne devons pas nous résigner aux déviations opportunistes et les justifier sous le prétexte qu’elles ont leurs causes dans la situation objective. Si une crise intérieure se produit malgré tout, ses causes et les moyens de la résoudre doivent être cherchés ailleurs, c’est-à-dire dans le travail, ce qu’on ne fait précisément pas aujourd’hui ».
Citation 112 - Politique d’abord - 1952
« Aujourd’hui - (...) Il faut substituer aux polémiques sur les personnes et entre les personnes, à l’usage et à l’abus des noms, le contrôle et la vérification des énonciations que le mouvement, dans ses tentatives successives de mise en ordre, met à la base de son travail et de sa lutte ».
Citation 113 - Pression « raciale »
de la
paysannerie, pression de classe des peuples de couleur - 1953
« Aujourd’hui - (...) Ni liberté théorique, ni liberté tactique. Il faut s’entendre sur ce principe fondamental de la Gauche. L’unité substantielle et organique du parti, qui s’oppose diamétralement à l’unité formelle et hiérarchique des staliniens, est une nécessité en matière de doctrine, en matière de programme, et aussi pour ce que l’on appelle la tactique. Si nous entendons par tactique les moyens d’action, ceux-ci ne peuvent être définis que par la même recherche qui nous a permis, en nous basant sur les données de l’histoire passée, de formuler les revendications de notre programme final et intégral ».
Citation 114 - Thèses sur la tâche historique, l’action et la
structure... (Thèses de Naples) - 1965
« Thèse 5 - (...) En appliquant la vieille consigne qui répond à la phrase de « fil du temps », notre mouvement s’employa à rappeler au prolétariat la valeur des résultats historiques enregistrés tout au long de la douloureuse retraite. Il ne s’agissait pas de nous réduire à une tâche de diffusion culturelle ou de propagande de petites doctrines, mais de démontrer que la théorie et l’action sont des domaines dialectiquement inséparables et que les leçons de l’histoire n’ont rien de livresque ou d’académique, mas résultent (pour éviter ce terme d’expériences, qui est aujourd’hui la tarte à la crème des philistins) des bilans dynamiques que nous avons tirés des affrontements intervenus sur une très grande échelle entre des forces réelles considérables, en utilisant même les cas où les forces révolutionnaires ont finalement été vaincues. C’est ce que nous avons appelé, selon un critère marxiste classique, les « leçons des contre-révolutions.
« Thèse 7 - Il s’agissait de transmettre l’expérience historique de la génération qui avait vécu les luttes glorieuses du premier après-guerre et de la scission de Livourne à la nouvelle génération de prolétaires qu’il fallait libérer de l’enthousiasme insensé suscité par la chute du fascisme, pour la ramener à la conscience de la nécessité d’une action autonome du parti révolutionnaire contre tous les autres partis, et surtout contre le parti social-démocrate, et reconstituer des forces décidées à lutter pour la dictature et la terreur prolétariennes, contre la grande bourgeoisie et tous ses ignobles serviteurs. Pour accomplir cette tâche, le nouveau mouvement trouva organiquement et spontanément une forme structurelle d’activité qui, en quinze ans, a fait ses preuves (...)
« Thèse 8 - L’ampleur, la difficulté et la longueur historique de l’oeuvre à accomplir par notre mouvement ne pouvaient attirer les éléments douteux et désireux de faire une carrière rapide, car loin de promettre des succès historiques à brève échéance, elles les excluaient au contraire. Notre structure de travail s’organisa sur la base de fréquentes rencontres d’envoyés de toute l’organisation dans lesquelles il n’y avait ni débats contradictoires, ni polémiques entre des thèses opposées, ni donc la moindre manifestation sporadique de nostalgie pour la maladie de l’antifascisme démocratique. Dans ces réunions, il n’y avait rien à voter ni à délibérer, leur but étant uniquement de continuer de façon organique l’important travail de transmission historique des fécondes leçons du passé aux générations présentes et futures, aux nouvelles avant-gardes destinées à se former dans les masses prolétariennes (...)
« Ce travail du parti et cette dynamique s’inspirent d’enseignements classiques de Marx et de Lénine, qui donnèrent la forme de thèses à leur présentation des grandes vérités historiques révolutionnaires. Ces thèses et ces rapports, fidèles aux grandes traditions marxistes vieilles de plus d’un siècle, étaient répercutés par tous les présents, ainsi que par les comptes rendus de notre presse, dans toutes les réunions périphériques, locales et régionales, où ce matériel historique était ainsi porté à la connaissance de tout le parti. Il serait absurde de dire qu’il s’agit de textes parfaits, irrévocables et non modifiables, car durant toutes ces années nous avons au contraire toujours affirmé qu’il s’agissait de matériaux en continuelle élaboration, destinés à recevoir une forme toujours meilleure et toujours plus complète ; d’ailleurs on n’a pas cessé de constater un apport de plus en plus fréquent d’excellentes contributions, parfaitement en accord avec les positions classiques de la Gauche, provenant de tout le parti et même de très jeunes camarades ».
Citation 115 - Thèses supplémentaires... (Thèses
de Milan) -
1966
« Thèse 2 - Le petit mouvement actuel se rend parfaitement compte que dans la phase historique bien grise que nous traversons il est très difficile d’utiliser, à une distance historique aussi grande, la leçon des grandes luttes passées (et non seulement des victoires éclatantes, mais aussi des défaites sanglantes et des replis sans gloire). Dans la vision correcte et non déformée de notre courant, ni la rigueur doctrinale, ni la profondeur de la critique historique ne suffisent à forger le programme révolutionnaire, car celui-ci a besoin aussi de la lymphe vitale provenant de la liaison avec les masses en révolte, aux époque où elles sont irrésistiblement poussées à combattre. Ce lien dialectique est particulièrement difficile à établir aujourd’hui, alors que le caractère mou de la crise du capitalisme sénile et l’ignominie croissante des courants opportunistes ont étouffé et éteint la poussée des masses. Tout en reconnaissant que l’influence du parti est limitée, nous devons sentir que nous préparons le véritable parti, à la fois sain et efficace, pour l’époque historique où les infamies sociales de la société contemporaine poussent à nouveau les masses insurgées à l’avant-garde de l’histoire, et que leur élan pourrait une fois de plus échouer s’il manquait le parti, non pas pléthorique mais compact et puissant, qui est l’organe indispensable de la révolution.
« Aussi douloureuse soient-elles, nous devons surmonter les contradictions de cette période en tirant la leçon dialectique des amères désillusions du passé et en signalant avec courage les dangers que la Gauche avait reconnus et dénoncés dès leur apparition, et toutes les formes insidieuses sous lesquelles la terrible infection opportuniste s’est présentée au cours de l’histoire ».
« (...) Curieuse déduction, en effet,
pour une
Internationale dont les Congrès avaient fini par devenir le siège
de procès intentés à des partis, à des groupes ou à des
individus considérés comme responsables des tragiques insuccès du
communisme en Europe et dans le monde ; tout devenait maintenant
le produit nécessaire de « conjonctures défavorables »,
de situations « adverses ».
« En réalité, ce qu’il fallait faire, c’était
non pas un procès,
mais une révision critique radicale basée sur des données
impersonnelles, en montrant combien le jeu des causes et des effets
entre facteurs objectifs et subjectifs est infiniment complexe, et en
montrant que le pouvoir d’intervention du parti sur les premiers –
considérés pour un instant « purs », c’est-à-dire
indépendants de notre action collective – est limité, il est au
contraire en notre pouvoir de sauvegarder, fût-ce au prix d’une
impopularité et d’un insuccès momentanés, les conditions qui
seules permettront aux seconds d ’agir sur l’histoire et de la
féconder.
« Le parti ne serait rien s’il n’était pas,
objectivement et
subjectivement, pour ses militants et pour la classe ouvrière
indifférenciée, le fil conducteur ininterrompu que le flux et le
reflux des situations ne réussissent pas à briser ou même s’ils le
brisent, ne parviennent pas à altérer. Dans
la lutte pour que ce fil tienne bon, alors ; dans la
lutte pour le renouer dans les longues années du stalinisme
triomphant, ensuite ; dans la lutte pour reconstruire dans son
prolongement le parti mondial du prolétariat : voilà tout le
sens de notre bataille ».
1. Le paragraphe 2 des thèses du 3e Congrès de l’IC en 1921 sur la structure, les méthode et l’action des partis communistes, s’intitulait « centralisme démocratique et démocratie prolétarienne ».
2. En français dans le texte.3. Paru en français dans Programme Communiste n°34, 1966, numéro spécial : « Le Parti, sa nature, sa fonction et son organisation » (extraits); nous avons un peu modifié cette traduction parfois imprécise.
4. Il est fait allusion dans ce passage à la crise dans le parti des années 1970.